Les déchets d'une négociation

Les négociateurs élus au Minsitère
Il m’arrive parfois, en écrivant une chronique, de me poser la question de savoir si je ne radote pas, et si je ne vais pas finir par lasser les lectrices et les lecteurs. En effet, il existe une extraordinaire constance dans les faits et dans les attitudes, ce qui donne la triste impression d’avoir… raison. Le pire, c’est quand on n’ose pas s’avouer à soi-même, de peur de paraitre vaniteux, que l’on a raison avant les autres. Ainsi, j’ai maintes fois écrit que la grande mutation des soixante dernières années se résume dans le passage d’une société citoyenne consciente des enjeux, après la dernière guerre mondiale, à une société tournée vers la consommation à l’américaine. Rien ne peut s’expliquer sans cette analyse objective des comportements. Une part essentielle des difficultés actuelles vient de ce changement fondamental des attitudes, qui pèse encore plus en période de crise que dans un contexte d’opulence. La politique qui se meurt à petit feu, le débat réduit à des petites phrases, et le profit même le plus réduit, deviennent un objectif de vie. Pendant plus de deux heures de négociations musclées au Secrétariat d’Etat à l’écologie, j’ai une nouvelle fois constaté que, quoi que l’on dise, « l’économique » malgré les dégâts sociaux considérables qu’il a causés et qu’il cause encore, reste le maître du jeu.
Avec 7 collègues élus, de toutes tendances, nous avons en charge l’élaboration des conditions dans lesquelles les collectivités territoriales vont appliquer les fameuses lois du Grenelle dans le secteur des « déchets d’emballages ménagers ». L’enjeu est de taille pour… les citoyens contribuables qui hurlent, qui manifestent, qui accusent, qui vitupèrent contre les Taxes générées par l’élimination de leurs déchets. Le Sénateur et Président du Conseil Général du Lot, Gérard Miquel, le maire et conseiller général de Saint Mandrier, Gilles Vincent, par ailleurs Président d’AMORCE (association rassemblant des centaines de collectivités collectant et traitant les déchets) conduisait cette délégation, venue entendre la « volonté politique » du Ministère actuel d’appliquer les textes voulus par le Chef de l’Etat, et tellement vantés par Jean-Louis Borloo ! En fait, il existe un objectif théorique ambitieux (75 % de collecte des déchets d’emballages) avec « un soutien financier de 80 % des « coûts optimisés ».
Il s’agit maintenant de savoir ce que les émetteurs (Nestlé, Danone et consorts) et les distributeurs (Carrefour, Auchan, Leclerc…) vont apporter à ces collectivités qui assurent, pour leur compte, non seulement le ramassage (tri sélectif) mais aussi l’élimination (recyclage, enfouissement ou incinération). Bien évidemment, les multinationales s’estiment ruinées par les objectifs du Grenelle, et refusent de faire payer au consommateur ce que jusqu’à présent les contribuables acquittent, via la Taxe d’Enlèvement des ordures Ménagères ou dans quelques années via la Redevance incitative !
Ils inondent le marché d’emballages, mais ne veulent pas assumer la responsabilité, qui a été actée dans le Grenelle, de gestion de l’ensemble de la chaine de production. Le débat fait rage, et pour la première fois, la dizaine d’élus désignés pour siéger dans la commission consultative emballage, ont unanimement, dépassant les clivages partisans, refusé de se laisser embarquer dans un nouveau transfert du privé vers les finances publiques. C’est en effet un exemple flagrant de la situation constante actuelle : le gouvernement décrète, se vante de son action, clame sa magnificence écologique et… charge les communes, les communautés, les syndicats ou les départements de se tourner vers le citoyen pour lui faire payer l’addition !
Nul ne conteste l’utilité du tri sélectif (et surtout pas moi), mais il va devenir très difficile de faire payer toujours plus au citoyen qui, lui, fait l’effort de trier toujours plus !
En fait, une estimation de la récupération et du traitement des déchets d’emballages ménagers pèse actuellement à hauteur de 1,2 milliards d’euros bruts pour les contribuables, alors que seulement un peu plus de 50 % sont collectés. Pour arriver à 75 % , il va falloir augmenter les circuits de tri, recruter du personnel, payer des frais de transports, augmenter les tonnages éliminés… pour le compte des grandes entreprises qui consentent à passer leur contribution de 400 millions d’euros à 600 millions mais qui sont loin, très loin, de 80 % du coût optimisé prôné par le Grenelle ! Cherchez l’erreur, et devinez qui va devoir régler la différence entre une volonté politique louable et le désengagement du milieu économique ?
Durant deux heures, ce fut un échange âpre, puisque, de fait, le Ministère soutient les contributeurs obligatoires en tentant de figer leur soutien financier à 640 millions, refusant la prise en compte dans le calcul, pour les 4 ans à venir, de l’inflation (taux … 2007), de la TVA (payée par les collectivités sans récupération), de la fameuse TGAP (nouvelle taxe sur l’élimination), des produits souillés non récupérables, de l’élimination des papiers (journaux magazines…), de la baisse des tarifs de reprise des produits recyclables.
Chaque fois, avec des raisons à faire bondir n’importe quel élu de son fauteuil : « on ne connait pas le montant réel de la TVA et les ministères sont incapables de nous les donner (sic) », « l’inflation doit être limitée à 0,75 % par an (sic) », « les pots de yaourts pleins ne sont pas des déchets d’emballages puisqu’ils sont pleins (sic) »… un vent de révolte a soufflé, et mes collègues UMP n’ont pas été les derniers à s’énerver, car ils savent que 2012 approche et que les contribuables de base sont moins idiots qu’on le croit : ils commencent à comprendre que le gouvernement actuel protège, par tous les moyens, les actionnaires des grands groupes (on murmure que les « amis » du Chef de l’Etat français sont intervenus directement à l’Elysée !) au détriment des contribuables qui, eux, vont se retourner… vers les élus de proximité !
Pour ma part, je ne voterai pas ce montant de la contribution d’éco-emballages, et je compte bien mobiliser tous les syndicats de gironde pour leur expliquer l’escroquerie du Grenelle qui n’est qu’un catalogue de bonnes intentions non financées, et expédiées, comme autant de patates chaudes, vers les collectivités territoriales. Ah ! si le gouvernement mettait autant d’énergie à contraindre les trusts, de l’agro-alimentaire notamment, et des grands distributeurs, à se comporter loyalement, qu’il en met pour expulser les Roms qui vivent dans les déchets, la récupération de nos déchets, dans l’insalubrité absolue… les négociations seraient plus faciles. En fait, je suis ressorti avec l’impression d’être cocu, et ce n’est vraiment pas agrébale en cette période où l’on traque la polygamie !

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Cet article a 13 commentaires

  1. sylvie

    merci de nous expliquer clairement ce que l’on ressent avec forcément le « flou » recherché.
    la rentrée s’annonce tendue ; c’est chose faite pour les déchets. Qu’en sera t-il de notre condition d’humain, déjà jetée en pâture… ?

  2. gueurlet

    Sachant que les groupes de l »industrie agro- alimentaire sont souvent producteurs de leurs emballages (et sur emballages) qu’ils font payer aux consommateurs, ils sont donc doublement gagnant à ne pas faire d’effort de conditionnement écocitoyen de leurs produits, au sens « grenellois »!
    Autour des déchets, il y a l’illustration du double discours de nos gouvernants actuels.

  3. J.J.

    L’exemple n’est peut -être pas très bon et sentirait peut être le soufre, mais je vines de lire récemment dans un bouquin d’Alfred Sauvy, « la vie économique des français de 1939 à 1945 » que dans l’Allemagne de « monsieur « Hitler, comme on disait à l’époque, le tri sélectif était devenu une pratique courante et efficace.

    Nous sommes en train de réinventer le fil à couper le beurre et de surcroît, comme d’habitude, non seulement on demnde au citoyen de faire le trav

  4. J.J.

    Voilà un bog qui tire plus vite que son ombre…. je termine ma phrase:

    Nous sommes en train de réinventer le fil à couper le beurre et de surcroît, comme d’habitude, non seulement on demande au citoyen de faire le travail mais en plus de payer deux fois.

    Et tout cela pour le plus grand profit des grands groupes financiers qui vont tirer vanité de leur attitude « grenello-compatible »…

    L’analyse de Jean Marie est tout à fait pertinente à ce sujet et prouve qu’une fois de plus (est-ce le privilège de l’âge ?), nous avions vu venir le coup.

    Les partisans du tri sélectif, qui se préoccupaient du problème des déchets produits par la société dite de conommation, passaient à une époque pour des illuminés, genre soixanthuitards attardés , voir de dangereux marginaux.

    Mais depuis que cela peut engendrer des bénéfices pour les nantis, c’est devenu très tendance.

  5. Michel d'Auvergne

    On apprend aux citoyens à trier juste avant la poubelle, ça ne serait pas mal de faire le tri à l’achat.

  6. ya basta

    Merci à Jean Marie pour ce coup de colère. On se doutait déjà que ce gouvernement nous prend pourde vaches à lait complètement demeurées, maintenant on en est certains, et c’est bien que ce soit des élus qui mettent le doigt là où ça fait mal; si tous le faisaient, la démocratie ferait des pas de géant dans ce pays kidnappé par les lobbbies. Pour revenir aux déchets et aux problèmes qu’ils pôsent, trier et recycler est une nécessité face à l’épuisement des ressources et au gaspillage de l’énergie, mais le meilleur déchet, c’est toujours celui qu’on ne produit pas, donc, avant de jeter voyons si on ne peut pas recycler pour soi même. Par ailleurs je verrais bien une action collective consistant à laisser sur place dans les grandes surfaces les suremballages inutiles, en attendnt qu’ils mettent des bennes à disposition sur les parking, comme cela se fait déjà dans certaines localités.

  7. Michel d'Auvergne

    Tout à fait d’accord avec ya basta: et c’est comme je l’écrivais plus haut: commencer le tri à l’achat aiderait « nos Jean-Marie » (des élus engagés) et seraient
    autant de messages aux marchands de poupées russes.

  8. Michel d'Auvergne

    Je me souviens du temps des emballages en verres consignés notamment les bouteilles de lait, on allait chez le « crêmier » avec une bouteille vide, « la consigne », chercher un litre ou demi-litre: on ne payait que la marchandise sauf dans les cas ou on cassait la « consigne » ça m’était arrivé… J’était tellement stressé par la future calotte maternelle (y avaient le droit les parents à l’époque!) que le brave homme m’avait fait cadeau de la fameuse « consigne » J’avais sept ans et j’habitais Paris.
    Bon dimanche.

  9. J.J.

    Michel d’Auvergne dit :
    «  » »Je me souviens du temps des emballages en verres consignés notamment les bouteilles de lait, on allait chez le « crêmier » avec une bouteille vide. » » »

    C’est toujours valable en Belgique.

    En séjour à Bruxelles, allant acheter une « bière de ménage » excellente par ailleurs, le garçon à la caisse m’a demandé si j’avais rapporté mes « vidanges »,avec cet accent inimitable. J’ai compris qu’il voulait parler des bouteilles consignées, que je me suis fait un plaisir de rapporter par la suite.

  10. PIETRI Annie

    Ils ont plein d’idées ces belges,que l’on nous décrit souvent, avec condescendance, comme « un peu justes… ». Je viens d’entendre une émission, sur LCP je crois, au cours de laquelle le maire d’une commune belge expliquait qu’il avait mis en oeuvre un procédé original pour lutter contre la prolifération des déchets ménagers : la commune confie à ses habitants disposant d’un jardin, même petit, deux poules (volatiles, bien sûr..) qui consomment les détritus de la famille. Pas de coq, à cause des chants intempestifs qui réveillent le voisinage, mais de bonnes vieilles poules qui picorent dans le jardin. Et ça marche : le volume des ordures ménagères a sensiblement diminué, et les maires des communes voisines viennent l’interroger pour faire comme lui. Seule obligation pour celui à qui les poules sont confiées : les traiter « en bon père de famille ».
    J’ai trouvé cela amusant, et je soumets l’idée à notre Maire pour qui ces problèmes de déchets sont un gros souci.
    Bien sûr, cela ne résoudra jamais le problème des emballages…..

  11. Michel d'Auvergne

    Je reviens sur le courrier d’Annie et les poules belges: en faît, je crois que ce sont des « poules-belles » !
    Je sais qu’un jour on me « virera » de ce blog à force d’y écrire de telles bètises, mais ça m’a échappé.
    Nos amis belges ont d’excellentes idées, chez nous il se distribue pour ceux qui ont des jardins (ou des jardinets) des bacs à compost… Dont le produit issu vaut tous les engrais chimiques du monde !

  12. J.J.

    «  »chez nous il se distribue pour ceux qui ont des jardins (ou des jardinets) des bacs à compost… Dont le produit issu vaut tous les engrais chimiques du monde ! » »

    J’en ai un depuis plus de 10 ans, récupéré à l’Ecopole pour une somme très modique, avec son « bio seau » permettant de transporter les déchets de cuisine.

  13. Christian Coulais

    Pour 10€ de caution, les habitants des 85 communes dont les ordures ménagères et le tri sélectif sont gérés par le (www.)SEMOCTOM(.com) peuvent se procurer un composteur, son petit seau et son mélangeur. S’adresser directement ou auprès de sa mairie.
    Facile et pas cher ! Et tellement « riche » pour nos espaces verts.

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