LE POUVOIR QUI FAIT TANT DEFAUT

Il ne faut pas être un stratège du Ministère des Finances ou un économiste distingué pour constater que dans quelques semaines la France touchera le fond en matière économique.

Il suffisait d’effectuer en cette soirée de dimanche le tour des stands de produits labellisés de qualité sur  » Label Fête  » de Créon. Depuis que j’ai créé, il y a une quinzaine d’années, ce rendez-vous entre producteurs et consommateurs on n’avait jamais constaté une telle baisse du chiffre d’affaires.  » Ceux qui, parmi nos clients habituels, prenaient 12 bouteilles n’en ont pris que 6 et ceux qui en achetaient 6 ils n’en ont pris que 3 ! Et je ne parle pas des gens qui passent, regardent et savent qu’ils ne peuvent même plus se payer une vraie bouteille de vin de Bordeaux  » m’expliquait une viticultrice de Puisseguin Saint Emilion.

Le constat était identique sur tous les stands pourtant dédiés à la gastronomie de tous les genres :  » les gens n’ont plus d’argent pour ce qui est leur parait superflu ! « . En fait je pensais en l’écoutant à ce que j’avais entendu sur une radio en allant, comme à l’habitude, d’une réunion à une autre. Un femme s’exprimait sur ce qu’elle souhaitait dans son quartier pour améliorer son cadre de vie.  » Il nous faudrait un discount proposait cette mère de famille car nous pourrions accéder à des produits pas chers que nous n’avons pas !  » Elle ne parlait pas des grands enjeux planétaires mais plus concrètement du sentiment actuel qu’il faudrait aller de plus en plus à l’essentiel avec des moyens réduits. Dommage que le gouvernement n’ait que des indices de Bercy pour mesurer cette angoisse de la fin du mois paralysant tous les projets. Dimanche soir, le constat ne changeait guère d’un producteur à un autre : la qualité ne paie plus car les consommateurs deviennent esclaves de la faiblesse de leur pouvoir d’achat. Quels sont les acheteurs avertis, dans le contexte social actuel, d’un Armagnac hors d’âge soigneusement élaboré dans des fûts de chêne ? Quels sont les chalands qui peuvent s’offrir un fromage de brebis artisanal fabriqués par un berger sans terre du Pays basque ? Où se trouvent les acquéreurs de chapons fermiers élevés au pays ? Dans l’immédiat on songe d’abord à l’huile, au pain, aux yaourts, aux pâtes, au steak haché, au papier essuie-tout mais pas nécessairement à ces produits qui agrémentent le quotidien d’une touche de richesse que l’on n’a plus !

A quelques dizaines de mètres de là dans les locaux en construction de la maison des associations je suis attiré, en ce dimanche, par la lumière. J’entre et je découvre le poseur des revêtements du sol, accroupi travaillant avec méthode… un dimanche 11 novembre. Que fait-il là, un jour férié, sur un chantier réputé inaccessible au public ?  » J’essaie de gagner un peu plus et comme nous devons livrer le chantier demain soir, j’ai accepté de travailler un jour férié. Je n’arrive plus à faire face aux dépenses de ma famille. J’ai besoin de pognon… « . Il est très loin des préoccupations éthiques que je peux avoir et les blocs de foie gras en vente sur la Place de la Prévôté ne sont pas au centre de ses préoccupations. Je discute encore quelques minutes avec lui :  » Vous savez ce n’est pas que j’ai une envie particulière de bosser le dimanche plus ou moins déclaré mais je n’ai plus le choix… » Lui aussi aimerait peut-être avoir le temps et les moyens financiers de déambuler au cœur de cette fête des papilles et surtout, il serait d’accord pour permettre à ces autres travailleurs que sont les producteurs de s’en tirer.

La spirale du pourvoir d’achat défaillant semble pourtant inexorable. Elle ne sera pas interrompue par un gouvernement obsédé par un libéralisme destructeur, remède miracle devant relancer la croissance. Depuis hier, sur le terrain, j’en ai encore plus qu’avant la certitude !

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