Les trésors du bout du monde

Le bout du monde n’est jamais très loin. Il suffit de vouloir y aller. Il tend les bras aux aventuriers des chemins sentant l’herbe mouillée ou plus tard le chèvrefeuille, des ruelles envahies par le parfum des glycines ou des lilas. Il se mérite puisqu’il faut parfois savoir ne jamais renoncer vers un but, insignifiant pour beaucoup. Seules les zones de montagne recèlent encore des hameaux se prenant pour des villages de nulle part ailleurs. Il faut aller les dénicher, à la fin d’un long ruban gris se déroulant au creux d’une vallée encaissée, ou sur le flanc rocailleux de monts anonymes. La récompense est toujours la même : le silence ! On se sent presque gêné de venir perturber un espace peu habitué aux intrusions intempestives. Impossible de claquer les portes de sa voiture, car si l’on ne peut entrer dans l’intimité des maisons, dominées par une église dont la seule mission est de distiller l’heure grâce au son clair de ses cloches, on n’y vient que sur la pointe des pieds.
En arrivant à Bessède de Sault, là-bas, au fond des gorges de l’Aude, je me suis senti mal à l’aise. Aussi perturbé qu’un immigré débarquant sur un territoire méconnu dont il appréhende l’accueil, je n’acceptais pas de jouer le rôle de l’intrus dans un tableau inconnu.
Même si j’avais été invité, par une lectrice assidue de ces chroniques, à partager l’un de ces secrets qui marquent une vie, je ressentais profondément que je troublais la quiétude d’un lieu, oublié par un monde qui ne sait plus distinguer les apparences des réalités.
Le soleil n’avait pas encore effacé les larmes d’une pluie matinale rafraichissante Les jardins abandonnés verdissaient de plaisir, comme s’ils portaient encore des plantes utiles à l’homme. Dans ma poche, des consignes pour une mission impossible : trouver des morilles le long d’un torrent, dévalant la pente comme s’il était pressé d’en finir avec sa vie. Les repères étaient clairs. Je dénichais très vite la piste qui devait me conduire au fameux replat que l’on se transmet de génération en génération, comme les chercheurs d’or léguant à leurs héritiers la réalité sur un filon. Personne aux alentours, sauf que le propriétaire des lieux, probablement conscient des dangers que courait une éventuelle récolte de morilles rentable, avait cerné sur des centaines de mètres sa propriété d’une clôture dissuasive. Même au bout du monde, le profit a pris le pouvoir. Adieu les rêves de rôti de bœuf avec une sauce aux morilles récoltées de mes mains ! Aucune frustration, car le bonheur se trouvait dans le pré. Il était là, avec les soleils resplendissants des pissenlits, avec des escargots « géants » qui se hâtaient lentement pour profiter de cette rosée tellement bienvenue. Ces « molosses » semblaient aussi insouciants que le village de Bessède sur Sault qui profitait de la chaleur montante. Certaines fenêtres ouvertes laissaient pendre des literies blanches comme neige, vouées, ce matin, aux seules caresses du soleil. D’autres, fermées, coincées, verrouillées, refusaient de penser à

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Cet article a 6 commentaires

  1. blond daniel

    je me vois avec vous dans ce cadre enchanteur ,je sens toutes ces senteurs dont vous nous decrivez si bien l’odeur

  2. danye cortot

    Toujours ce savoir pour nous faire voyager
    avec un esprit si prêt à vous suivre dans ces régions arides , sauvages mais quelle ballade ce Dimanche !! les parfums sont arrivés jusqu’en Gironde ….
    Bonne continuation …..

  3. Suzette GREL

    à nouveau une superbe balade odorante et riche en anecdotes. merci pour ce moment de poésie.

  4. Darmian-Gautron

    Comme quoi lorsque tu es en vacances la plume devient celles des champs et c’est celle là que je préfère. Elle hume bon mes lettres d’enfant que tu écrivais pour nous compter les vacances, ces mots là sont ceux que je préfère même si ils sont souvent nostalgiques du temps où la sauterelle bleue t’attendait sur le chemin qui menait chez  » mamie et papi en bas ». C’est le temps qui passe et c’est comme ça. merci

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