La main, y-a-t-il plus belle partie du corps humain que celle qui permet de créer, de toucher, de vivre ? Elle reflète aisément la manière franche ou mollassonne d’aborder les autres. Elle porte les caresses les plus affectueuses ou les plus intimes. Serrée ou repliée, elle se laisse aller à la colère. Tendue, une main implore la pitié. Posée sur la Bible ou levée face aux juges, elle porte l’honneur. Dans le fond, de droite ou de gauche, elle témoigne simplement de l’avenir quotidien des femmes et des hommes.
J’ai toujours été fasciné par les mains de mon père et quand je doutais un instant de l’utilité des efforts que j’accomplissais pour que les miennes restent blanches et lisses, un seul coup d’œil sur les siennes me ramenait à la raison. Crevassées, grises malgré de multiples lavages à la brosse en chiendent, courtes, puissantes, elles respiraient le travail ingrat. Elles résolvaient toutes les situations, plongeaient dans l’huile noire des moteurs, brassaient le ciment, maniaient la masse, tenaient les manches des pelles servant à creuser les dernières demeures dans le cimetière, bravaient les intempéries, manipulaient les tuiles, ne se contentaient jamais d’une coupable passivité.
Je les comparais à celles de Panturle, présentant son blé venu d’ailleurs, fruit d’un travail titanesque pour arracher à la terre provençale le froment de son espoir. Blessées par le fléau, meurtries par les manchons de la charrue, il les tendait vers ceux qui doutaient de la qualité de sa récolte ou qui s’étonnaient de sa qualité. Ces mains là, ces mains qui ont toujours fouillé le ventre fécond de la terre, qui ont taillé les pierres robustes des cathédrales, qui ont porté les armes de la mort, qui ont essuyé les larmes discrètes de la fatigue ou de la douleur, restent les véritables témoins de la réussite. Elles sont à joindre dans l’admiration à celles qui font courir une plume sur une feuille blanche ou qui mettent sur une toile une vision originale d’une parcelle du monde. Celles de l’artisan ou de l’artiste se rejoignent dans ce bonheur communicatif ou dans cette angoisse terrifiante de la transmission aux autres de son savoir et de son savoir-faire.
La France a été construite par des milliers de petites mains capables de broder ses paysages, de tisser son lien social, de mitonner son identité. Impossible de ne pas admirer ces « manuels » dont bizarrement l’appellation a longtemps rejoint celle de ces livres scolaires de morale, dispensant le savoir sur les bancs, minutieusement agencés par des menuisiers qui adoraient flatter, de leur paume ouverte, le bois de leurs ouvrages.
Ces mains là, celles des ouvrières, des paysannes, des ouvriers ou des paysans restent modestes, oubliées, méprisées quel que soit leur talent, leur adresse ou leur passion. Elles ne sont pas celles des Dieux qui déclenchent leur ire sur un monde qui a perdu ses repères. On prétend même que leur chaleur permettrait de lire la valeur des sentiments, alors que les premiers hommes ont pris soin de l’apposer sur les roches lisses des cavernes, comme pour donner une durabilité à leur présence. Qu’elle soit verte et fasse naître les fleurs de la vie, quelle soit rouge comme celles de Goupil, qu’elles soient noires comme celles des mineurs.
Celle de Thierry Henry ne sera que l’illustration de l’identité française actuelle : la réussite à n’importe quel prix ! Le coup de main donné ressemble étrangement à un coup de poing assassin pour l’honneur d’un pays. Gagner ! Gagner à pleines mains de la gloire éphémère ! Gagner à pleines mains du fric ! Gagner de la reconnaissance. Admettre sans sourciller d’être pris la main dans le sac à malices ! Se contenter des jeux de mains qui donnent la fortune aux vilains devient le lot quotidien des relations sociales.
C’est la France qui frime, qui triche, qui biche. Cette France là, qui donnera le grade d’officier de la Légion d’Honneur à celui qui a sauvé les apparences et qui a offert par sa tricherie, une victoire à la nullité collective. Même Ponce Pilate ne se serait pas lavé les mains de pareille offense à l’équité. Chez nous, maintenant, on est certain de la vérité, dans ce domaine comme dans tant d’autres : « l’essentiel c’est de participer ? » On oubliera vite la sale main. Je ne mettrai pas ma main au feu que ce ne soit pas le sentiment qu’ont eu les Maires de France en constatant que l’omniprésident de la République, qui met en permanence la main à la pâte médiatique, les avait bel et bien méprisés. Il est vrai qu’il a la main sur tout et rien.
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Bonjour,
D’autres vous le dirons probablement pour compléter la liste;
Cet article est joliment écrit par:
-« Une Main de Maître ».
Amicalement.
Le pire dans tout ça, ce n’est pas la main malheureuse de Thierry Henri mais celle des dirigeants de notre pays et de ceux de la FIFA qui savent la jouer en touche !
Certes, il faut « des mains et une plume d’or » pour écrire de si beaux textes !
Mettre la main à la pâte de si belle manière nous donne du coeur à l’ouvrage et c’est les mains propres que nous y arriverons.
Merci de nous offrir de belles pages.
Les événements du week-end conduisent à ajouter que Nicolas le petit a fermement repris en main les sénateurs UMP,-en dépit de leurs résolutions spectaculairement proclamées, qu’il a effacées d’un revers de main ou en leur passant habilement la main dans les cheveux, (comme on voudra) – et qu’il les mènera désormais d’une main de fer….
A nous de reprendre en main ce projet de réforme des collectivités locales, et de contraindre le dictateur à passer la main !
C’est à tous les militants, et à tous les démocrates de bonne volonté qu’il appartient désormais de mettre les mains dans le cambouis pour garder la main sur leur destin et ne pas rester des spectateurs impuissants face à cette mainmise sur tout ce qui fait la France.
Pour écrire de beaux textes, Jean Marie garde une main, digne d’Albert Samain…
Pardon pour cet affreux et incongru calembour à la suite de choses si bien dites.
Mais c’est à la hauteur de la conduite de certains princes qui nous gouvernent ( ou croient le faire).