Demain ils voteront pour le Front National…

Le téléphone sonne… La soirée débute. Première alerte, comme durant toutes les vacances scolaires. La télésurveillance vient de détecter une tentative d’intrusion dans les locaux du Point Relais Vélo. Du grand classique, puisque régulièrement un groupe va se planquer dans le décroché de la porte d’entrée et, immédiatement, l’alarme entre en fonction. Il faut s’habiller et partir contrôler que rien n’est effectivement brisé ou en danger. Créon est vide. Sur la Place centrale un premier rassemblement annonce des heures agitées. Une demi-douzaine de silhouettes entrent en conciliabule pour savoir quelle destination il faut prendre. Les portes d’un véhicule s’ouvrent et ils s’engouffrent avant un départ tonitruant. Plus bas, dans l’ombre, deux autres silhouettes se planquent dans un recoin d’un restaurant fermé. « Si tu as une bouteille, on vient che,z toi l’acheter… », explique à son interlocuteur un habitué du téléphone mobile. L’autre, en me voyant descendre seul à pied la rue se dissimule pour éviter que je l’identifie. Silence durant mon passage. Je poursuis mon chemin pour arriver bien évidemment trop tard sur le site éclairé de l’ex-gare. Les habitués se sont dispersés, et j’entends les voix au loin dans les résidences voisines. Vérification des portes. Rien. Je rentre. Retour par le même chemin dans l’obscurité quand, face à moi, en sens interdit, un deux roues motorisé avance.
Je me mets en travers de la rue. Il s’arrête et je lui fais remarquer que les sens interdits sont valables pour tout le monde, surtout la nuit. Il menace, vitupère, arrête son engin et proclame : « je vais voir ma mère qui est malade ! » Inutile de lui faire remarquer qu’emprunter un sens interdit ne va rien changer à la santé de sa mère, il n’admet aucun reproche et il le montre ostensiblement. Je le reconnais sous son casque et il n’hésite pas à me révéler son nom, puisque le cacher serait inutile. A quelques dizaines de mètres, le duo a reçu du renfort : les quolibets fusent et ils encouragent le motocycliste à me faire la peau. Je vais résolument vers ce groupe, laissant partir, cette fois dans le sens normal de la circulation, le « contrevenant » visiblement outré que le Maire puisse lui rappeler un minimum de respect les règles.
Le quatuor se planque…peu fier de mon arrivée. Le meneur s’asseoit sur le rebord d’une fenêtre. Je m’arrête pour lui demander de répéter les menaces qu’il vient de proférer. Il a baissé sa capuche, s’est engoncé dans son parka noir, et il ne se gêne pas, secondé par ceux qui se terrent dans le noir absolu : « on sait qui tu es, on sait où tu habites, on va cramer ta maison, on va s’occuper de tes enfants…
– facile je suis le Maire, ma maison est sur la place !
– justement, c’est facile pour te trouver… on t’auras si tu la ramènes ! »
Aucune retenue. Aucune limite. Des menaces toutes prêtes répétées sans aucune conscience de la gravité des mots utilisés. Je suis démuni, impuissant devant ce quatuor qui aboie de loin, anonymement, sans aucun autre courage que celui que lui donne l’obscurité. Pas de témoins. Ils le savent… et ils insultent lourdement, multipliant les insultes faciles dès que j’ai le dos tourné. Je remonte sous les couverts de la Place de la Prévôté éclairés, et eux, en bons fiers à bras occasionnels, se fondent dans la nuit par crainte que je retourne sur mes pas. Ils ont au moins un doute sur ma capacité à les avoir identifié, même si je n’y suis pas parvenu, compte tenu de leur propension à planquer. Ils ne comprennent pas pour quelle raison le Maire ne se dégonfle pas face à cette attitude, inspirée par des documents, qui sous prétexte de montrer la « réalité », ne font que donner du grain à moudre à ceux qui manquent d’imagination. La Gendarmerie viendra dans la nuit inspecter le centre ville, et tournera à la recherche des ces groupes errants qui savent que la meilleure défense, c’est la fuite.
« Ce comportement s’explique par le fait qu’ils ne vous connaissent pas, et que ce sont donc des gens qui viennent d’ailleurs zoner sur Créon » m’explique l’une des intervenantes en uniforme. « Chaque fois qu’on en intercepte quelques-uns, d’autres arrivent pour prendre le relais, puisque l’espace est libre…ceux que l’on arrête nous annoncent que la relève existe. » En fait, ces groupuscules de vacances s’occupent à leur manière sur Créon, faute de pouvoir le faire ailleurs. Créon s’installe devant Lyon Real de Madrid. Le téléphone sonne à nouveau : l’alarme vient de se réveiller au point relais Vélo. Je sors. Le vide sidéral. Plus personne. Ils sont allés se dissimuler ailleurs, attendant une livraison de bouteilles d’alcool, car le football ne les passionne pas et que, de toutes les manières, tout ce qui peut être tant soit peu « organisé » n’offre aucun intérêt.
Mes convictions d’éducateur en prennent un coup. Je suis toujours secoué par ces comportements que j’ai passé toute ma vie à tenter d’éviter. C’est pour moi un échec personnel et collectif. Facile d’accuser, de vouloir sanctionner, de se plaindre, de clamer son indignation. Inutile de chercher à convaincre. Le mal est profond, incrusté dans des esprits incultes, contagieux, désespérants. L’imitation de personnages existants ou ayant existé ne relève pas de la pure coïncidence. Au contraire, ils ne sont que les reproductions de ces silhouettes de jeux vidéo n’ayant rien à voir avec la chanson de Brel qui, dans le fond, me rappelle que les vieux ne sont que des « bourgeois », servant d’exutoires aux maux d’une société qui doute. Je me tracasse bien pour rien : ils rentreront un jour dans le droit chemin et voteront pour le front National, devenant ainsi de bons Français ! Et le pire c’est qu’ils se considèreront comme des citoyens courageux et lucides !

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Cet article a 13 commentaires

  1. E.M.

    Tu devrais faire attention à toi Jean-Marie…
    Ce n’est pas à toi, tout seul, d’aller affronter ces « paumés » !
    Et discuter avec eux, dans ces « moments » là, est inutile.

  2. Christian Nouaille

    Bonsoir Jean-Marie,

     » C’est pour moi un échec personnel et collectif »

    Pourtant nous avons fait notre « boulot » , en leur disant bien que c’était une chance pour eux ,et qu’ils devaient la saisir..

    Certains y sont parvenus, il faut le dire. On n’en parle pas assez.

    Mais il y a ces « cas »…
    Nous savons que la valeur d’une société s’évalue au comportement qu’elle a envers ses « déviants ».
    Mais que penser de ces attitudes agressives , qui restent dans l’impunité trop souvent.
    Ton action courageuse,est bien sûr approuvée par tous, mais quelle déception.

    « Ils voteront Fn ».
    Oui, encore ..eux.

    « La démocratie est le moins MAUVAIS des systèmes politiques ».
    Ceux qui nous gouvernent, ont été élus par un fraction de la population et il faudrait qu’il se le rappellent .

    La situation politique française est faite en somme de 48 % de « droites » et de 48 % de « gauches »;

    Les 4 % restants qui votent font tout simplement la différence…En donnant leur bulletin à celle ou celui qui a un bon « look », plaît par ses promesses bien faciles qui ne sont que des mensonges…ou encore par ceux qui se demandent naîvement « Pour qui je dois voter aujourd’hui? »..

    La plus grande démagogie, quoi.

    C’est ce qu’on apppelle « les indécis ».

    Ils ne rattrapperont point notre « guignol » national, qui depuis quatre ans, ne fait que se moquer de nous et qui est loin d’être clair…dans ses explications.

    A long terme,il devrait le « payer » un jour. Mais à court terme, c’est la galère.

    N.C

  3. jocelyne Troscompt

    Le nombre fait la force des sans courage, ne prenez de risque. Ce serai trop cher payer !

  4. Pierre H

    Non, ils ne voteront pas pour le FN, ils ne voteront pas du tout puisque, comme tu le dis « tout ce qui peut être un tant soit peu organisé n’offre aucun intérêt »…ils resteront « marginalisés », comme cette jeune femme seule, sans ressource et enceinte que nous essayons, toi et moi, d’aider et qui, hier, a fui devant les assistantes sociales qui voulaient la conduire dans un foyer maternel, et que je recherche vainement depuis…Par moment, il est difficile pour les élus que nous sommes de ne pas baisser les bras…

  5. Alain.e

    Juste constat,incultes,violents,stupides sont les qualificatifs qui les désignent le mieux.
    Entre le devoir de tout citoyen d’intervenir en cas de problème, et la certitude de se faire casser la gueule,le choix est souvent vite fait par nombre de nos compatriotes.
    je ne suis pas certain qu’ils voteront FN,il est plus probable qu’ ils ne votent pas du tout.
    Entre un choix de société du « tout excuse » ou « du tout répressif » on cherche encore la solution me semble t’ il !

  6. François

    Bonjour !
    Ce  » petit incident « , comme on l’a entendu et on l’entend prononcer par des gens chargés de faire respecter la sécurité de tous ( je te ferai remarquer que je ne nomme personne, mais chacun peut se reconnaître ! ) n’est que le résultat de ce laxisme général, conséquence aussi des adages  » Laissons-les s’exprimer » ou « il faut que jeunesse se passe « .
    Ce n’est que le  » copier-coller » de l’ atmosphère des banlieues de nos métropoles. Celle-ci, poussée par le vent des politiciens bourgeois décentralisateurs, vient polluer nos campagnes comme la gangrène, une fois installée,dévore un corps sain. Certains logements sociaux en campagne seraient à analyser… de très près.
    Certes, je comprends tout à fait ta position ( nous raisonnons en Anciens ), mais, de grâce, face à ces écervelés, même si tu connais ta bonne ville de Créon, ne t’aventure pas seul la nuit simplement bardé de ton écharpe tricolore. N’oublies pas que ces équipées ne craignent « même pas » la Gendarmerie ou la Police.
    Quant à leurs votes,je me permets de modérer ton emballement pro-FN car, à ta grande surprise, tu constateras que ce phénomène touche toutes les couleurs de l’échiquier politique.Il paraît que « C’est très in ! ». Pour preuve et similitude, examinons certains « supporters » dans les stades !
    Cordialement.

  7. maulin

    Et qui à mis ces » écervelés » au monde, qui trainent dans les rues de créon? « Qui, bien souvent sont plus provocateurs que méchants ». C’est peut-être ces parents,ou grands parents, qui quand tu distribues sur le marché,un tract sur la défense des retraites, te disent qu’ils en ont rien à faire, du moment qu’on là. « Pensent’ils à leur pro-création! »
    Pensent’ils, quand ils sont tranquilement instalés,sur leur fauteuil que leur pro-création est en train d’insulter, ou menacer le premier magistrat de la commune? Oui! eux pour une  » bonne parti », donneraient simplistement leurs bulletins de vote au fn. Alors JM, le mieux si tu as reconnu ces quelques « écervelés » c’est d’aller faire un cours de morale, à ceux qui les ont mis au monde. » Mais quel travail!!! »

  8. Sylvain BAHLIA

    Bien sûr, il y a un constat que l’on peut partager. Mais ne peut-on « élever le débat »? Ce ne sont pas quelques petits crétins dans les rues de Créon qui sont responsables de la situation. Comment en est-on arrivé à cette dégradation sociale? Quelle est la responsabilité des politiques « de gauche » qui ne parlaient guère plus de changer la société que dans les discours, et maintenant n’en parlent même plus, assujettis au capitalisme (seule l’économie de marché…)et à l’Union européenne ? La gauche veut-elle encore changer le système ? Les bases sont jetées par-dessus bord, plus question de nationaliser, plus question d’en finir avec l’exploitation, de s’attaquer à la propriété privée des moyens de production et d’échange! Quelle formation ont là-dessus les militants socialistes qui y croient encore et viennent mettre des tracts (rares) dans ma boîte aux lettres ? =0 !
    Comment voulez vous qu’ils fassent le lien entre le combat pour le socialisme … et DSK, Royal, et même Mme Aubry, venue du catholicisme social comme papa?
    Désolant! Les poux sont dans nos têtes !

  9. E.M.

    @ Sylvain

    Ne ferais-tu pas une sorte de… fixation sur le PS ?
    Peut-être devrais-tu en parler avec quelqu’un… un psy ?
    Cela pourrait peut-être t’aider à passer à autre chose !??!

  10. Sylvain BAHLIA

    @ EM
    Qui sème le vent récolte la tempête… Quand on se veut LE parti de la gauche, LE parti de gouvernement, LE parti de l’alternance, il faut accepter de recevoir les critiques. Et comme on ne risque guère de parler du PCF exsangue… Qu’en pensent les adhérents « de base » ? Leur psy va bien ? Peut être eux ont-ils une envie de voir répondre aux questions brûlantes et non taper en touche…

  11. E.M.

    @ Sylvain
    Le PS ne « se veut » rien du tout !
    Ce sont les électeurs qui décident.
    Et si tu as envie de venir voir comment cela se passe de l’intérieur, n’hésite pas à adhérer à notre grand parti : https://www.parti-socialiste.fr/agissons-ensemble/adherez-au-ps
    L’article de Jean-Marie était certes politique, mais au sens large du terme. Il s’agit d’un problème de société dont nous sommes tous responsables.

  12. Sylvain

    Finalement EM, tu es assez farceur : on te pose des pbs de fond, tu parles psy, on essaie de discuter de la politique de ton parti, tu réponds … que ce sont les électeurs qui décident. De quoi? de la politique du PS? Et tu termines par « on est tous responsables ». Va falloir s’accrocher et trouver autre chose pour me faire adhérer au PS…

  13. E.M.

    @ Sylvain
    Bon, je prends un peu de temps pour t’expliquer puisqu’il semble que tu t’intéresses beaucoup au PS pour le critiquer, mais pas beaucoup pour comprendre comment il fonctionne.
    Nous travaillons en section, depuis plusieurs mois, à l’élaboration d’un programme. Au printemps, nous aurons un véritable programme de campagne. Et c’est à ce moment là que nous pourrons répondre à toutes les questions des français de manière très précise. En attendant, il te suffit de penser que le PS étant un parti de gauche, le plus grand encore aujourd’hui, alors son programme répondra à tes attentes de citoyen de gauche. Tu pourras ainsi voter pour notre candidat que nous désignerons après le programme.
    Bonne nuit.

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