La véritable carte de l'identité

Dans les prochaines semaines, il nous est promis un vaste débat sur l’identité nationale avec des rencontres, des colloques, des contributions de personnalités éclairées. Que l’on puisse évoquer cette notion extrêmement vaste en ce début de XXI° siècle aurait certainement étonné nos aïeux car pour eux, elle ne nécessitait pas de débats plus ou moins artificiels, car elle s’était imposée à eux, à travers les terribles épreuves des guerres.

Il ne s’agissait jamais, pour ces citoyens mobilisés pour défendre leur pays, de s’interroger sur les raisons qui les conduisaient dans les affres de combats meurtriers. Les noms qui figurent sur les monuments aux morts de ces villages à taille humaine ont injustement payé un très lourd tribu à cette identité qu’il leur fallait absolument défendre. D’ailleurs, depuis que l’on commémore l’armistice du 11 novembre, il est de tradition, après l’appel de leur nom, souvent perdu dans la poussière de l’oubli, de proclamer « morts pour la France ». Le Peuple, dans sa diversité, sait ce qu’identité ve31Verdun une tranchee du ravin de la mortut dire quand le besoin s ‘en fait sentir.

Il fut une époque où les enfants des écoles venaient, accompagnés par leurs enseignants ou de leurs parents, écouter cette litanie des patronymes de gens athées ou croyants, de conditions sociales très diverses, d’origines ethniques différentes, de lieux de naissance souvent inconnus de leurs compagnons d’infortune. C’est tout bonnement durant cette première guerre mondiale que l’on a pris conscience, malheureusement trop provisoirement, qu’une identité nationale se construisait dans la tolérance, dans le respect des autres, dans la solidarité au service de valeurs humaines communes, dans l’action au service de la République une et indivisible.

De toutes ces parcelles de vie collective que sont les communes étaient partis, pour le front, des hommes contraints de faire passer les obligations du devoir avant l’indifférence dévastatrice du désespoir. En fait, pour eux, l’identité française se limitait à l’originalité de leur clocher et il leur fallait absolument dépasser ce cercle d’une vie restreinte pour globaliser leur engagement.Ils n’ont jamais eu besoin de participer à des colloques, à des pseudos rencontres, pour affirmer leur attachement au pays qui les faisait vivre, ou même pour certains, étrange paradoxe, qui les opprimaient.

Ils ne se posaient aucune question sur la présence à leurs cotés des tirailleurs sénégalais, algériens, marocains ou indochinois. Tous étaient les défenseurs de cette France qu’ils ne connaissaient pour les uns que grâce à l’incontournable carte de géographie apposée au mur d’une classe, et que les autres ignoraient totalement. Dans le froid lancinant, la pluie perçante, la boue pesante, le fracas des bombes, les vapeurs mortifères des gaz, les odeurs pestilentielles des cadavres, on ne se pose plus la question des raisons pour lesquelles on se bat : on défend simplement son territoire, sa liberté, sa famille et tout simplement sa vie.

Ce 11 novembre devrait être, comme le 8 mai, un rendez-vous pour toutes les citoyennes et tous les citoyens, qui devraient massivement démontrer qu’ils savent que ce sont eux qui ont construit notre identité. Il faudrait commencer par rappeler, comme vous le ferez sûrement par votre présence aux cérémonies de votre village, que notre pays ne s’est pas construit dans la facilité, qu’il a eu souvent besoin du soutien d’autres peuples pour préserver son avenir, qu’il doit beaucoup à d’autres cultures, à d’autres approches de la vie, qu’il n’est que la résultante de la diversité solidaire.

Vous, responsables des associations de mémoire, ne renoncez pas à témoigner de votre part personnelle et collective auxtirailleurs-senegalais3 moments décisifs où il faut se blottir autour de principes simples.

Ce 11 novembre n’a un sens que s’il permet aux générations actuelles de mesurer le courage, l’abnégation et le sens du devoir qu’il a fallu à ces fils, à ces pères, à ses mères, à ces épouses pour faire passer l’intérêt collectif avant leurs intérêts personnels.

Ce 11 novembre ne peut être, maintenant que tous les témoins de cette guerre inhumaine ont disparu, que le symbole de notre identité nationale, qui ne se construira que sur la solidarité. Cette solidarité que nous devons cultiver avec soin, car c’est la fleur de notre avenir, en cette période où montent d’autres dangers pour l’équité, et pour les équilibres instables de notre société.

Le 11 novembre, si lointain pour les jeunes générations, reste le rendez-vous de la liberté payée au prix fort, de l’égalité supposée face au devoir à accomplir, de la fraternité au service des autres.

Si l’identité nationale est une construction historique faite de synthèse, elle repose d’abord sur un héritage, sur la « possession d’un riche legs de souvenirs » comme l’énonce Ernest Renan.

Cette commémoration du 11 novembre devrait justement enrichir notre legs et, à cet égard, je vous remercie chaleureusement d’être venus, à nos côtés, aux côtés de l’équipe municipale, aux côtés des représentants des anciens combattants, faire provision de souvenirs afin de construire solidairement un avenir au plus grand nombre.

Ce champ est nécessaire.

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Cet article a 11 commentaires

  1. Darmian-Gautron

    Se souvenir encore et toujours, ne pas oublier, ne pas faire silence.

    Signez la pétition « les Oubliés de la République (http://oubliesdelarepublique.blogspot.com)
    c’est un petit geste en plus, c’est un grain de sable mais c’est déjà un grain de sable. Demain comme chaque 11 novembre, plus tard comme chaque 8 mai, se souvenir et marquer un acte : celui d’être présent !

  2. daniel PALACIN

    Nicolas Sarkozy recevra 700 maires vendredi 20 novembre pour des échanges sur les deux réformes très contestées de la fiscalité locale et la réforme des collectivités territoriales, a-t-on appris à l’Elysée.

  3. Annie PIETRI

    Parmi ceux qui réclament le plus fort un débat sur l’identité nationale, qui veulent que nous nous posions des questions sur ce qui fait cette identité, il y en a certains, et non des moindres, qui n’ont pas la moindre légitimité pour le faire ! Ils n’ont sans doute jamais eu un grand père pour leur raconter ce que furent les souffrances de ceux qui vécurent ces moments affreux, dans les tranchées, le froid, la boue, au milieu des morts…ni de grand mère pour évoquer, avec des sanglots dans la voix, parce que son fils venait de partir à son tour pour faire la guerre suivante, ce que fut son angoisse durant ces quatre années.Ce que ces donneurs de leçons savent de l’identité Française, ils l’ont appris dans des livres…et encore, quand ils l’ont appris.
    Alors, oui, nous serons demain aux commémorations du 11 novembre, et la plupart d’entre nous saurons pourquoi nous y sommes, pourquoi il faut se souvenir, pourquoi il faut rendre hommage à ceux qui se sont sacrifiés pour notre liberté, et pourquoi c’est là ce qui fait l’essentiel de notre identité.
    Expliquez donc cela à Monsieur Sarkozy !

  4. Alain

    Etrange vision idéalisée du sacrifice (au sens boucher du terme) de ces millions d’êtres humains …
    Etrange façon de postuler que tous ces simples villageois (en majorité à l’époque) se sont fait trouer la peau consciemment pour défendre leur prétendue identité nationale …
    Etrange méthode que celle consistant, à presque un siècle de distance, à faire parler les morts en suggérant qu’ils avaient simplement le choix.
    Ma présence demain à la cérémonie de commémoration en compagnie de mes enfants, qui fréquentent l’école communale, ne sera certes pas destinée à leur inculquer de pareilles foutaises.
    Il s’agira bien plus de leur signifier que « faire de la politique » n’est évidement pas malsain , tout comme vous le soulignez dans vos différents articles. Mais je leur préciserai que pour le citoyen lambda, il n’est pas suffisant de se rendre régulièrement dans un bureau de vote et de déléguer ainsi les yeux fermés son infime partie de pouvoir décisionnel à la prétendue « élite » sortie des urnes.
    L’abus de pouvoir que vous dénoncez quasi quotidiennement et à juste raison concernant les décisions prises au niveau national, nous les retrouvons également au niveau régional. Et ne vous en déplaise, ce genre de comportement n’est pas , même aujourd’hui, l’apanage de la majorité présidentielle.
    Si je conçoit bien qu’il n’est guère aisé de fournir sa ration quotidienne de texte à un blog par ailleurs fort pertinent en ce qui concerne les réformes en cours et à venir, par pitié évitez nous, monsieur Darmian, ce genre de dérive.
    Et si, par je ne sais quel maléfice, vous vous retrouvez à nouveau à cours de sujet pertinent à traiter, plutôt que de vous rabattre sur un « marronnier » mâtiné de prosélytisme rose, entretenez nous donc d’un commentaire sur un sujet « local ».
    Oserais-je une suggestion ? Comment vous, le chantre (et l’acteur) de la locomotion vélocipèdique, ne vous êtes vous pas encore exprimé sur l’opportunité et la faisabilité de la création de nouvelles voies LGV en Aquitaine ?

  5. Gilbert SOULET

    Merci Jean-Marie pour ce bon exemple d’identité dans cette commémoration du 11 novembre!

    Car s’il est un message encore pertinent aujourd’hui, s’il est une chose que nos Poilus peuvent encore nous dire, chaque 11 novembre de chaque année, au-delà de l’expérience suprêmement tragique et horrible de la guerre, c’est qu’en certaines circonstances, il peut être nécessaire de risquer sa propre vie pour la liberté politique et l’indépendance nationale…( Marianne )

    Je participerai avec émotion à cette manifestation dans la commune de Pertuis qui m’a accueillit depuis 10 ans.

    Les 20 ans de la chute du mur de Berlin viennent d’être commémorés; Mais d’autres murs aussi terribles en ce 21e siècle sont toujours érigés et on en parle peu!

    Enfin, au travers du commentaire qui précède, je constate encore et toujours un mur d’incompréhension; C’est dommage.

    Amicalement,

    Gilbert de Pertuis en Luberon qui a passé 27 mois de sa jeunesse dans les Aurès, puis sur la Herse, et à qui il est encore refusé, à lui et à ses compagnons, de commémorer le 19 mars 1962…

  6. Pierre HUGUET

    Si par malheur ils survivaient
    C’était pour partir à la guerre
    C’était pour finir à la guerre
    Aux ordres de quelque sabreur
    Qui exigeait du bout des lèvres
    Qu’ils aillent ouvrir au champ d’horreur
    Leurs vingt ans qui n’avaient pu naître
    Et ils mouraient à pleine peur
    Tout miséreux oui notre bon Maître
    Couverts de prèles oui notre Monsieur
    Demandez-vous belle jeunesse
    Le temps de l’ombre d’un souvenir
    Le temps de souffle d’un soupir

    Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

    (Brel « Jaurès »)

  7. vinz

    Le premier débat sur l’identité nationale a eu lieu hier soir à Créon!!!
    Le centre culturel acueillait en effet Magyd Cherfi et « Origines Contrôlées » avec Mouss et Hakim, tous trois ex-chanteurs du groupe ZEBDA.
    En dehors du retour en force avec une énergie sur scène toujours aussi débordante, ce groupe est un symbole de l’identité nationale. Le projet « Origines Contrôlées » vise d’ailleurs à reprendre des chansons d’immigrés maghrébins des années 50/60. Toutes ces chansons font également partie du patrimoine national, d’une culture commune. L’identité n’a rien de figée. Elle est en constante évolution, elle change avec l’histoire et les hommes qui la composent.
    C’est sûr qu’avec le développement des charters, la richesse de notre identité va quelque peu perdre de sa diversité qui a toujours fait sa force…

  8. J.J.

    Celle là, de l’ami Georges, elle n’est p

    La guerre de 14-18
    01Depuis que l’homme écrit l’Histoire,
    02Depuis qu’il bataille à coeur joie
    03Entre mille et un’ guerr’s notoires,
    04Si j’étais t’nu de faire un choix,
    05À l’encontre du vieil Homère,
    06Je déclarerais tout de suite :
    07″Moi, mon colon, cell’ que j’ préfère,
    08C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit ! »

    09Est-ce à dire que je méprise
    10Les nobles guerres de jadis,
    11Que je m’ soucie comm’ d’un’ cerise
    12De celle de soixante-dix ?
    13Au contraire, je la révère
    14Et lui donne un satisfecit
    15Mais, mon colon, cell’ que j’ préfère,
    16C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit !

    17Je sais que les guerriers de Sparte
    18Plantaient pas leurs épées dans l’eau,
    19Que les grognards de Bonaparte
    20Tiraient pas leur poudre aux moineaux…
    21Leurs faits d’armes sont légendaires,
    22Au garde-à-vous, j’ les félicite,
    23Mais, mon colon, celle que j’ préfère,
    24C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit !

    25Bien sûr, celle de l’an quarante
    26Ne m’a pas tout à fait déçu,
    27Elle fut longue et massacrante
    28Et je ne crache pas dessus,
    29Mais à mon sens, ell’ ne vaut guère,
    30Guèr’ plus qu’un premier accessit,
    31Moi, mon colon, celle que j’ préfère,
    32C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit !

    33Mon but n’est pas de chercher noise
    34Aux guérillas, non, fichtre ! non,
    35Guerres saintes, guerres sournoises,
    36Qui n’osent pas dire leur nom,
    37Chacune a quelque chos’ pour plaire,
    38Chacune a son petit mérite,
    39Mais, mon colon, celle que j’ préfère,
    40C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit !

    41Du fond de son sac à malices,
    42Mars va sans doute, à l’occasion,
    43En sortir une – un vrai délice ! –
    44Qui me fera grosse impression…
    45En attendant je persévère
    46À dir’ que ma guerr’ favorite,
    47Cell’, mon colon, que j’ voudrais faire,
    48C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit !
    Georges Brassens

  9. J.J.

    Le coup est parti trop tôt…

    Je complète platement : celle là, de l’ami Georges, elle n’est pas mal non plus.

    On pourrait dans le même style, ajouter « Le Général à Vendre que chantaient très irrespectueusement les Frères Jacques.

  10. E.M.

    Jean-Marie,

    Ton discours est excellent. En rattachant à l’actualité cette période de notre histoire, tu permets au plus grand nombre (et surtout aux plus jeunes) de mieux comprendre pourquoi il est important de continuer à célébrer l’armistice de la première guerre mondiale. Alain devrait relire ton discours pour essayer de (mieux) le comprendre. A la vue de son niveau d’écriture, cela ne devrait pas lui poser de problème…

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