Les hebdos nationaux cherchent, plusieurs semaines à l’avance, le sujet qui va les distinguer des autres. Alors, pour parvenir à développer une communication tapageuse (comme si les éditorialistes ou responsables de rédaction ne suffisaient pas sur les plateaux de télé) ils ont inventé les « palmarès » (hôpitaux, lycées, villes, régions…). Ils classent, et décernent des malus ou des bonus à partir de statistiques, consommées sans aucune modération, et surtout sans aucun contre-poids explicatifs dignes de ce nom. Il faut vendre du papier glacé avec du « marronnier » en fleurs. On appelle en effet un « marronnier », dans le milieu de la presse, le sujet qui revient à point nommé, tous les ans, pour coller au quotidien des éventuels lectrices et lecteurs. Et, en l’occurrence, début octobre c’est le même sujet qui revient : « les impôts locaux sont trop lourds! » Pour étayer leur thèse, les faiseurs d’opinion dominante, s’indignent de hausses considérables en… pourcentages, bien entendu, car on sait que c’est ce qui permet tous les abus d’interprétation les plus faciles. Cette année, c’est un déchainement sans précédent, car il faut bien, d’une manière ou d’une autre, davantage tordre le cou à la gestion locale, réputée dispendieuse, outrancièrement mal conduite, et pire… inutile ! Ce n’est pourtant que de la pure démagogie et du poujadisme de bas niveau mais, que voulez-vous, ça fait vendre et ça alimente des croyances qui, comme toutes les croyances, ne reposent sur aucune analyse, mais seulement sur des apparences. Indemnités trop fortes et trop nombreuses, trop d’emplois inutiles, dépenses de fonctionnement incontrôlées… La longue liste des reproches amuse le lectorat !
Bien évidemment, on ne dit pas qu’ un pourcentage fabuleux sur… des bases faibles est mis en rapport avec un maigre pourcentage sur… des potentiels très hauts. Les hausses s’étalent donc dans les pages glacées, avant d’arriver dans d’autres, moins luxueuses, qui ressemblent à des ramassis de certitudes erronées. Pas question de mettre en lumière le potentiel fiscal, qui est la base de tout jugement à porter sur le niveau de l’imposition. Pas question de lier impôts et services rendus. Impôts et investissements durables. Impôts et logement social. L’apparente complexité des analyses n’intéresse personne puisqu’elle demande un effort de compréhension. La facilité des vérités toutes faites connait, par contre, une vogue grandissante.
Les élus locaux, ballotés entre les demandes croissantes de services, d’équipements, de solutions palliatives aux carences d’un État ruiné par ses généreuses extravagances fiscales, vivent très mal ce mois d’octobre, car aucun d’entre eux n’a volontairement, méchamment ou imbécilement augmenté le prélèvement légal sur les entreprises ou les ménages pour faire entretenir la vie collective.
Quels que soient ses arguments, ses motivations, ses explications, il est cloué au pilori par une opinion publique qui a été persuadée que le toujours plus et le toujours mieux allaient de pair avec le toujours moins en termes de solidarité collective.
Je rentre d’une réunion parisienne extrêmement tendue des élus ayant un oeil plus ou moins suivi sur les finances des départements . La suppression de la taxe professionnelle, annoncée à brûle pourpoint par un Président de la république qui n’a eu à gérer dans sa vie publique que… Neuilly et les Hauts de Seine, collectivités les plus riches de France, a laminé les espoirs de l’assistance d’échapper à une situation aussi catastrophique que celle de l’Etat, pour les collectivités territoriales, à échéance 2011 ! Toutes tendances politiques confondues, les conseillers généraux présents ont souligné que cette décision, présentée comme un bienfait pour l’économie, allait, en définitive, tuer la croissance en 2010 et aggraver la ruine du pays. Mais comme, en apparence, tout ce qui tue l’impôt républicain, au nom d’une idéologie dépassée, bénéficie de l’assentiment majoritaire, on continue à gouverner en trompe l’œil.
Si les citoyens n’avaient pas mis sous l’éteignoir leur lucidité, ils comprendraient que chacun des euros qu’ils versent à la collectivité revient , directement ou indirectement, dans l’économie… Les impôts locaux ne partent pas encore aux Iles Caïman ou au Luxembourg, mais sont bel et bien dépensés sur place ou, au pire, en France !
Que les entreprises, les commerçants, les services, règlent une contribution (certes complexe et déphasée dans son calcul) n’a rien d’anormal, puisqu’ ils retrouvent dans leur tiroir caisse ou sur leur compte en banque les sommes versées ! Les collectivités territoriales pèsent 73 % des investissements en France et font vivre des milliers, des centaines de milliers d’emplois !
Les entreprises de BTP vont être ravies de ne plus payer de Taxe Professionnelle (grand bien leur fasse) et elles vont exulter (attention, hier dans Le Monde, le MEDEF vient, a contrario, de se rendre compte que les nouveaux dispositifs de compensation prévus allaient tuer l’emploi !) avant de s’apercevoir que, les Conseils généraux n’ayant plus de ressources (baisse des contributions de l’Etat, non compensation des transferts, suppression de la TP), ne voteront plus leurs budgets fin 2009 mais en mars 2010. Ils sont dans l’incapacité de prévoir quoi que ce soit dans le contexte actuel de désastre généralisé !
Plus de chantiers de collèges, de routes, de travaux d’environnement, d’adduction d’eau, pas de subventions aux communes avant l’été 2010, à cause d’une lubie présidentielle idéologique. Résultat : la sortie de crise va être stoppée et va en prendre un coup. Le chômage va repartir en flèche de janvier à juin 2010, les dépenses sociales vont exploser pour les Conseils généraux, et leurs marges pour investir vont s’amenuiser. On enclenche un processus catastrophe pour 2011 ! Alors on cherche, on gratte, on fouille, on invente, à Bercy, avant le débat au Parlement de la loi des finances 2010, des théories fumeuses sur des sommes incertaines, dont on ne sait même pas comment on les trouvera, et on prend le pouvoir sur les collectivités par « l’affamement » budgétaire ! On ajoute des bouts de recettes pour boucher l’immense trou qu’a provoqué le Président de la République par une annonce inconsidérée ! Mais médiatiquement, la TP aura été supprimée. Le MEDEF a gagné par KO face aux élus.
En réalité, avec moins de TVA encaissée par l’Etat, une compensation éphémère fournie par un emprunt d’Etat, une terrible montée de l’insécurité sociale et des faillites prévisibles, on va accentuer la crise dès 2010… C’est absurde, idiot, débile, mais ça marche, puisque la feuille d’impôts est devenue le repoussoir de la démocratie ! En fait, la suppression de la TP est une bombe à retardement qui ne créera pas un seul emploi, mais qui, en revanche, en mettra des milliers en péril!
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