Notre société est bien malade. Elle vit dans une sorte de coma de la raison extrêmement dangereux pour son avenir. Elle entend mais ne sait pas que répondre ou, mieux, elle n’a pas envie de savoir pour ne pas avoir à répondre. La gangrène gagne les esprits car il est plus facile de renoncer que d’agir. Il est important de ne jamais avoir à remettre en cause les certitudes que l’on prend pour des vérités. Par exemple, il circule l’idée toute faite que les rares sénatrices ou les nombreux sénateurs, une fois élus, oublieraient volontiers le terrain pour aller faire la sieste dans des fauteuils taillés sur mesure au palais du Luxembourg. Tenter de convaincre du contraire c’est tout bonnement se laisser aller à une sorte de complicité. Tenir ses engagements, pour un élu, relèverait de l’exploit… et d’ailleurs, par principe, personne n’y croit. Celle ou celui que l’on pointe du doigt, c’est celle ou celui qui… justement transforme ses promesses en mirages. Les autres n’intéressent personne.
D’ailleurs hier soir, alors que j’avais invité tous les élus du canton à une rencontre directe avec deux sénateurs en prise directe avec les réalités de la vie publique, j’ai constaté une fois encore que la volonté de débat n’a plus d’actaulité. Une soirée où l’échange devait l’emporter sur la confrontation, le dialogue supplanter les oppositions, l’information permettre de comprendre les enjeux. Une trentaine d’entre eux avaient répondu à cette invitation et avaient accepté de prendre une heure pour avancer sur le chemin de la réflexion, avec Françoise Cartron, Sénatrice et Alain Anziani Sénateur. Très peu. Trop peu. Une déception, car l’actualité foisonne de sujets extrêmement préoccupants pour le mandat en cours, et j’espérais que la mobilisation serait supérieure, mais c’est ainsi.
Dans le contexte actuel, on est très loin du principe « mieux vaut prévenir que guérir! » et l’on préfère ne pas savoir, pour éviter d’avoir à agir. Les élus sont condamnés au pilori en place publique par le gouvernement. Ils devront assumer, par leur rôle de proximité, les conséquences d’une politique gouvernementale qui transfert la crise globale vers le local ! On comprend maintenant les raisons qui ont conduit le chef de l’État français en novembre dernier à se rendre pour un voyage d’agrément dans le Golfe persique, plutôt que de se déplacer à la Porte de Versailles pour venir affronter la colère des Maires. Il préparait l’assassinat pur et simple des collectivités locales et depuis jeudi, il a annoncé la méthode : ne pas assumer la déroute de sa politique, mais tenter de persuader l’opinion que les communes, les départements et les régions sont à ranger au même rang que lui. Il utilise à fond la passivité des élus pour les enchaîner sur le pont de son navire en train de couler. Le président de la République a en effet estimé «normal» que le « gel en valeur » des dépenses de l’Etat de 2011 à 2014 s’applique aux transferts vers les collectivités locales. Ces dotations sont versées au titre de la prise en charge par les collectivités locales de dépenses sociales décidées par l’État (allocation personnalisée d’autonomie, RSA…) ou pour compenser des mesures fiscales (suppression de la taxe professionnelle, compensation pour la TVA). Une annonce qui ressemble à une pure provocation d’autant plus facile que rares sont les élus qui en ont relevé le sens. C’est d’un cynisme absolu, d’une malhonnêteté dramatique pour la confiance que l’on peut avoir dans la démocratie.
Dans cette décision, on trouve les fondements de la politique actuelle : les apparences, le bluff. Depuis des mois, les Conseils Généraux de toutes tendances ressassent qu’ils ne pourront plus « payer les obligations décrétées par l’Etat, transférées par l’Etat mais insuffisamment financées par l’Etat ». Ils ont été « entendus » car c’est clair et net : ils continueront à mourir sous les charges contraintes et ce sont eux qui seront responsables de la baisse des investissements, de la raréfaction des services au public, de la chute des aides aux autres collectivités.
L’État donne des ordres, passe les commandes, condamne les gestions mais s’offre le luxe de ne jamais payer ce qu’il ordonne, qu’il commande et qu’il devrait gérer ! Il demande dans le même temps, aux collectivités, de ne plus percevoir d’impôts, d’assurer des missions sociales relevant de la solidarité nationale qui sont en train d’exploser et de continuer à financer des investissements qui ne relèvent pas de leurs compétences, comme ceux sur les universités et les lignes à grande vitesse, les équipements structurants, relevant de sa propre politique… En fait, le Chef de l’Etat français a décrété qu’il ferait payer aux autres ses errements et il s’arrange pour ne pas apparaître comme le seul responsable d’une situation désastreuse.
Pour la présidente du groupe de gauche à l’association des départements de France, Marie-Françoise Pérol-Dumont, « Nicolas Sarkozy tente de manipuler l’opinion : les collectivités locales ne sont en aucun cas responsables du déficit national abyssal dont près de 90 % a été généré par l’État et ses administrations.» Même le député UMP Jacques Pélissard, président de l’association des maires de France (AMF), reconnaît que «si l’État se serre la ceinture et nous demande de le faire, cela va se traduire par des arbitrages parfois douloureux». Il s’inquiète du sort des plus petites communes « qui n’ont pas de marges de manœuvre ». À leur intention, la loi de finances 2011 devrait établir un système de redistribution des communes les plus riches vers les autres, déjà contenu dans la réforme en cours des collectivités territoriales. « Même avec la péréquation, des dizaines de communes courront à la faillite chaque mois», pronostique-t-on à l’AMF. D’autant qu’elles risquent d’être pénalisées par la compression des subventions des départements et des régions sur leurs territoires. Mais les électrices et les électeurs ne réagiront qu’avec la tombée des feuilles d’automne consacrées aux impôts locaux. Et encore…
Dans le fond, je comprends mes collègues qui ne sont pas venus. Les sénateurs ne portaient que des mauvaises nouvelles, que des soucis à venir, que des embuscades programmées, que de terribles désillusions. Le dialogue de hier soir a, au moins, permis d’ouvrir certains yeux avant le crash sur le mur des réalités. Les autres se contenteront d’expliquer, dans quelques mois, qu’ils ne savaient rien!
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quand on est conscients, concernés, que l’on ne renonce pas, qu’est ce que l’on se sent seuls !!
difficile à assumer aussi…