Il y a une grande différence entre les qualificatifs de « copains » et de « camarades », mais comme rares sont celles et ceux qui connaissent l’étymologie de ces mots, on emploie, durant l’été, approximativement l’un ou l’autre. Par exemple, il y a peu de parents qui s’inquiètent quand leur fils ou leur fille lance en sortant qu’il ou qu’elle va chez un(e) camarade, alors qu’il y aurait tout lieu de s’alarmer. En effet, on ne doit conférer ce titre de « camarade » qu’à une personne avec laquelle on partage la chambre. Certes, il a eu une extension politique, mais elle a perdu de sa valeur initiale quand on sait combien on galvaude ce privilège d’appartenir à la même « cellule », « section » ou « maison ». La camaraderie s’est lentement effacée devant le copinage, beaucoup moins contraignant et surtout seulement lié au partage du… pain ! C’est ainsi qu’en période estivale, on a beaucoup plus de copines et de copains que de camarades.
Si l’on se fie à l’actualité sérieuse de ces dernières semaines, personne ne peut nier que ces pratiques existent au plus haut niveau de l’État. Par exemple les policiers très affûtés ont constaté que Mme et M. Bettencourt ont eu, durant des années, l’esprit parfait des… copains, puisqu’ils recevaient dans leur hôtel particulier et sur leurs lieux de vacances, des gens importants venant simplement partager avec eux… le pain béni.
Ce n’est véritablement que dans l’imagination de journalistes mal informés que l’on trouve un soupçon sur les objectifs réels de ces frugales agapes. Le vrai copain sait se contenter d’amitié sincère, et d’un verre d’eau fraîche, car le reste le gêne. D’ailleurs, regardez combien le soir, sur une terrasse chez vous, vous arrivez à rassembler de « copines » et de « copains » en un clin d’œil ? Ils ne se présentent pas pour vos tapas, vos grillades ou votre « rosé de Province » mais simplement pour grignoter un quignon avec un verre d’eau claire… Il suffit que vous prononciez le mot clé « apéro » pour qu’aussitôt vous constatiez que la notion de partage est justement… partagée par bien du monde. Ce temps fort de l’été reste en effet le secret d’un séjour ou de congés réussis. De votre capacité à improviser en quelques minutes, pour transformer les prémices d’une rencontre, fortuite ou programmée, en soirée festive, dépendra votre renommée estivale.
Le fameux « restez-donc souper ! » génère en général de la part de celles et ceux qui ne sont venus que pour un peu de « pain », une valse de dénégations, qui s’effritent à la moindre récidive d’invitation… C’est ça être une vraie copine ou un vrai copain, puisque c’est d’un côté offrir le couvert, et de l’autre accepter le couvert qui est mis. Le plus insolite, c’est que la première inquiétude de la puissance invitante, c’est d’aller contrôler qu’elle aura suffisamment de… pain à partager ! En fait, selon les objectifs des soirées d’été des jeunes, le plus dur consiste à passer du statut de « connaissance » à celui de « copine » ou de copain », pour évidemment espérer finir en… camarade ! Le compagnon n’est plus à l’ordre du jour. Même si l’origine est la même que celle évoquée plus haut, il a vu son emploi s’estomper au fil des ans. Il est passé de mode, car il suppose une longévité particulière du partage, lié à un action ponctuelle. L’infortune va bien au compagnonnage comme la route, la lutte ou l’aventure, mais comme ces liaisons nécessitent un effort, la société actuelle a vite mis à l’écart le vocable.
En été, ce n’est que dans les structures organisées que l’on peut espérer rencontrer le « compagnon » ou la « compagne » de sa vie. Les fameux clubs restent des viviers potentiels pour âmes seules… même si les bronzés ont assassiné le filon. Vous ne verrez donc pas passer sur votre terrasse beaucoup de « compagnes » et de « compagnons », car ce ne sont pas des consommateurs habituels de ces breuvages originaux que dégottent les maîtresses de maison pour régaler les visiteurs. Tous résultent d’un savoir faire transmis de génération en génération, via les femmes. Vins de noix, vins de pêche, vins de prunelle, vins aux arômes divers sont parfois redoutables, mais possèdent un label « boisson naturelle » du meilleur effet. On ne le sert pas à un compagnon durable, mais plus facilement à un copain de passage.
En fait, l’été reste la saison essentielle pour le copinage sous toutes ses formes. M. Woerth, qui gèrent tous les budgets sans s’emmêler les crayons pour signer les chèques, compte une impressionnante liste de copains qui adorent déjeuner avec lui pour causer de la pluie ou du beau temps, ou simplement pour papoter sur l’avenir de sa famille. Bien entendu, au camping, il n’est pas question que de tels entretiens aient lieu, et si votre fille ou votre fils ramènent au bungalow un copain ou une copine, il faut savoir qu’il vous en coûtera un goûter supplémentaire ou une autorisation exceptionnelle de retour au bercail après 22 heures. Surtout, ne dites pas « salut les copains », car ça ferait vieille France ringarde, du temps béni du transistor et des yéyés.
La formule a fait fureur durant des années sur les ondes grâce à Hubert, qui n’avait rien d’un saint, mais qui n’avait pas son pareil pour chasser la starlette. Ce n’est pas pour rien qu’il a repris du service le dimanche soir sur Radio Nostalgie… car forcément, dès que revient le « temps des copains », on ne peut empêcher le retour des émotions de la jeunesse. C’est la raison pour laquelle on commence réellement à vieillir quand on n’est entouré que de camarades ! N’oubliez pas que le meilleur navire d’été se nomme « les copains d’abord » !
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Ne pas oublier non plus, même si ça fait un peu antique et déplacé dans la chronique, les Compagnons du Tour de France (sans bicyclette mais avec leurs outils …)
Ils revendiquent symboliquement l’étymologie du compas, qui avec l’équerre sont les outils emblématiques du compagnon.