Peu de familles ont une date précise qui marque leur existence collective. On se souvient plus aisément de sa naissance ou de la mort d’un proche, mais rares sont les gens qui savent qu’ils doivent une bonne part de leur présent à une feuille blanche, parvenue un matin, portée par un facteur des Postes, Télégraphes et Téléphone. Souvent, elle était attendue avec une certaine angoisse depuis des mois. Le paradoxe, c’est que rien ne garantissait que les destinataires soient en mesure de comprendre le contenu d’une missive extrêmement complexe, arrivant avec des tampons comme seules les administrations savaient en produire. J’ai toujours gardé, depuis la mort de mon père, la lettre qui est arrivée chez Pasqua et Silvio Darmian, mes grands-parents, natifs de San Stefano di Zimella, le 4 décembre 1933.
Un papier d’avant-guerre, épais et rude, sur lequel un machine à écrire aux touches d’acier Remington a transcrit le plus beau des messages pouvant parvenir à des sans-papiers, ayant traversé la France pour fuir la vie infernale imposée par les maîtres des forges des hauts fourneaux de Lorraine, pour opter pour le statut de « domestiques » agricoles. Cette feuille, pliée en quatre, a été conservée avec d’infinies précautions, et depuis quelques années, photocopiée… à toutes fins utiles, et dans le contexte actuel, ces mots prennent tout leur sens. Ils portent plus que tout autres la liberté, la fraternité et l’égalité d’une République, ouverte sur les autres, et surtout respectueuse de ses fondements : « Eugéne, Auguste Darmian, né à Talange (Moselle) le 26 avril 1924 (…) est devenu Français par effet collectif rattaché à la naturalisation de ses parents, par décret en date du 4 décembre 1933 n° 12.301.33 » Inutile de préciser que si les sondages avaient existé, ils auraient mis en évidence que les propos tenus devant un micro ou sur une estrade étaient nécessaires ou indispensables, face à la montée de l’insécurité... Les charters n’existaient pas encore, mais sur les rails allaient, dans l’indifférence, circuler vers l’Est, les « convois » réputés organisés pour le bonheur de celles et ceux, de tous âges, qui s’y entassaient. En Italie, certes moins qu’ailleurs, l’ignominie des mots était moins évidente qu’ en Allemagne, mais le résultat fut le même. Grâce à cette décision parvenue, alors que le 29 mars 1933, le duce avait reçu en grande pompe un certain Goebbels à Rome pour discuter des problèmes posés par les « races » responsables de la crise, mes grands-parents avaint pensé échapper au naufrage de leur pays. Hitler était arrivé, grâce à l’opinion dominante, avide de défoulement de sa propre responsabilité, le 30 janvier au pouvoir, par la voie légale… A méditer, puisqu’ aucun des gouvernements européens de l’époque n’avait évoqué le « droit d’ingérence », qu’un certain Hugo Grotius (qui le connait ?) avait défini en…1625 !
Les Darmian et leurs trois enfants étaient loin de tout ce raffut et avaient le sentiment d’entrer dans une autre nation, d’y apporter leur travail, de parvenir un jour à sortir du statut de Rital, de macaronis, de miséreux venus manger le pain des Français. Ils étaient arrivés avec des illusions. Ils les avaient perdues dans une chambre, au-dessus d’un bistrot, dans un ghetto italien de Talange. Une part était revenue au cours des saisons sur une terre qu’ils touchaient de leurs mains, pour se bâtir une légitimité par leur seule volonté de s’en sortir. Quatre d’entre eux sont morts et justement enterrés dans cette terre… et ils ont emporté leurs peurs de l’expulsion, leurs angoisses de la faute qui valait l’opprobre, les humiliations jamais ostentatoires qui leur furent infligées et le courage qu’il leur a fallu pour ne jamais renoncer, pour résister, pour s’accrocher et faire autre chose que baisser l’échine.
Quand je pense que Bernard Kouchner, chantre après Revel, de ce principe de l’ingérence, tellement jeté à la figure des présidents de Républiques bananières, a pu un instant confondre le « courage » que nécessite une démission pour désaccord sur les valeurs, avec le pseudo prétexte de la « désertion » ! C’est à vomir, et à ne plus croire en une seule déclaration des tous ces bien-pensants qui étalent la graisse puante de leurs ambitions personnelles sur le pain blanc du pouvoir. Quelle crédibilité accorder à ce faux-cul, qui se hausse du col pour cacher l’abcès de son incommensurable vanité, dans des déclarations qui ressemblent à celle de Matamore dans une pièce de Guignol ? Le Chef de l’Etat français, grand maître à penser de Bernard Kouchner, devrait décider dans les prochains jours des modalités de déchéance de la nationalité française, une mesure invraisemblable qui s’appliquerait aux polygames (attention les cocus sont nombreux et donc la polygamie est depuis longtemps l’apanage du pouvoir) … pourvu que tous les rapports des RG sur la vie sécrète des gens qui comptent et qui s’extasient sur cette mesure ne tombent entre des mains indiscrètes. Il est vrai qu’il n’y en a pas beaucoup parmi eux qui soient immigrés de la seconde génération. Ah ! Si. J’oubliais un certain Nicolas Sarközy de Nagy-Bosca… mais lui n’a pas connu les sols en terre battue et la faim !
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Ouf! revoilà notre JMD combatif, et ses chroniques comme on les aime. Merci, Jean Marie.
En savoir plus sur les origines du petit Nicolas, extrait : Pal (le papa) finit par se retrouver à Baden-Baden, en Allemagne. C’est là qu’il s’engage dans la Légion Etrangère. Il signe pour 5 ans. Il a à peine 16 ans. En 1948, il est à Marseille, démobilisé pour inaptitude. Grâce à son engagement dans la Légion, il peut prétendre à la nationalité française, ce qu’il fait. En même temps, il s’empresse de franciser son nom (Pal nagybocsaï Sarkozy), et devient astucieusement Paul Sarkozy de Nagy-Bocsaî !
en savoir plus sur les difficultés de cette famille : http://www.mediapart.fr/club/blog/m-philips/200209/paul-sarkozy-de-nagy-bocsai-le-bien-curieux-pere-d-un-bien-curieux-fils
bravo un fois de plus
BELLE CHRONIQUE …vos lecteurs apprécient
JEAN Marie!!Poursuivez c’est trop BON ET TROP BIEN… <<Quand vous êtes fatigué et bien faites plus court !!! nous le comprendrons fort bien !!!!Merci.
J’aime ce ton qui sent la révolte justifiée et si bien transmise!
merci pour cette page « courte » mais si réelle.
La gauche sarkozienne rassemble de magnifiques spécimens qui mériteraient la postérité afin qu’on évite de refaire les mêmes erreurs…
J’ai suivi le lien proposé par Christian et à l’époque où Michel Philips nous décrivait les penchants de papa Sarkozy pour la cosmétique il ignorait visiblement les liens curieux du fils avec l’Oréal…
Tel père, tel fils, étrange similitude cependant.