En général, il y a toujours un jour particulier qui marque pour tout un chacun la fin de l’été. Ce n’est pas la date officielle, car peu de monde a le privilège de faire coïncider le 21 septembre avec un événement particulier. Il se trouve que la saison fétiche de millions de gens s’achève bien avant ce rendez-vous avec l’automne. Dès que les mots « rentrée » et « retour » sont d’actualité, les vacances sont terminées. Certains prétendent que dès qu’elles ont débuté, la magie s’évanouit car on se met à penser à la fin… Ce principe s’accentue avec l’expérience, car les jeunes insouciants se font surprendre par les obligations, et dans le fond, ils sont parfois heureux de retrouver…leurs copains ou leurs copines même s’ils ont eu une fâcheuse tendance à les oublier durant plusieurs semaines. Les SMS, les mails et plus encore les tchatches au téléphone mobile ont maintenu un semblant de lien social, avant que la réalité se profile par un matin ensoleillé qui n’avive que les regrets. L’été ne survit alors qu’à travers les teints hâlés et les bronzages cuivrés que l’on verra s’estomper au fur et à mesure que les feuilles prendront la même tenue, et les souvenirs. En fait, ce sont eux qui permettront de tenir durant des semaines, soit parce qu’ils sont exceptionnels, soit parce qu’ils correspondent parfaitement aux stéréotypes de vacances réussies. Ils sont devenus essentiellement oraux puisque tous les clichés « papier » qui servaient de supports aux commentaires enjolivés ont disparu avec l’arrivée du numérique. Comment évoquer les périples « culturels », les soirées « moules frites », les « couchers de soleil » sur la plage, les « paysages idylliques », les « exploits du petit dans la piscine » quand on n’a pas le choc des photos et seulement le poids des mots ? Certes il y a facebook, qui autorise une autre dimension avec sa toile gigantesque qui peut servir de support aux moments clés des vacances. Certes on n’y déploie pas souvent des albums décrivant la construction de la terrasse, la nouvelle tapisserie de la chambre des enfants ou la construction en parpaings de la murette, car c’est implicitement avouer que le sable que l’on a fréquenté ou l’eau que l’on a vue ne sont pas ceux qui s’accordent avec le bronzage.
Sur facebook, l’été s’éclate comme un exutoire aux angoisses du futur… On y présente la folie du plaisir d’être ensemble pour exorciser la retenue qui sied habituellement. Cet été, les fêtes ont été plus endiablées, plus conviviales avec globalement beaucoup moins d’excès, ou tout au moins une violence plus contenue. Il semble que le partage redevienne lentement une source de plaisir estival. La foule, sur les soirées avec repas et musique. La foule dans les foires aux huitres ou aux vins. La foule dans les animations culturelles gratuites. La nuit prend une importance capitale dans les souvenirs estivaux. C’est souvent elle la clé du bonheur qui est parti depuis longtemps des prés fleuris pour grillons et sauterelles.
L’été a pris un coup de chaud, et la vie nocturne entre chaque année un peu plus dans les paramètres de vacances réussies. A cet égard, les facettes du mode de vie méditerranéen et notamment espagnol servent à étalonner la qualité de l’accueil. Sur l’écran noir des nuits blanches, comme le voulait Claude Nougaro, on ne se contente plus de faire du gringue aux étoiles filantes ou statiques. Souper après 22 heures devient monnaie courante, après s’être attardé à la maison, ou avoir donné du temps au temps pour un apéro allongé. Même le football n’a pas fait recette à la télévision cette année, tellement il y avait des bleus aux cervelles des supporters. On a préféré, pour celles et ceux qui le peuvent, s’aérer pour évacuer les miasmes de la déception, s’éloigner de ce qui constitue les obligations du quotidien. La nuit, tout le monde se permet de dialoguer sans se soucier des différences, alors que la journée, la méfiance prend toujours le dessus. On cause plus facilement. On échange sans problème. On cache ses peurs. Bizarrement, on oublie la marche à tâtons de chaque jour depuis plusieurs mois. La crise a paradoxalement libéré, cet été, une vague d’insouciance nocturne.
Beaucoup des gens ont marchandé leurs hébergements, leurs séjours, leurs sorties, pour ne pas avoir à renoncer à ce qui constitue, qu’on le veuille ou non, un signe extérieur de qualité de vie : les vacances extérieures au domicile. La société n’admet pas que l’on ne respecte pas les rites de la reconnaissance. Qui va avouer qu’il n’est pas parti pour des raisons financières ? Qui va oser expliquer qu’il aura été aussi heureux en restant chez lui à musarder et en s’offrant quelques escapades ? L’été reste la saison des apparences, et elles doivent être trompeuses pour impressionner. On doit sauver l’honneur, mais plus à n’importe quel prix ! La volonté d’oublier a pris le pas sur toutes les autres considérations, comme si dans le fond il fallait se vacciner contre des désillusions ultérieures. Rares, très rares sont les optimistes qui ont pris le chemin de n’importe quel boulot avec suffisamment de souvenirs pour occulter leur appréhension de trouver des lendemains qui déchantent. Vivre au jour le jour, pour des raisons bien différentes de celles que l’on vient de quitter, va devenir une philosophie répandue. Comme l’avenir n’est absolument plus prévisible, il faut se contenter de bribes de bonheur, récupérées au hasard d’une vie décalée . Elles constituent des pépites dans une période de disette programmée. Dans le fond, c’est le pire été que pouvait envisager le gouvernement, puisque la plongée dans l’eau glacée de la crise va probablement réveiller les adeptes de la sieste politique. De gré ou par force, il faudra tourner la page du ciel bleu !
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Un bémol sur la première partie de cette dernière tranche d’instantanés de l’été. Les grands-parents de nos enfants ne sont ni sur facebook, ni abonnés au net. Mais d’après ce que j’écoute, de plus en plus de papis et mamies ont franchi le cap du numérique. Ils échangent tout au long de l’année avec leurs descendances partis aux confins du vaste monde. Et les photos « instantanées » moins couteuses se multiplient.
Depuis notre génération des quinqua, le phénomène s’amplifie. Mais je rêve de retrouver mon grand-père décédé trop tôt, pour déployer sur la toile cirée de la table du séjour toutes ses photographies prises de part son métier et de pouvoir les annoter, afin de transmettre ce passé aux générations à venir.
31ème et dernier « instanané d’été »….Dommage, nous regretterons ces scénettes de la vie courante, tellement pleines de couleurs et de vie. On va sans doute en revenir à des sujets plus sérieux, avec moins de sourires et de bonne humeur….Vivement l’été prochain : nous les retrouverons avec un immense plaisir !
Ce que j’ai à dire aujourd’hui est un peu hors sujet concernant le blog, mais très au faît de l’actualité créonnaise:
BONNES FETES DE LA ROSIERE A TOUS !
PS: on comprend pourquoi la 31eme tombe le 27 !