Il est toujours étonnant de lire la presse quotidienne régionale qui, en fait, reste le meilleur baromètre de la vie sociale. Pas nécessairement les titres de la une, mais ceux des pages intérieures, relatifs à ce que l’on appelle les « locales » car elles reflètent un monde réel dans une effervescence des apparences. C’est ainsi que, sur la situation des collectivités territoriales, on va voir enfin émerger une certaine forme de lucidité. Je suis impatient de vérifier la manière dont certains élus vont se débrouiller pour masquer la forte dégradation de leur gestion communale, intercommunale ou départementale. On assiste d’ailleurs sur ce dernier point à un concours de mutisme, lors des élections cantonales. En Gironde comme ailleurs, tout est fait pour que surtout on ne parle pas des conséquences de la réforme territoriale. Motus et bouche cousue puisque tout le monde, avec un brin de lucidité, sait fort bien que le vote des budgets communaux ou intercommunaux va relever pour la très grande majorité des structures d’une navigation à la corne de brume.
Dans un récent compte-rendu d’un conseil municipal (celui de la ville de Lesparre en Gironde), je lisais dans Sud-Ouest une déclaration du Maire qui citait le Sous-Préfet, parti depuis sous d’autres cieux que ceux du Médoc : « zéro emprunt, zéro embauche, zéro augmentation de salaires ». Cet homme là est un pessimiste, et en plus il devrait être cloué au pilori puisqu’il fait de la… politique. En fait, il est tombé sur un fonctionnaire de l’Etat qui traduit de manière concrète et tangible les consignes qu’il a reçues, et qui vont tomber sur la tête des « optimistes » qui ne voient tout simplement pas arriver l’iceberg dans le brouillard. Tout le monde va tenter de masquer la crise qui menace et qui va rendre plus pauvres les collectivités les plus pauvres, qui va permettre aux plus riches (l’intercommunalité du bassin d’Arcachon dégagerait avec la réforme plus de 6,2 millions de profits liés à des bases d’imposition des ménages très fortes) de devenir plus riches. Bizarre, là-bas, dans ces fiefs UMP, les contribuables inconscients du fait qu’ils font payer des impôts locaux dont une bonne partie filera, grâce à la réforme, vers d’autres horizons, pour compenser la disparition de la taxe professionnelle !
Comment peut-on dans une ville comme Arcachon dont les taux d’imposition sur des bases immobilières très élevées sont exorbitants voter pour un conseiller général UMP qui approuve la reforme territoriale, spoliant ses propres électrices et électeurs ? C’est impensable, mais c’est pourtant inévitable puisque ceux qui se plaignent le plus de l’imposition sont souvent celles et ceux pour qui la somme à régler ne pose véritablement aucun problème et qui ne se rendent même pas compte que pour une habitation équivalente ailleurs, ils auraient une addition quatre à cinq fois inférieure ! Les élus vont noyer la loubine et vanteront les mérites d’une mesure idéologique de ce président, dont plus personne ne veut se réclamer, à part les officiers du bunker gouvernemental. Fillon grillé et aux abonnés absents depuis son avatar égyptien ! MAM le canal historique du RPR en perdition ! Bachelot flinguée par les vaccins ! Mercier attend le jugement dernier. Hortefeux allonge sa liste de condamnations. Juppé attend que son ennemi élyséen de toujours ait un genou à terre pour l’achever. Les sénateurs UMP se rongent les ongles en attendant fin septembre. Les députés commencent à quitter le navire sarkozyste dans les chaloupes de sauvetage de leur siège. L’Elysée va être perquisitionné pour ne pas avoir respecté la règle des marchés publics que l’on impose férocement au moindre maire d’une commune d’une centaine d’habitants voulant curer les fossés…
Méprisants, arrogants, menteurs, tricheurs les gouvernants UMP se débattent comme des poissons chats dans la vase d’un marigot africain dépourvu d’eau ! Même s’ils ne manquent pas d’air en apparence, ils tentent de trouver quelques bouffées d’oxygène en ouvrant la bouche en permanence.
Seuls à voter les impôts pour se faire tailler en pièces par des ménages accumulant les hausses du gaz, de l’électricité, du carburant, des denrées de base, des transports, des taxes diverses, et voyant leurs fin de mois devenir toujours plus angoissantes, les élus locaux vont être dans une nasse. Tout a été fait pour qu’ils n’aient pas d’autre choix que celui de tailler dans… les investissements, ce qui relève de l’aberration économique. C’est, au prétexte de l’incapacité de l’Etat à améliorer ses recettes (bouclier fiscal, suppression de l’ISF, niches fiscales ciblées, exonérations multiples, fuite des contribuables tolérées à l’étranger, absence de poursuites à l’égard des tricheurs, montée en puissance du travail au noir, non progressivité réelle de l’impôt sur les revenus…) pour se défausser sur les collectivités (privatisations accélérées dans tous les domaines, recentralisation latente, transferts sociaux constants, augmentation diarrhéique des normes…) une destruction programmée de milliers d’emplois dans le BTP, les achats de matériel ou le secteur de l’équipement collectif. Ce ne sont pas que des pavés chinois en or massif que commandent les collectivités mais, pour beaucoup d’entre elles, elles achètent en France et même souvent dans la proximité !
Les carnets de commande sont désespérément vides. Pour la réfection de deux rues créonnaises, il y avait 7 entreprisses sur les rangs dont, pour exactement le même métrage, la même demande et les mêmes délais dont les devis allaient de 19 000 euros (groupe national) à 39 000 (entreprise locale) : la catastrophe menace, puisque il est certain qu’il y a du travail à perte pour seulement occuper le personnel ! dans le quotidien régional, les titres vont se succéder sur ces « héros » qui maintiennent les taux d’imposition et qui retardent la bombe qui ne manquera pas de détruire leurs certitudes !
Les impôts, quand ils sont équitables, justement prélevés, restent pourtant des leviers puissants pour préserver l’emploi (un étudiant peut-il actuellement espérer trouver du boulot durable dans le privé à sa sortie de l’école, puisqu’il n’y a plus de postes dans le public ?) via l’investissement. Le Medef finira par protester et il y a fort à parier qu’en 2013 on reviendra sur des réformes suicidaires. Mais il sera trop tard : la proximité des élections locales fera que l’on s’inscrira dans la disette des ressources, et là, il sera temps de faire disparaître les canards boiteux ! Allez, taxons la mauvaise foi et les promesses non tenues et on retrouvera vite l’équilibre budgétaire !
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Que de lucidité dans cet article … Pour avoir participé de près à la gestion locale (ancien receveur municipal)je milite depuis ma retraite pour un peu plus d’ortodoxie… Si nos communes vont droit dans le mur c’est quand même grâce aux efforts répétés d’élus indéboulonables jamais avares de promesses qui rendent les foux joyeux pensant sans doute que les arbres poussent jusqu’au ciel. La récréation terminée ils rentreront chez eux tranquillement persuadés d’avoir fai don de leur prersonne au service d’autrui.