Deux jours à Paris, au coeur de la problématique des déchets, permettent à toute personne qui aurait tendance à rêver de revenir durement sur terre. Passant d’un week-end légèrement prolongé, dans une Autriche verte et propre comme un euro neuf, à la problématique française, relève du plongeon dans l’eau froide de la réalité. J’ai ainsi fait mes débuts officiels, comme représentant des Maires de France (nous sommes 4 élus dont 2 socialistes et 2 Ump solidaires dans la tourmente), dans cette commission consultative nationale des emballages. Bien évidemment, cette représentation est beaucoup moins glorieuse que celle qui aurait trait à la culture, au sport ou aux finances, mais j’ai pu en une seule séance mesurer la lourdeur de la responsabilité qui est celle des représentants des collectivités locales. Attaqués de toutes parts, affaiblis, les syndicats et les communes, les intercommunalités, doivent pourtant tenir bon pour éviter une dépression terrible sur les recettes de leurs budgets.
En effet, d’entrée, nous avons eu droit à un « sermon » spécifique de Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat chargée de l’écologie. Elle est venue doper un peu les négociations multiples, complexes et surtout très tendues, autour des différentes facettes des rapports entre les « producteurs » et les « distributeurs » d’emballages sous toutes leurs formes (verre, carton, journaux, magazines, matière plastique…) et les collecteurs de ces déchets d’une consommation inconsidérée. Elle a été claire : les objectifs du Grenelle en matière de tri sélectif (75 % des produits-63% actuellement- sur 80 % du territoire!) n’attendront pas 2012 pour être mis en œuvre.
Comme je l’ai maintes fois écrit sur ce blog, le Grenelle, qui aura dressé un catalogue de belles intentions, non financées par l’Etat, n’entrera dans la réalité que de deux manières simples : par un financement inexorable par les collectivités territoriales, et surtout par une transformation en profondeur du comportement social !
Elle a délivré une feuille de route à cette commission composée d’une bonne soixantaine de personnes, dont un bon tiers de techniciens, de représentants de structures spécialisées, et surtout du directeur d’Eco-emballages, le… récupérateur des fonds auprès des fabricants et du dispensateur des aides auprès des « récoltants » via le tri sélectif. Un face à face disproportionné, avec d’un coté des élus qui se font secouer comme des pruniers par des consommateurs contribuables, hurlant sur le coût de leur « facture », mais qui doivent absolument remplir des objectifs quantitatifs et qualitatifs en matière de traitement des déchets, et de l’autre le milieu économique, qui veut payer le moins possible. Tout est bon pour eux, avec un manque de transparence flagrant dans les statistiques, des contrats extrêmement compliqués pour préserver leur contribution, une complexification outrancière des procédures, un manque absolu d’information des consommateurs piégés… Il faut être sans arrêt sur ses gardes pour ne pas se laisser emberlificoter dans des procédures relevant du poker menteur ! Eco-emballages joue en permanence sur une seule corde : la crise menacerait les entreprises (Danone, Nestlé et consorts) et donc les empêcherait de payer le recyclage au tarif qui devrait être le sien.
La double peine est donc la règle, avec un consommateur qui paye, sur l’achat des produits, les emballages qu’on lui impose, et un contribuable (le même) auquel on facture la collecte et le recyclage de ces mêmes emballages. Entre les deux : le profit procuré par cette méthode, qui ne relève absolument pas du principe fondamental voulant que le producteur soit le payeur !
Premier éco-organisme français, Eco-Emballages fédère en effet les principaux intervenants dans le cycle de vie des emballages ménagers (entreprises de produits de consommation, distributeurs, consommateurs, collectivités territoriales, opérateurs, filières de recyclage, fabricants d’emballages), suivant le principe de responsabilité élargie du producteur. Le principe de ce modèle devrait être le suivant : un partenariat souple entre les entreprises et les pouvoirs publics nationaux et locaux, la responsabilisation de tous les acteurs concernés, et le partage des coûts, illustrant ainsi les principes de management et de gouvernance répondant aux préoccupations de développement durable. En fait, on en arrive au constat que l’essentiel du dialogue autour de cette vaste table, ressemble à celui qui existe autour d’une table de poker, car il faut se méfier de tout, absolument de tout, et de tout le monde. Le pot est de 400 millions d’euros (50 millions pour les embouteilleurs d’eau minérale) que les uns essaient de récupérer pour éviter de taxer leurs mandants, tandis que les autres essaient de ne pas dépenser ce qu’ils collectent.
Et pendant ce temps, Chantal Jouanno a presque avoué mardi matin que le Président de la République ferait toute sa campagne de 2012 sur la réussite exceptionnelle du Grenelle... il faut donc des résultats. Peu importe qui va payer ! L’Etat regarde et attend le résultat (fin 2010) de cette négociation qui se résume de la manière suivante : comment va-t-on d’une manière ou d’une autre faire payer au « consommateur contribuable peu citoyen » les profits de ces pauvres multinationales victimes de la crise ? Suite de cette étonnante « partie » le 15 décembre, et l’apprentissage est on ne peut plus formateur.
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Pauvre Jean Marie ! Passer ainsi, sans transition, de la verte Autriche et des souvenirs de rêve de la belle Sissi, aux dures réalités du traitement des emballages, face à des industriels requins d’une part et à des sbires du pouvoir sarkoziste d’autre part….qui vous disent on ne peut plus clairement qu’il va falloir réussir à s’entendre, car le Président entend bâtir sa campagne électorale sur le succès du Grenelle….ça ne peut être que dur à entendre pour un élu socialiste….
Merci de ce compte-rendu.
1) Agissons à la source : refusons d’acheter des produits trop emballés (transformation en profondeur du comportement social, évoquée par JMD).
2) Mettons en place la redevance incitative à la place de la taxe des ordures ménagères. La REOM ou toute autre forme de paiement du service déchets de façon proportionnelle à la poubelle résiduelle laissée par l’usager, c’est-à-dire la REOM incitative à trier et à réduire, fait partie des outils à mettre en place pour ceux qui ont la réelle volonté de
progresser de façon écologique dans le domaine des déchets ménagers et
assimilés.
La REOM s’avère une évidence partout où elle a été mise en place comme en
Haut Rhin (cdc de Manspach) ou en Belgique. Associée à des campagnes de
prévention, elle a abouti à une réduction globale des déchets ultimes, des transports, des stockages, de l’incinération. Parfois même à une
réduction en amont. Elle encourage le compost, incite au recyclage soigné, voire incite à la réflexion écologique associée à une saine pratique des comptes familiaux.
Par contre elle n’aide pas vraiment au développement des groupes financiers
qui profitent de l’exploitation des déchets.
Bon courage.
Dans les années 70, j’étais « écolo », à une époque où ça n’impliquait pas encore un engagement politique.
Et ça faisait rigoler tout le monde quand on parlait de réduire les consommations de carburant, réduire les déchets de toute sorte, etc…on passait pour des martiens.
On s’est assez moqué de Dumont et de son vélo, candidat à la présidentielle !
J’ai voté pour lui au premier, tour sans me formaliser des sarcasmes.
Dans la commune où je travaillais, la municipalité avait à résoudre un problème de décharge.
Mes élèves avaient fait une enquête auprès de la population du village sur ce sujet, qui les avait intérêssé (les enfants ont parfois un bon sens plus affuté que les adultes).
Nous l’avions soumise au maire qui l’avait considérée poliment mais avec un petit sourire qui en disait long…et l’on avait tiré à peu près les mêmes conclusions que maintenant.
Il n’est jamais bon d’avoir raison avant les autres….
J’aime beaucoup la dernière phrase du commentaire de J.J:
Il n’est jamais bon d’avoir raison avant les autres…