2012 : vues sur babord et tribord !

Il est assez intéressant sur le plan de l’analyse sociale d’étudier la manière dont les médias traitent déjà de l’élection présidentielle de 2012. La machine à confectionner cette fameuse opinion dominante est en route. Elle avance dans l’indifférence, ce qui lui donne toute son efficacité, car les gens s’en imprègnent à « l’insu de leur plein gré ». Pour le PS, tous les grands analystes politiciens vont s’efforcer de faire monter la pression sur le thème général : « c’est la guerre des femmes » ou « c’est le retour des éléphants » ou « c’est la pagaille »… Ils ont tous des tuyaux exceptionnels sur les espoirs de Martine Aubry, Ségolène Royal, DSK, Manuel Vals… et tant d’autres! Ils vont se régaler de ces déclarations qui vont fleurir dans les prochains mois. Ils préfèrent d’ailleurs souvent les non-déclarations, car elles permettent sans trop de risques toutes les interprétations possibles. Les silences ou les absences constituent des pièces à convictions d’ambitions rentrées. Les prises de parole seront des aveux implicites d’ambitions avouées. Quoi qu’ils fassent, les socialistes appartiennent, pour le monde médiatique qui compte, à une tribu bizarre, où chaque fait et geste génère une avalanche d’analyses sarcastiques ou ironiques.
Un socialiste qui s’exprime c’est du discours entendu, du baratin inutile, du calcul politicien, alors qu’un UMP qui cause c’est forcément une « info » de première importance. Les preuves ne manquent pas… surtout si l’élu de gauche se permet de s’exprimer sur les médias. Vincent Peillon en a fait la douloureuse expérience, alors qu’il ne voulait (certes maladroitement !) que mettre en évidence les injustices d’un système verrouillé, dans lequel la rébellion n’a aucune place. Il est banni. Il est interdit de télé. Il est entré de lui-même en pénitence. Il a entamé une cure d’amaigrissement médiatique. Il cherche à se faire oublier, pour se refaire une « virginité » indispensable pour exister devant une caméra, un micro ou une plume. Jean-Luc Mélenchon vient à son tour de se faire exécuter en place publique. Certes, lui-aussi a eu l’immense tort de prendre le lampiste pour le patron, mais sur le fond il n’avait pas tort… la forme laissait en revanche à désirer. Tant pis pour lui, il va trainer comme un boulet de s’en être pris à une profession qui n’est solidaire que pour taper sur le politique qui pilote mal sur le verglas des mots.
Il va donc falloir s’habituer à des vérités toutes faites, réputées reposer sur des constats indiscutables. Le PS va être rongé par ses rivalités internes. Peu importe d’ailleurs qu’il ait ou qu’il n’ait pas un programme, puisqu’au PS, tout se résume à des querelles de personnes…Le pire, c’est que rien ne changera ce consensus qui arrange bien tout le monde. Surtout à droite.On le sait bien et c’est évident : le conflit dévastateur entre Sarkozy et Galouzeau de Villepin ne relève absolument pas de la haine entre les personnes ! Ces deux êtres s’adorent, sont encore pour quelque temps dans le même « mouvement populaire », comme dirait le Monseigneur Lefèvre de l’UMP. Coups tordus, règlements de comptes, vendetta judiciaire, utilisation des services secrets, menaces voilées, culpabilité affirmée : un véritable débat d’idées entre deux hommes efficaces qui ont été dans le même gouvernement !
Quant à Alain Juppé, il s’évertue à démontrer qu’il existe encore, et qu’il affiche ses prétentions, au cas où son « grand »ami de l’Elysée mettrait un genou à terre : il ne s’agit absolument pas d’un coup bas. D’ailleurs durant toute une semaine, la presse s’est évertuée à rattraper l’indécence d’un sondage affirmant que 65 % des Françaises et des Français affirmaient qu’il ne ferait pas un bon président ! Ils ont ramé, les rédacteurs en chef concernés pour gommer ce qui aura constitué un crime de lèse-majesté. C’est vrai que le Maire de Bordeaux joue de malchance et prend claque sur claque, et que l’on peut être compatissant.
Il veut un grand stade. Sud-Ouest fait un sondage pour l’aider un peu, et catastrophe, 73 % des sondés approuvent implicitement l’avis de Philippe Madrelle qui refuse de le financer ! Il obtient que son protégé Xavier Darcos soit expédié dans un combat qu’il aurait dû lui-même mener, puisque légitimé par son seul succès électoral sur Alain Rousset aux municipales, et c’est un tsunami qui lamine l’UMP en Aquitaine, en Gironde et… à Bordeaux. Mieux qu’un sondage : une réalité ! Enfin, il se lance sur la route des présidentielles, et prend quelques jours plus tard un camouflet, reflétant le fait que les françaises et les français ont encore un brin de mémoire. Que n’aurait-on pas dit, chez ces gens là, monsieur, si Martine Aubry, qui n’a même pas perdu la Lorraine avec l’Alsace, avait eu un sondage aussi médiocre ? Que n’aurait-on pas entendu sur les ondes de ces grandes radios honnêtes, si Ségolène Royal avait stagné à … 52 % ?
En fait le meilleur était encore à venir, puisqu’après Goulouzeau de Villepin et Alain Juppé, c’est Hervé Morin qui se verrait bien en 2012 le candidat des centristes rassemblés, et maintenant, « Grenelle » Borloo probablement en état de manque… de notoriété, se voit lui-aussi comme une roue de secours au sarkozysme défaillant. Tous appartiennent au « mouvement populaire », dans lequel on prône de plus en plus ouvertement la candidature de François Fillon ! Ce quintet majeur, largement aussi complexe et masqué que celui du PS, bénéficie d’une analyse frappante de la part des adeptes de la boule de cristal : c’est un signe de vitalité ! La candidature Borloo fait le ravissement du nouveau ministre de la Jeunesse, Marc-Philippe Daubresse, qui la défend ardemment. «Quelle que soit la stratégie que l’on adoptera, en étroite liaison avec Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo est une vraie valeur ajoutée pour la majorité et doit jouer un rôle important pour 2012», a-t-il plaidé jeudi à l’émission «Face aux Chrétiens» sur RCF-radio Notre-Dame-La Croix. Alors que la stratégie d’union de la droite dès le premier tour n’a pas, loin de là, fait ses preuves aux élections régionales, l’idée serait de capter, en 2012, les voix du centre-droit, et des écologistes de droite, pour éviter qu’elles ne se reportent sur un François Bayrou ou sur le candidat d’Europe Ecologie. Dans ces deux camps, tout va pour le mieux.
Au Modem, on assume une incohérence totale : indépendance revendiquée à la région Aquitaine, alliance soumise avec l’UMP canal nobiliaire au Conseil Général de la Gironde, co-gestion à Bordeaux avec Alain Juppé, désormais candidat putatif aux présidentielles… Mais personne ne semble le voir car c’est un signe fort de liberté alors qu’il ne s’agit que de cuisine électoraliste. Chez les verts, scission totale du groupe régional avec 5 Europe Ecologie et 5 Verts qui ne se parleront que quand il fera beau, comme au plan national… Chez chaque adhérent(e) constitue une tendance mais c’est aussi la liberté! Enfin, heureusement qu’il y a encore le PS pour alimenter les éditoriaux matinaux, car autrement, ce serait monotone ! Il ne se passe rien ailleurs.

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