Les voyages forment les promesses

Mais qui peut encore croire un instant en ces voyages présidentiels, agencés et cousus par les petites mains de la communication élyséenne, afin de fournir du grain à moudre à des médias adorant le pré-digéré ? Chaque semaine, on a droit à des déclarations sans lendemain, totalement déconnectées de la réalité, et surtout empreintes d’un profond mépris à l’égard de celles et ceux qui les écoutent. Il faut véritablement être un adepte idolâtre pour se contenter de cette roupie de sansonnet politique, délivrée au bon peuple. Un jour, on donne… en 2011 un euro de plus aux médecins généralistes, couverts de fleurs, mais qui attendront huit mois pour être couverts d’argent. La veille, on va se préoccuper d’un million de chômeurs en fin de droits. Quelques jours plus tard, on se plonge dans la chasse à la racaille. La bouillie médiatique qui en ressort oublie très vite la date d’effet, et le fait que, dans un système social déficitaire, non pas en raison de dépenses supplémentaires, mais à cause des exonérations accordées, et des impayés de l’État lui-même, le Président ajoute un surplus de 260 millions d’euros par ci, de 800 millions par là et supprime des milliers de postes de fonctionnaires dans les banlieues et ailleurs ! Certes, c’est insignifiant à l’égard des milliards distribués aux banques, au lobby automobile, aux céréaliers, mais dans le contexte actuel, une hausse de 4,3 % des revenus des médecins mériterait au moins que l’on parle aussi des autres professions médicales, et notamment de celles qui exercent ce qui devient un sacerdoce dans les hôpitaux publics ! En fait, il ne s’agit que d’une mesure strictement politicienne.
C’est ce qui s’appelle un virage à 180 degrés. En annonçant une revalorisation du tarif de la consultation des médecins généralistes, il marque une rupture avec les cotisations des… salariés. Il y a quelques semaines encore, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, comme le directeur de l’assurance-maladie, Frédéric Van Roekeghem, faisaient clairement comprendre qu’il n’était pas question de passer de 22 à 23 euros, comme le réclamaient les syndicats de praticiens. Mais, au lendemain de la défaite aux élections régionales, l’un des objectifs du président de la République est de se réconcilier avec les médecins libéraux, électorat traditionnel de la droite. L’amertume est grande. Les médecins ont jugé « vexatoires » certaines dispositions de la loi Bachelot, votée l’an dernier. Ils se sont sentis exclus pendant la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1). Et ils tirent profit de la Bérézina UMP pour obtenir satisfaction, alors que les autres catégories peuvent attendre.Il passe par le Pôle emploi, sans rappeler son engagement du soir de son élection, avant d’aller rejoindre ses potes du Fouquet’s ! Il devrait demander que sur les écrans des bureaux de ces officines à détruire les statistiques du chômage, on diffuse en boucle ses propos du 6 mai au soir.« Je vous ai promis le plein emploi, je vais me battre pour le plein emploi. J’ai dit que le pouvoir d’achat était un grave problème, je me battrai pour le pouvoir d’achat. […] Je veux dire à chacune et à chacun d’entre vous que je ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai pas, je ne vous décevrai pas », avait assuré Nicolas Sarkozy aux Français place de la Concorde. Promesses qui faisaient écho à ses multiples promesses de candidat.
Désormais, on n’est plus dans le respect d’un brin de ces « tartarinades », mais simplement dans la distribution des bonnes paroles, et dans le miracle de la multiplication du pain de campagne et des poissons d’avril ! Il sort de sa manche une allocation de 454 euros pour les chômeurs en fin de droit… sans préciser qui va payer l’addition. Cette allocation doit être conçue comme une aide mise en place « de manière exceptionnelle », qui ne serait pas accordée si le demandeur d’emploi a « préalablement » refusé une formation ou un contrat aidé.
Pour financer ces contrats aidés et formations rémunérées, l’État est « prêt avec les partenaires sociaux (sic) et, si possible, avec les régions (sic), à dégager plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaires », rappelle le communiqué. Quelque 800 millions d’euros de dépenses nouvelles, financées par l’État et les partenaires sociaux, seraient consacrés aux fins de droits, dont environ 200 millions d’euros pour l’allocation de crise, selon des sources syndicales. Les contrats aidés, pour lesquels les syndicats n’ont pas voulu mobiliser l’argent de l’assurance chômage, seront financés par l’État. Même si cette mesure était inévitable, elle pose encore une fois le problème du financement, et personne ne souligne que le plein emploi appartenait aux mirages sarkozystes pré-électoraux !
Hier encore, les propos tenus en Seine Saint Denis, mériteraient quelques retours en arrière. Mais diable pourquoi, au moment où à Tremblay en France personne n’ose rappeler les épisodes antérieurs. Il n’y a rien de diffamatoire à revenir sur les promesses d’un Ministre de l’intérieur, sûr de sa force et des ses moyens. Le 20 juin 2005, alors qu’il effectue une visite dans une cité de La Courneuve, au lendemain de l’homicide d’un enfant de onze ans victime de balles perdues, il déclare : « Les voyous vont disparaître, je mettrai les effectifs qu’il faut, mais on nettoiera la Cité des 4000 ». Une dizaine de jours plus tard, toujours à La Courneuve, il renchérit : « Le terme « nettoyer au Kärcher » est le terme qui s’impose, parce qu’il faut nettoyer cela ». Les mots « nettoyer » et « Kärcher » font aussitôt l’objet d’une vive polémique, à l’origine de la rupture avec le ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances, Azouz Begag.
En septembre 2005, Nicolas Sarkozy incite les préfets à la fermeté contre tous ceux qui, selon lui, mettent en cause la sécurité des « Français », « en premier lieu les gens du voyage, les jeunes des banlieues, les immigrés illégaux ». Le 26 octobre 2005, à 22 heures, au cours d’une visite d’un quartier d’Argenteuil, la situation est assez tendue : le ministre est insulté par des jeunes du quartier et est l’objet de jets de pierres sur son passage. Les journaux télévisés diffuseront à de nombreuses reprises les images du ministre déclarant, en s’adressant à un interlocuteur invisible à l’écran : « Vous en avez assez, hein, vous en avez assez de cette bande de racailles ? Eh bien on va vous en débarrasser ». Dans le genre « vous allez voir ce que vous allez voir! » on ne peut pas faire mieux. En fait, hier, il est revenu pour expliquer que tout ce qui n’avait pas été fait par lui et par ses grands amis UMP, fidèles à sa doctrine faussement sécuritaire, allait enfin… être fait. Huit ans plus tard !
Le vendeur de Karcher s’est une nouvelle fois engagé sur « une lutte sans merci » contre les « voyous » (racailles a été banni), « truands », « caïds » de la drogue. «Aucune commune, aucun quartier, aucun hall d’immeuble n’échappera à l’autorité de la loi! (sic)», a-t-il juré à la préfecture de Bobigny, transformée en bunker afin qu’il soit en sécurité ! Il a été cependant honnête en fustigeant «plusieurs décennies de renoncement et de laxisme». On pouvait même lui dire que la dernière aura été la meilleure, avec des statistiques trafiquées qui masquent un échec terrible de toutes les mesures de répression. La preuve. En Gironde, qui n’est pas la Seine Saint Denis, force est de constater que, contrairement aux promesses du gouvernement, la délinquance est en forte hausse. Sur le mois de mars, elle a augmenté de 15,45%, avec une forte hausse des cambriolages (+26,27%) et des vols avec violence (+ 9,70%). Mais rassurez-vous, tout va bien sur la sécurité routière, puisque le nombre de procès-verbaux a augmenté et que des « cyclistes terroristes » ont été mis en garde à vue ! Enfin une promesse tenue !

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