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Les vélos jaunes de La Rochelle !
Les vélos jaunes de La Rochelle !

Voici le discours que j’ai prononcé en ouverture du 18° Congrès des villes et territoires cyclables à La Rochelle :

« Le Club se réjouit de tenir ce congrès dans une ville cyclable « mythique » qui a inscrit son nom, il y a déjà plus de 3 décennies, dans le développement durable. Notamment pour y fêter son vingtième anniversaire, car selon le vieux refrain voulant que l’on n’ait pas tous  les jours 20 ans, on doit choisir le lieu où on les fête. Avouez mesdames, messieurs, chères et chers collègues, que pour  mon premier congrès de président, me retrouver, pour fêter ses 20 ans, dans une aussi jolie cité que celle de La Rochelle, relève déjà du privilège historique.

Je veux justement vous parler d’une époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Celle des vélos jaunes de La Rochelle et de son maire visionnaire, Michel Crépeau, en 1976.  29 ans avant Vélo’V à Lyon ! 31 ans avant Vélib’…La Rochelle avait senti le vent de l’alternance vélo. Ayant réduit de manière drastique l’urbanisation du littoral, ayant créé la première rue piétonnière de France, ayant inventé le premier centre de recyclage des déchets, Michel Crépeau avait eu l’audace de penser que le vélo pouvait être un mode de déplacement urbain à part entière.

Avec Hubert Dubedout et ses éco-quartiers à Grenoble, Michel Crépeau avait de l’avance sur le peloton. La Rochelle a toujours su la conserver, ce qui, en termes de durabilité de l’effort, Monsieur le député Maire, est un gage de qualité.

Nous sommes également heureux de nous retrouver, nous, les acteurs du vélo, dans cette belle cité tournée vers le grand large, pour plusieurs raisons. La première, c’est que La Rochelle reste la ville des mobilités innovantes et durables. Outre le vélo en libre service dès 1976, La Rochelle a proposé le premier système global multimodal, il y a 20 ans. Il ne compte pas moins de 11 modes de déplacement différents, réunis aujourd’hui dans une même offre baptisée « Yélo ! »

Ici plus qu’ailleurs, le vélo est l’un des ingrédients d’un cocktail transport bien équilibré. C’est tout le sens que nous souhaitons donner au développement du vélo au Club des villes et territoires cyclables : il est une chance, pas une punition, C’est un avantage, pas un inconvénient. C’est un atout, pas un handicap. Il se combine à d’autres modes de déplacements, notamment les transports collectifs. Il est l’ami de la ville.

Ce congrès est le premier grand rendez-vous du club après les Municipales de mars 2008. Nos collectivités locales ont pris une option symbolique : celle de la vie et de la ville sans voiture. J’ai envie de dire, déjà de « l’après-voiture ». Comment ne pas penser, en effet, à la première « journée en ville sans voiture » en 1997 à La Rochelle ? Largement médiatisée, puis imitée dans d’autres villes. Comment ne pas se souvenir de ces témoignages de Rochelais et de visiteurs, saisis par… le silence,  sur le France 2 de l’époque (Antenne 2 pour les moins de 20 ans) ? Le silence, dans une ville sans automobile : une innovation beaucoup plus révolutionnaire que bien d’autres, qui ont fait plus de bruit !

C’était déjà une fenêtre sur une société et une économie post pétrolière… Il y a 12 ans ! Toutes ces initiatives, toutes ces actions, toutes ces réalisations  s’inscrivaient dans une logique chère à Michel Crépeau et aux visionnaires de la fin du siècle dernier : redonner son rôle à la citoyenneté !

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, chères et chers collègues,  nous avons délibérément choisi de hisser les valeurs cardinales de liberté, égalité et fraternité au fronton de ce congrès. Le vélo n’est-il pas tout cela à la fois : une autre façon de vivre librement, égalitairement, …mais pas encore tout à fait fraternellement, la ville ? Le vélo ne constitue-t-il pas une participation concrète de l’individu à la production de sa mobilité ? Le vélo n’est-il pas la conjugaison astucieuse de l’intérêt individuel et de l’intérêt collectif ? Pour nous, le vélo est l’outil de l’excellence citoyenne, et celui des excellents citoyens !

Il ne saurait y avoir d’appropriation réelle d’un outil sans une éducation, utilisant la pédagogie du vélo et, grâce à lui, la pédagogie de la mobilité, l’apprentissage du vivre ensemble, qui est au cœur de nos choix de société et de notre capacité à opérer des mutations importantes.

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, si nous ne sommes pas capables d’effectuer ce basculement du statut de consommateur de déplacements à celui d’acteur citoyen de nos déplacements, nous pédalons vers notre perte.

Il y a de plus en plus de films, de discours, de colloques, de débats, qui mobilisent des énergies incalculables, pendant que la maison brûle, selon une formule devenue célèbre de Jacques Chirac, du temps où notre premier vice-président Serge Lepeltier était Ministre de l’Ecologie. Or, des solutions simples sont à notre portée. Le vélo en est une : disponible, économe, pratique, efficace, peu coûteuse ! Enseignons-le, avec toutes les valeurs qu’il transporte sur son porte-bagage… !

Vous êtes venus nombreux pour débattre, croiser des expériences, découvrir la politique cyclable durable de La Rochelle… Mais comment ne pas regretter l’absence d’un représentant du Gouvernement à notre congrès, au regard de cet enjeu de société et de l’urgence de mettre en œuvre un plan climat doté d’outils efficaces, dont le vélo devrait faire assurément partie ?

Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat aux transports, nous avait pourtant confirmé sa présence à deux reprises, avant d’être, tout récemment, contraint à un déplacement dans les DOM-TOM. Nous nous sommes alors tournés vers le ministre d’Etat en charge du développement durable. Sans succès.

Pourtant, la présence d’un représentant du Gouvernement aurait été le signal fort que les collectivités territoriales sont accompagnées dans leurs efforts, de plus en plus tendus, en raison des arbitrages rendus nécessaires par la diminution de leurs ressources.

Nous aurions aimé que l’Etat comprenne, enfin, que la « Relance par l’investissement » ne concerne pas que la voiture et les grandes infrastructures routières.

Nous aurions apprécié que le développement durable ne repose pas que sur des mots, des films à grands budgets, mais aussi sur des réalisations concrètes qui changent le quotidien des gens, qui les incitent à adopter des habitudes moins coûteuses pour chacun et pour la collectivité.

Merci à la Ville de La Rochelle et à la Communauté d’agglomération …..pour nous avoir rappelé que l’avenir se construit sur les échecs, mais aussi sur les réussites du passé, sur l’audace des pionniers, sur une volonté politique qui sait dépasser les jérémiades conservatrices inévitables, ou les silences complices.

Dans Sud-Ouest

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Cet article a 3 commentaires

  1. Suzette GREL

    Quel bel article Jean-Marie! Ton talent et ta sincérité rendent « intelligents » ceux qui te côtoient et font des jalousies chez ceux qui se disent chefs avant de le devenir.
    merci

  2. Annie PIETRI

    Quel discours remarquable….Je me suis régalée, et tu as certainement séduit tous ceux qui t’écoutaient, comme tu le fais chaque fois que tu prends la parole en public. Suzette a raison, rares sont ceux qui ont ta clairvoyance et ta puissance de conviction ! Et, comme elle, je pense que certains « petits » chefs voudraient bien t’arriver au moins à la cheville. Malheureusement pour eux, ils n’y arriveront pas, faute de talent….et de sens politique.

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