Les événements de Tunisie devront être examinés avec une attention particulière par les leaders de l’opposition française actuelle. Certes, les plus extrémistes d’entre eux ont apprécié la manière dont le Peuple a, par-dessus la ligne Maginot d’une fausse démocratie participative, reconquis une part de sa liberté. Olivier Besancenot, facteur en ébullition douce depuis plusieurs mois, a exulté : «C’est la première fois que je connais une révolution en cours. Le soulèvement d’un peuple qui renverse sa propre dictature !». Il assure être venu pour «apprendre un processus révolutionnaire» et soutenir celui qui se déroule en Tunisie.
Au programme: rencontres et échanges avec des « camarades ». Le leader du NPA devait également passer une partie de la nuit sur l’esplanade de la casbah, au milieu des manifestants qui font le siège devant les locaux du gouvernement. « C’est hallucinant de les voir tous là, s’émerveille-t-il, les yeux pétillants. On peut se dire que la révolution, c’est possible.» Il peut toujours faire semblant de rêver, car ce qui va suivre ne sera pas de la même veine. En fait, la véritable leçon de cette fameuse Révolution du jasmin se résume dans un simple constat : « comment un parti présidentiel enraciné dans les administrations arrive-t-il à s’accrocher au pouvoir ! »
Que personne ne se fasse d’illusion : tout est pensé en France pour qu’en 2012 le retour éventuel aux affaires d’une majorité de Gauche soit quasiment impossible. De partout on verrouille la société, on s’arrange pour rendre les retours en arrière impossibles, on quadrille le territoire avec des femmes et des hommes sûrs, on s’assure de la permanence de « taupes » dans tous les étages de cette haute administration qui tient de fait les rênes du pouvoir politique. En Tunisie, tout les « cadres » font profil bas, se planquent avec l’espoir d’échapper à la Papon à une épuration que l’Armée n’acceptera jamais. Les élus usent et abusent de tous les subterfuges pour conserver leurs prébendes. Ils « arrosent » et achètent les voix dont ils ont besoin, en faisant des promesses électoralistes. Ils tentent par tous les moyens de détourner l’attention de l’essentiel : les valeurs et le fond.
En France, le régime en place prépare en 2011 cette offensive va se développer avec la complicité agissante du « réseau » des censeurs, oublieux de leur neutralité au nom de… l’impartialité de leur tâche ! Elle va aussi ravir ces personnes se prétendant « apolitiques », mais tellement promptes à rejoindre le camp du vainqueur ou à consoler le vaincu. Le pouvoir s’ancre lentement, sûrement, et refuse ensuite de lâcher prise. Il utilise le mensonge, le mépris, le trucage, la malhonnêteté intellectuelle, la manipulation, pour parvenir à rester en place. En Tunisie, plus le temps passe et plus les racines vont s’enfoncer dans le sol.
L’UMP n’admet plus la défaite via la rue ou via les urnes. Elle défend ce qu’elle considère désormais comme son pouvoir, ses postes et ses potes. Critiques ouvertes à l’égard de juges ou de fonctionnaires non soumis, avec sanctions déguisées à la clé, pour les plus respectueux de l’indépendance de leur fonction. Mutations en série par vagues successives qui conduisent à penser que dans six mois il n’y aura plus un poste décisionnel tant au niveau national que local qui ne sera pas dépendant du bon vouloir présidentiel ou de ses affidés.
Le charcutage territorial, conçu par étapes dans la fameuse réforme territoriale, se met en marche et vise à constituer les baronnies indispensables pour contrôler la France d’en bas. Destruction des cellules laborieuses de la démocratie locale, pour éviter des jacqueries, assujettissement financier des collectivités récalcitrantes au bon vouloir des lois des finances, destruction du pacte républicain par l’abandon des valeurs fondamentales : jour après jour l’UMP s’installe définitivement au pouvoir en laminant tout ce qui peut constituer un foyer de résistance. Sans aucune retenue et surtout sans aucun complexe, ses représentants achètent, vendent, échangent, sous l’œil impavide des obnubilés du fric et avec la complicité passive de quelques opposants mitigés.
La révolution tunisienne va, par étapes, revenir dans le giron de l’armée. Secouée par une crise de rejet massif, la société « Ben Ali, femme et associés »a encore bien des atouts installés aux commandes. Telle l’hydre de Lerne, elle n’a perdu qu’une tête, qui repoussera aussitôt avec d’autres visages et d’autres discours, mais elle résistera car le Peuple n’a jamais été qu’un Hercule aux pieds fragiles. Personne dans notre pays ne réagit véritablement face à cette appropriation strictement politicienne du pouvoir et des contre-pouvoirs. Enfumée par des faits divers montés en épingle, l’opinion publique n’a aucune véritable conscience du combat qu’il faut mener pour résister, au quotidien, à ce rouleau compresseur qui est en route.
S’indigner, c’est être un emmerdeur ! Parler vrai, c’est entrer dans la catégorie des pessimistes fossoyeurs de cette France qui veut du sourire et du fric ! Protester, c’est emmerder ceux qui veulent dormir ! Simplement poser une question, c’est faire de la politique inutile ! L’UMP qui va avancer masquée aux élections cantonales pour faire couleur locale et faire oublier les déboires sarkozistes que, bien évidemment, au nom de la proximité, la Gauche ne rappellera pas car… il ne faut pas faire de politique. Il est vrai que désormais, l’UMP ne pourra plus s’accrocher aux sièges qui sont sa propriété par tous les moyens, puisque un rapport vient de tomber sur les fameux « conflit d’intérêts » qui mêlent situation sociale enviable et responsabilité publique.
Dans leur rapport, les trois membres de la commission – Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’Etat, Didier Migaud, premier président de la cour des comptes, et Jean-Claude Magendie, ancien premier président de la cour d’appel de Paris, qui avaient été nommés en plein cœur de l’affaire Woerth-Bettencourt – définissent le conflit d’intérêt comme « une situation d’interférence entre une mission de service public et l’intérêt privé d’une personne qui concourt à l’exercice de cette mission. Il intervient lorsque l’intérêt privé peut être de nature à influencer ou paraître influencer l’objectif d’impartialité de la Fonction publique. Seuls sont concernés les intérêts matériels, financiers et professionnels, pas les intérêts philosophiques, religieux ou moraux ». Ouf ! la République est sauvée et l’UMP tremble !
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La gauche française ferait bien de réfléchir, suite au scandaleux soutien apporté à Ben Ali par DSK, par les gvts de droite comme de gauche. J’ai lu que le dictateur n’avait été exclu de l’Internationale socialiste que mi-janvier 2011. Alors? Il me semble que ça obscurcit votre message !
Le danger pour la révolution tunisienne, ce sont les obstacles,intérieurs (attaques contre l’UGTT), mais aussi extérieurs.
Les grandes puissances capitalistes de Washington, du FMI, de Paris, de l’Union Européenne, veulent poursuivre le pillage de la Tunisie, et pour cela empêcher le peuple tunisien de décider de son sort.
Mais le peuple n’entend pas se laisser confisquer sa révolution, qui est l’œuvre d’ouvriers, d’ouvriers agricoles, de jeunes, de précaires, de fonctionnaires, de chômeurs, de tout un peuple exploité et opprimé.
Ben Ali est tombé, mais ce qu’exigent les manifestants, c’est la dissolution de son parti, le RCD, et du régime qu’il a mis en place.
A suivre…