Le vélo va débouler au sprint

Assemblée générale annuelle des 1062 communes membres du Club des Villes et territoires cyclables dans la fameuse mairie du XVème arrondissement de Paris, fief d’Edouard Balladur, et surtout sanctuaire UMP depuis des décennies. Dans de bonnes conditions, les représentants des plus grandes villes de France ont longuement débattu des conditions du développement de la pratique du vélo. Même si c’est la troisième édition de ce type de rencontre, j’ai toujours un moment de flottement en constatant que c’est le maire de la … plus petite collectivité territoriale qui préside cet organisme incontournable au plan national et même international, puisque les villes de Luxembourg et Monaco ont désormais rejoint le club et les plus grandes régions, Ile de France, Rhône-Alpes, Nord Pas de Calais, Basse Normandie et bientôt Provence Alpes Côte d’Azur. Comme Paris, on y trrouve les communautés de Lyon, Bordeaux, Toulouse, Rennes, Strasbourg, Nantes, Nice…(il ne manque que Marseille). Le club cumule des millions de citoyennes et de citoyens réunis dans une association constructive, autour des pratiques sociales du vélo. En un an, 37 nouvelles structures ont rejoint le club, ce qui démontre l’importance qu’a pris cet outil pourtant encore jugé par certains comme un outil désuet, que se seraient réservé des bobos urbains. Et, à quelques kilomètres de là, Bertarnd Delanoé présentait le plus grand plan de développement du vélo jamais présenté dans une capitale européenne.
Le vélo sera la grande aventure de demain quand on aura, par la force des choses, compris que les énergies fossiles conduiront l’humanité à sa perte. On s’apercevra enfin que les pays dits du tiers monde n’auront pas d’efforts d’adaptation à la crise à faire, puisqu’ils n’ont jamais eu les… moyens d’y entrer ! Le vélo explose dans certains autres, dits industrialisés, où l’on a pris conscience, depuis longtemps, des enjeux et qui, surtout, ont changé de culture, considérant que le véritable citoyen c’est celui qui pédale et pas nécessairement celui qui appuie sur la pédale d’un accélérateur.
Tous les élus locaux présents sont unanimes : les mentalités évoluent moins vite que les techniques. Impossible de persuader les responsables des infrastructures que dans une décennie le « tout automobile » aura du plomb dans l’aile et pas nécessairement dans le carburant. Ils continuent à tabler sur des contournements, des rocades, des recalibrages, des giratoires alors qu’il faudrait absolument aller vers un partage sur les courtes distances de l’espace public pour ralentir les véhicules réputés les plus rapides. Ce travail est quasiment impossible à mettre en place.
La fameuse zone « 30 » a par exemple 20 ans, mais elle n’est pas du tout entrée dans les mœurs. Une majorité d’automobilistes ne se voient jamais rouler à… 30 car elle a l’impression de perdre son temps pour aller travailler ou pour rentrer se reposer. On compte les temps de déplacement en secondes gagnées, comme si elles évitaient de « perdre son temps » alors qu’en fait elles font gagner à tout le monde des années supplémentaires (5 ans d’espérance de vie supplémentaire pour une personne effectuant vingt minutes de marche ou de vélo par jour) ou évitent d’en perdre beaucoup plus. La France est imprégnée de la culture « Ponts et Chaussées » ou DDE que l’on reproduit à l’infini avec des constructions fastueuses que l’on ne pourra plus se payer dans 3 ou 4 ans. Elle consiste à considérer que la solution passe nécessairement par l’amélioration constante des chaussées, par la fluidité du déplacement automobile, par la continuité d’itinéraires menant sur des murs urbains, par une vitesse accrue et surtout par une exclusivité d’utilisation de l’espace public pour le « motorisé » individuel.
Rares sont les collectivités qui ont anticipé, par exemple, le double sens cyclable qui sera pourtant généralisé dans trois semaines. Les élus savent qu’aucune communication nationale n’a été réalisée sur la mise en place de ce décret, vieux de 2 ans. Cette mesure va donc générer des problèmes et les cyclistes seront une fois encore considérés comme des emmerdeurs récalcitrants. Il en va de même pour le tourne à droite aux feux tricolores ou pour la bande décalée d’arrêt pour les véhicules avant les passages piétons. Toutes ses mesures sont « officieusement officielles » en France, alors qu’elles sont en vigueur dans la quasi-totalité de pays européens et changeraient fondamentalement le regard que l’on porte sur les vélos.
Un plan national en la matière ne coûterait presque rien, mais il peine à sortir car il faut le reconnaître humblement, le « lobby » cycliste n’est pas assez puissant. Plus de 3,1 millions de bicyclettes ont été vendues en France en 2009, ce qui place la France au 4ème rang mondial. Chaque pédaleur, quelle que soit la distance parcourue, entre dans la catégorie des citoyens actifs, soucieux de sa santé et de celle des autres. Il économise les énergies fossiles, il ne ruine pas le réseau routier, il respecte forcément les autres, même si parfois il a tendance à oublier ses obligations réglementaires… un peu moins que d’autres !
Le salon européen de la mobilité regorge d’autobus, de rames de tram, de vélos en tous genres mais on sent bien que dans cette période de crise on ne va pas déployer beaucoup d’audace en matière de déplacements. Habitat étalé individuel, déplacement lointain individuel, utilisation permanente individuelle des réseaux collectifs… l’individualisation a pris le pas sur toutes les autres considérations. Or la bicyclette, maintenant électriquement aidée, conjugue tous les atouts, sauf qu’elle n’entre pas dans la culture française de pouvoir, illustré par la bagnole. Tant qu’elle restera un critère d’aisance, de puissance et d’apparence, la France restera en retard dans la mobilité douce… mais rassurez vous, par manque d’argent, on finira peut-être un jour par réduire les dépenses en enrobé et en ouvrages d’art et le bon vieux vélo apparaîtra comme l’invention salvatrice du nouveau monde !

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Cet article a 2 commentaires

  1. François

    Tu oublies le seul vrai frein au lobby « cycliste »: ce sont les trop juteuses taxes sur les produits pétroliers , celles qui permettent les fastes et largesses de l’Elysée.
    D’ailleurs, à la lecture de ton billet, on imagine Le Nain Gesticulant s’emparant de la calculette de Mme Lagarde pour vite chercher un coefficent de taxe supplémentaire sur un minimum de 3,1 millions de bicyclettes par an ! Aïe, aïe, aïe ! !
    Amicalement.

  2. BELET

    Le démarrage réussi du vélo libre service, depuis 3 mois, dans les communes centrales de la CUB nous laisse l’espoir que les esprits changent, et que les générations montantes relègueront l’automobile à ce qu’elle doit être, un objet utilitaire à consommer sans passion
    Il reste toutefois un travail énorme dans les zones périurbaines et rurales.
    Eric BELET

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