LE PETROLE, LA TETE ET LES JAMBES

Bien des commentaires circonspects ou ironiques ont accompagné depuis une décennie la mise en place à Créon d’une politique municipale autour des différents usages du vélo. La construction du Point Relais Vélo sur le site abandonné de l’ancienne gare, l’aménagement de plus de 4 kilomètres de pistes en site propre pour les cyclistes afin de desservir tous les lieux les plus fréquentés de la cité, les opérations  » pédibus  » ou  » vélobus «  pour les enfants des écoles, la création d’une vaste zone 30 dans le secteur le plus fréquenté par les automobilistes, la participation de la mairie à toutes les opérations nationales liées au vélo…constituent un programme lancé au nom du développement durable. Ces investissements ont probablement paru, à certains, extrêmement superflus car leur justification n’était guère évidente dans une période (fin du XX° siècle) où rien ne laissait prévoir l’acuité de la situation future autour des ressources énergétiques.

Je n’ai cessé décrire et de dire que nous devons anticiper deux problèmes pour placer Créon dans la future décennie : les déplacements et les ressources en eau potable. La difficulté reste de persuader que ces sujets sont préoccupants quand tout va pour le mieux. Pour la proximité il faut pourtant absolument arrêter de se voiler la face : utiliser son automobile pour les actes courants de la vie constituera très prochainement un luxe que seuls des gens indifférents à leur compte en banque pourront se permettre. Conduire des gamins tous les matins à l’école en 4×4 alors qu’ils habitent à quelques centaines de mètres de l’établissement ne sera plus admissible. Habiter dans des villages sans service, au beau milieu des terres, loin de l’essentiel ne sera plus supportable. Aller chercher sa flûte de pain quotidienne en voiture augmentera tellement le prix global de l’achat qu’il vaudra mieux se la préparer à la maison. Accéder au sport, à la culture, aux loisirs en parcourant des dizaines de kilomètres nécessitera une motivation encore plus forte. Le mitage de l’espace par manque de structuration de villages viables et cohérents deviendra un fléau.

Quand hier j’ai lu dans une dépêche d’agence que Mme Lagarde, Ministre de l’Economie et des Finances, découvrait tout à coup que l’on allait être contraint de changer de mentalité je me suis pris à rêver…Bien plus qu’un Grenelle strictement théorique l’Etat devrait en effet décider immédiatement de mesures très simples, très concrètes, très symboliques : inclure le vélo dans les chèques déplacement, baisser la TVA sur les bicyclettes utilitaires, ne pas admettre d’aménagements routiers sans une place sécurisée faite aux cyclistes, au lieu de former les enfants au code de la route destiné à en faire des automobilistes leur délivrer un brevet cycliste au Cycle 3, orienter la Dotation Globale d’Equipement vers les aménagements cyclistes et les rendre éligibles prioritairement…

Christine Lagarde  » en appelle à l’intelligence «  des Français, à qui elle demande de changer leurs modes de comportements en utilisant, par exemple, leurs  » bicyclettes  » ou en diminuant leur vitesse sur la route. » Les Français doivent adopter des comportements et des modes de consommation différents à la fois pour préserver leur pouvoir d’achat et pour préparer l’avenir  » Quel bel hommage à ce qui a été réalisée et bâti à Créon depuis une décennie sans aucune aide de l’Etat… Mais comme M. Jourdain découvrait la prose qu’il utilisait sans le savoir, Mme Lagarde invente ce qui existe déjà mais qu’elle a ignoré à ce jour et qu’elle ignorera si le prix du pétrole revenait en arrière.

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