La Droite a toujours eu un problème avec la jeunesse française. Une sorte de divorce périodique qui conduit souvent le monde politique à la fosse commune des réformes perdues. Il est vrai que souvent la manière dont elle conçoit ses rapports avec lycéens ou étudiants relève de la méthode Coué. Tant l’UDR, le RPR que l’UMP souhaitent une jeunesse bien sous tous rapports, moulée dans les certitudes que la réussite passe par le parcours individuel vers le profit, résignée à accepter les décisions, au prétexte que son seul devoir est de travailler et surtout de ne pas penser. Le système éducatif qui ne travaille, comme se plait à le répéter François Dubet, que « pour le major de l’école polytechnique, » n’aime pas que ses théories sur la réussite pyramidale par l’exclusion élitiste soit remise en cause par une contestation sociale globale. Cette manière de percevoir la jeunesse correspond véritablement à celle de la loi du marché, reposant sur une concurrence loin d’être libre et non faussée, ainsi que sur la privatisation galopante des espaces dévolus aux parcours personnels. Cette direction est pathétiquement incompatible avec un besoin de contestation des mesures prises au nom de l’intérêt d’une caste. Ainsi, les appels se sont multipliés et vont se multiplier pour stigmatiser les mouvements lycéens ou étudiants autour des retraites. La morne jeunesse qui croit encore que son salut passe par le franchissement des obstacles placés sur son passage, et surtout pas par une participation à la défense de son avenir, n’est en fait que le reflet de la société française actuelle.
D’abord, il est véritablement honteux qu’un gouvernement, qui prétend selon son mentor, que sa frénésie de réformes n’est que la résultante d’une volonté de moderniser la France, s’étonne que les jeunes s’intéressent aux conséquences de ce qui les concerne au premier chef. Il est vrai qu’il est plus aisé d’expliciter la réforme des retraites…aux retraités déjà de l’autre côté du Rubicon qu’à celles et ceux qui auront à le franchir dans 40 ans. Extraordinaire paradoxe que celui qui repose sur une démarche visant à exclure des débats les seuls pour lesquels la modification des âges de départ est modifiée. C’est véritablement les prendre pour des idiots que d’affirmer que les mesures gouvernementales sont faites… pour préserver leur avenir, quand la majorité d’entre eux ne savent même pas s’ils auront un avenir ! Dès l’age de 18 ans, j’ai entamé mes cotisations pour ma retraite actuelle puisque j’étais « élève maître » pour devenir instituteur à 19 ans. Je n’ai pas, (mais probablement est-ce de la vanité) le sentiment d’avoir abruti des générations d’écoliers, au prétexte que je n’étais pas titulaire d’un « master » qui m’aurait fait entrer dans la même classe à 24 ans ! A l’arrivée, avec mes cotisations, j’ai pu partir vers la retraite une décennie avant celles et ceux qui attendront sur les bancs de la fac une formation qui ne viendra jamais. Cet exemple est valable pour tous les métiers qui nécessitent des études délayées dans le temps, sans débouchés réels, et surtout mortelle pour la future retraite. Qui peut garantir une retraite complète à des jeunes qui actuellement n’ont aucune garantie d’emploi ! est-ce faire de la politique que se poser la question suivante : « aurai-je une retraite quand je n’ai absolument aucun espoir de décrocher un emploi correctement rémunéré correspondant aux études que l’on m’a obligé(e) à… poursuivre aux frais de mes parents ou d’une société pingre ! »
Quel homme politique de droite sérieux peut me garantir qu’avec un parcours exemplaire, j’ai l’assurance de trouver un emploi dans la fonction publique, utile à la collectivité, et durable ? Quand on prétend supprimer des dizaines de milliers d’emplois dans l’éducation, la sécurité, la justice, le social, je peux, en tant que jeune, m’interroger bêtement sur le nombre de personnes qui cotiseront dans la prochaine décennie pour me garantir une pension convenable ? Suis-je certain, en tant que lycéen, qu’une licence d’anglais, de physique, de chimie ou de grec ancien me permettra de trouver un job durable et donc de cotiser pour la fin de ma vie ? Bien entendu, selon l’UMP il faut jouer à Mowgli et se laisser fasciner par le serpent du profit qui leur susurrerait « fais moi confiance ». Est-il interdit à un citoyen reconnu responsable à 18 ans, et apte à entrer dans la vie collective à 16, de s’interroger sur la manière dont on réforme, en cherchant sans cesse à rogner les dépenses de solidarité sans se poser la simple question d’améliorer les… recettes ? Ces jeunes menacés, attaqués, ringardisés, suspectés d’être du genre guignol parlementaire UMP manipulé par des chefs occultes, ne se révoltant que quand on les méprise ou les prend pour des c… ! Certes dans cette France de l’angoisse, du repli sur soi, où ces jeunes protestent face à leur angoisse de ne pas dénicher un emploi, il est difficile de ne pas être cloué au pilori quand on refuse la vérité officielle. Arrêtons de les présenter comme des débiles aussi suiveurs de mystérieux joueurs de flûte que les députés et les sénateurs sarkozistes allant vers le précipice en louant les mérites du « Saigneur du salariat ».
Ils en ont tout simplement marre de cette société génératrice d’angoisse et de pression. Ils n’en peuvent plus de limiter leur horizon à la nourriture quotidienne (+ d’un million de jeunes sont en dessous du seuil de pauvreté !), à la santé trop chère, à des amphis bourrés et anonymes, à des cours expédiés par des profs eux-mêmes taillés en pièces, démoralisés par le culte du résultat à tout prix… L’énergie de leurs revendications ne permet pas de penser que les retraites soient au cœur de leur préoccupation, mais tout simplement, ils voudraient être rassurés sur les possibilités que leur offre cette société du libre marché plaçant l’Homme à l’arrière-plan de ses préoccupations.
J’aime ces jeunes qui osent. J’aime ces Guy Mocquet qui se révoltent alors qu’on leur a lu une lettre avec l’espoir qu’elle suffirait à leur besoin d’action. J’aime ces jeunes qui désirent prendre leur sort en mains. J’aime ces jeunes qui ont bien compris que demain ne serait jamais aussi rassurant que hier. J’aime cette jeunesse qui sort des rails sur lesquels on l’a placée. « J’écoute, mais je ne tiens pas compte. » Cette sortie désormais célèbre de Nicolas Sarkozy en janvier 2009 a atteint ses limites et exaspère celles et ceux qui en ont marre d’écouter sans pouvoir agir ! Les jeunes ont toujours senti les dangers bien avant les repus de la société de consommation. Ils portent instinctivement cette insécurité sociale à toutes les étapes de la vie. Ils traduisent ce que les adultes engoncés dans leurs problèmes financiers ne peuvent plus exprimer. Bizarrement ils portent les revendications impossibles matériellement de leurs familles « La jeunesse sait ce qu’elle ne veut pas avant de savoir ce qu’elle veut ». Comment ne pas afficher ce constat de Jean Cocteau sur les murs de lycées et des facultés ?
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J’approuve et je vous félicite. moi-même, mère de famille, voyant la difficulté de mes enfants pour trouver un emploi avec des diplomes ( même avec un doctorat ) je suis avec ces jeunes qui se font du soucis pour leur avenir. Est-ce que j’aurais une retraite moi qui ai élevé mes enfants et pris le train du travail sur le tard ? Alors eux qui finissent leurs études à 27 ou 30 ans, vont ils travaillés jusqu’à la fin de leur vie ?
Magnifiques propos plein de justesse et de sérénité. Malheureusement les arbres des casseurs vont une fois de plus masquer ces fôrêts de jeunes qui se veulent responsables dans leur réflexion , leur questionnement et leur devenir.
Mais quelle image le miroir aux alouettes du monde des adultes reflète-t-il ?
Faut-il que les jeunes soient dans la rue, que les consommateurs ne puissent plus circuler pour qu’enfin le peuple de la rue soit entendu ?
« J’écoute (voit-il ?), mais je ne tiens pas compte ». NS