Il faut parfois céder aux modes, se glisser dans des moules « vert » pour faire bien et être dans la tonalité ambiante. Le problème, c’est qu’au nom de l’intérêt de la planète, on avale n’importe quoi et on oublie que l’essentiel reste… la politique ! Quelle que soit son opinion partisane, on peut être écologiste, et il n’est pas besoin de se ranger derrière des bannières circonstancielles pour le démontrer. Le Vert est à aduler ou à combattre ! Pour ma part, je suis pastèque inversée, c’est à dire rose dessus et vert dedans, avec tout de même l’impression que les supercheries sont légions.
J’ai toujours été extrêmement circonspect vis à vis des « Grenelle », qui n’auront été finalement que des confrontations de lobbies, représentés les uns pas des associations, des confédérations, les autres par des personnalités ou des groupements d’intérêt. Ils ont bataillé, avec à l’esprit le souci de perdre le moins possible de leur influence pour les uns, et celui, pour les autres, de chercher un consensus plus ou moins mou, qui permette au Président et à ses vassaux de clamer qu’ils ont sauvé la planète, alors qu’ils n’ont fait que mettre quelques emplâtres sur des jambes de bois, réputées écologiques! On le verra à l’usage car, si les collectivités territoriales sont plongées dans le doute, et sont contraintes de réduire leurs efforts d’investissements (un collège Haute qualité environnementale comme celui dont la construction a débuté à Floirac peut nécessiter un budget de 25 à 30 % supérieur à un établissement ordinaire), on va vers des mesures sans application de terrain. Il faut aussi comprendre que, si les élus locaux, démobilisés, tirent l’échelle prématurément avant 2014, on assistera au plus grand flop de ces dernières années.
Le Président ira sûrement tirer les marrons du feu médiatique à Copenhague, et on ne reparlera que de la…. vingt-septième taxe de son mandat, la plus noire : la taxe carbone ! C’est, de toutes, la plus injuste, la plus inutile de ses créations, car elle n’aura aucun effet réel sur autre chose que sur le pouvoir d’achat des moins sensibles à l’environnement, car incapables d’accéder aux procédés et aux produits écologiques. La preuve ? Dans la réforme qui conduit à la suppression de la taxe professionnelle, toute la stratégie de compensation repose sur le développement de l’automobile et de la consommation d’énergies fossiles : taxe intérieure sur les produits pétroliers, taxe sur les cartes grises, taxe sur les assurances, taxe sur les locomotives, taxe sur les wagons, taxe sur le téléphone, taxe sur les pylônes électriques… ! Qui dit mieux? Le principe est simple. Il faudra faire rouler toujours plus d’automobiles, consommer toujours plus d’essence, et surtout de gazole, pour aider les futurs conseillers territoriaux à se payer une belle indemnité de fonction ! En plus, la restitution sera plus élevée. Comme les lobbies sont plus efficaces que les partis politiques, l’assemblée UMP s’est couverte de gloire sur la taxe carbone, en cédant au MEDEF, omniprésent dans les couloirs du Palais Bourbon.
Selon Médiapart, le chiffre est passé inaperçu, mais la ristourne est de taille : en dispensant de taxe carbone les entreprises qui sont soumises au marché européen des quotas de CO2, le gouvernement leur fait économiser deux milliards d’euros par an. Soit presque la moitié de ce que le nouvel impôt doit rapporter à l’État. A 17 euros la tonne de carbone, montant fixé en septembre par Nicolas Sarkozy, les recettes de la taxe en 2010 sont en effet estimées à 4, 8 milliards d’euros. La taxe doit ensuite augmenter, jusqu’à atteindre 100 euros en 2030.
Depuis 2005, les émissions de CO2 des industries européennes les plus polluantes sont limitées : elles ne peuvent dépasser le quota qui leur a été attribué par le plan national d’affectation des quotas de CO2 (PNAQ), sous peine de devoir acheter les tonnes de CO2 supplémentaires par le biais du système d’échange communautaire ETS (« Emission trading system »), sorte de bourse du carbone. En 2007, le montant total de leurs émissions a atteint environ 127 millions de tonnes de CO2...
Or, ces industries ont déjà bénéficié d’un traitement de faveur en 2005 : les quotas d’émission qui leur ont été alloués sont en effet gratuits jusqu’en 2013. Les volumes d’émissions ayant été attribués de manière très large, la plupart d’entre elles n’ont pas eu à acheter de droits de rejets de CO2. En clair, leurs émissions ne leur ont, en général, pas coûté d’argent. C’est l’une des faiblesses de ce marché qui subit des krachs réguliers. Le dernier en date, en avril 2009, a fait tomber la tonne de CO2 à 5 euros ! Elle est aujourd’hui remontée aux environs de 15 euros la tonne.
Le cadeau fait aux entreprises est donc réel : pour la période allant de 2010 à 2013, il s’élève à environ 6 milliards d’euros. Quelles sont les entreprises concernées par le marché européen, et donc par la ristourne de deux milliards d’euros? Les fleurons de l’industrie, et des poids lourds des services: Arcelor-Mittal, GDF- Suez, EDF, Total, Véolia environnement, Saint-Gobain, Dalkia, Lafarge… pour les plus gros émetteurs. Environ 600 entreprises hexagonales, dans les secteurs les plus émetteurs de dioxyde de carbone : production d’énergie, transformation de métaux ferreux, industries minérales, verre, ciment et pâte à papier. Médiapart n’y va pas par quatre chemins qui sentent bon la noisette…
Au point que, lors du vote du projet de loi des finances, le week-end dernier, c’est un élu UMP qui a publiquement protesté. Député UMP des Côtes-d’Armor, Marc Le Fur a eu beau brandir dans l’hémicycle la liste des entreprises exemptées de taxe carbone, alors qu’elles profiteront de la suppression de la taxe professionnelle, et dénoncer une situation où « les plus gros sont épargnés et les plus petits paient », le gouvernement et le rapporteur de la commission sont restés de marbre… écologique, bien entendu ! Et dire que nous donnons des leçons à Obama, après avoir été le plus grand ami de pique-nique de Bush. Au fait, Marc Le Fur, de quel lobby est-il?
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