Aller à la rencontre des citoyennes et des citoyens pour tenter de changer la donne médiatique relève désormais du combat militant. Toute forme alternative d’information au déferlement télévisuel approximatif devient à cet égard fondamentale dans un contexte où les effets d’annonce quotidiens viennent effacer les analyses sérieuses. Dans de multiples cas toutes les personnes lucides savent que modifier une impression acquise par de grandes déclarations présentées comme toujours positives, relève de la pédagogie active.
Effacer ce qui relèverait de la « modernité frénétiquement agissante » constitue un acte prioritaire pour des élus locaux coincés entre la réalité quotidienne et l’idéologie globale partisane. Il semble que cette action « citoyenne » souvent pratiquée par Internet constitue la nouveauté des dernières années mais le contact direct reste irremplaçable car il évite cet anonymat toujours angoissant. En créant «Gironde Citoyenne » j’ai souhaité mettre en place une structure support souple pouvant contribuer aux efforts nécessaires pour favoriser la réflexion collective et plus encore l’esprit critique.
Les élus, de quelque niveau qu’ils soient ne peuvent plus ignorer qu’autour d’eux des femmes et des hommes, jeunes ou moins jeunes, peuvent participer à une nouvelle forme de démocratie non institutionnalisée, spontanée et supposant un engagement individuel fort. Le seul problème c’est que nous avons renoncé depuis longtemps à « mériter » l’information car la tendance est beaucoup plus à subir celle que d’autres infligent ou pire à entrer non pas en résistance mais en indifférence ! Cette semaine j’ai participé avec plaisir à trois rendez-vous de ce type.
Le premier était à Loudéac au cœur de la région Bretagne où élus, acteurs économiques, techniciens, associations devaient débattre du développement économique et social des pratiques du vélo sur une région dynamique, solidaire et consciente des enjeux. En tant que Président national du Club des Villes et Territoires Cyclables il m’appartenait de présenter les constats en matière d’impact économique de ce vélo que bien des décideurs considèrent encore comme une survivance pour babas-cool d’une autre époque. Or plus de 3,5 millions de bicyclettes vendues en un an en France et probablement beaucoup plus de vélos par habitant que d’automobiles dans le contexte de crise sur les déplacements révèlent une profonde mutation sociale surtout urbaine.
Demain le tourisme de proximité va retrouver son importance (-20 % sur le nombre de voyageurs au départ de Bordeaux pour les destinations internationales !) ce qui place l’itinérance cycliste en position d’avenir. Les élus régionaux bretons étaient en première ligne face à 250 personnes de leur territoire intéressées et ils ont joué, avec les « experts » présents, la carte de ce dialogue direct transparent. Un véritable moment de démocratie participative très différent du jugement péremptoire d’un jury populaire ! Mais la Bretagne a globalement un état d’esprit extrêmement constructif face aux difficultés conjoncturelles et ça se sent !
Le lendemain passage par Paris où, à la Cité des Sciences, se tenait une journée autour du thème de « l’innovation dans le domaine du vélo ». Encore plus d’une centaine de personnes rassemblées pour réfléchir à l’avenir de cet outil de déplacement, des services et des infrastructures qui lui seront indispensables en 2020. Entrepreneurs (Conseil National des Professionnels du Vélo), Etat (Déléguée interministérielle à la sécurité routière, « Monsieur Vélo » du Ministère de l’écologie et du développement durable) et collectivités territoriales côtoyaient les designers, les ingénieurs, les aménageurs, les universitaires, les sociologues et les gens du terrain dans des ateliers interactifs qui témoignaient de cette nouvelle donne : on ne peut plus décider de l’avenir des gens sans les associer sincèrement à la construction !
La journée à conquis tout le monde et au risque de lasser j’ai repris en conclusion le leitmotiv de ce qui, selon moi doit fonder l’action des élus : « Il est devenu indispensable qu’en France à tous les échelons de la vie sociale, tous les efforts convergent vers un même objectif : celui de renverser l’inexorable basculement des citoyens vers le statut stérilisateur et passif de consommateurs ! »
Il est vrai que le troisième rendez-vous de la semaine aura été rassurant dans ce domaine car pour évoquer en présence de Martine Faure, Députée de la Gironde et Françoise Cartron, Sénatrice de la Gironde il y avait, dans la salle citoyenne de l’Hôtel de ville de Créon, plus de 120 personnes de tous les horizons dont une bonne vingtaine d’élus locaux. Au menu « l’avenir du système public d’éducation » malmené par une série de réformes orientées vers son démantèlement et des objectifs purement financiers dissimulés par des déclarations ostentatoires de principes.
Dans une période où les médias colportent avec acharnement le concept de l’inutilité des élus de tous niveaux, « trop payés », « inactifs », peu « combatifs » (surtout celles et ceux qui représentent la Gauche) cette rencontre (qui aura été une première en Gironde puisque jamais députée et sénatrice avaient encore accepté de rendre compte en commun, sur un territoire, de leurs actions parlementaires dans un domaine qui leur tient à cœur) a été extrêmement réconfortante. Chaque participant a pu s’exprimer et donc s’informer ou informer dans une interactivité rafraîchissante.
J’espère la démultiplication de ce type d’initiatives qui constituent des actes de résistance à des mesures de transferts vers les communes, les départements, les familles des charges éducatives assurées constitutionnellement par l’État. Le dialogue a été franc, concret, argumenté permettant, peut-être que quelques personnes partent avec au minimum un doute sur le bien-fondé de réformes purement idéologiques dont la seul utilité consiste à démontrer un mépris politique pour les enseignants et surtout à privatiser le maximum de secteurs de l’enseignement.
Cette semaine m’aura donc amplement démontré que l’on ne dialogue encore jamais assez, qu’il faut absolument dans le contexte actuel offrir aux autres des plages d’information sans se soucier de l’affluence ou des critiques, que les cadres habituels sont trop formels pour perdurer, qu’aucun élu ne doit avoir peur des citoyens car le débat direct reste le ferment de la démocratie, qu’être militant(e) actuellement ce n’est pas s’affronter dans un parti mais c’est se mettre au service, à l’extérieur, d’un système de contre information positive.
Élu conseiller général depuis un an à quelques heures près je repartirai sur le terrain dans quelques jours pour proposer aux habitantes et aux habitants du canton 5 réunions publiques de compte-rendu de mandat. Là encore je n’espère pas la foule car je sais bien qu’il est plus aisé d’ignorer que d’apprendre !
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