MAIRES DE TOUS LES VICES

Wed, 23 Nov 2005 08:25:00 +0000

Il ne faudrait jamais, pour un Maire stressé, aller chercher des informations au Congrès annuel qui les rassemble. Il en repart toujours chargé. Chargé de documents divers, puisés dans un salon gigantesque et tentateur. Des centaines d'exposants y présentent des matériaux, des matériels, des équipements, des services dont rêvent tous les habitants. Tous font assaut d'amabilités en tous genres, allant de la distribution de bonbons plus ou moins acidulés, de gadgets divers, de café accompagnés de viennoiseries, ou même d'une assiette de « charcutailles » pour les invités du Groupe de Loulou Nicolin. Les plus généreux sont incontestablement les spécialistes des déchets, qui ne rechignent pas devant la flûte de champagne ou le litron de Beaujolais. Les plus pingres demeurent les banquiers qui fichent à tour de bras, avec l'espoir de fourguer un emprunt ou deux dans le courant de l'année. Les plus malheureux, recroquevillés au fond d'un stand étroit, guettent désespérément le client potentiel parmi les centaines d'élus ou de techniciens qui déambulent sans que l'on sache s'ils traquent le cadeau potentiel ou la bonne information pour un futur projet. Faire salon, pour un Maire, c'est imaginer la ville idéale.

BRADERIE D’ETAT.- Quand il entre, en revanche, dans le périmètre où se déroulent les débats et les forums, il revient aux réalités. Il en ressort lessivé au Karcher de la braderie de l'Etat? A chaque passage dans une salle, il entend deux discours contradictoires : « soyez tranquilles, ne vous inquiétez pas, ne vous affolez pas, nous veillons à ce que rien ne soit ajouté à votre charge sans compensation », affirme-t-on d'un côté de la tribune? Et de l'autre, dans les travées, on accumule les exemples concrets qui prouvent le contraire. Le dialogue de sourds se poursuit, et ce matin, des élus bardés de leur écharpe tricolore incitaient leurs collègues, largement favorables à la majorité actuelle, à brandir l'étendard de la révolte. Ils ont vite rangé leurs tracts, face à une apathie générale.
Et pourtant, chaque jour qui passe, le gouvernement se déleste discrètement pour annoncer la suppression croissante de postes de fonctionnaires. Ainsi le Maire, quelle que soit la taille de la commune dont il a la responsabilité, vient de récolter « la prévention de la délinquance ». Il paraît qu'elle est réclamée à cors et à cris par les grands élus des banlieues, ceux qui ont une police municipale pléthorique, qui ont installé des caméras de vidéo surveillance partout, qui ont des commissariats sur place, des éducateurs de rues à foison, car payés par la politique de la ville.  

Le Roquet de Neuilly a donc sauté sur l'occasion : on ne le prendra plus dans le piège des banlieues. Si ça brûle, si ça explose : voyez votre Maire, qui devait assumer la prévention ! Le problème, c'est que le pauvre « couillon de Maire », sans moyens, sans police municipale, sans éducateurs de rues, sans crédits de la politique de la ville, aura la même tâche que celui de Neuilly, avec rien dans les mains et rien dans les poches ! Mais le citoyen bien pensant n'en a cure : il veut des résultats. Sarkozy a mis le feu aux poudres, a attisé l'incendie, et annonce froidement que le pompier, ce n'est plus lui. Voici une République qui ne tardera pas à confier la sécurité publique, mission fondamentale, aux collectivités locales, au prétexte qu'elles sont plus près des réalités. La pomade onctueuse déposé sur le cuir des présents par Crin Blanc laisse présager le pire.

VOIR LE MAIRE.-  Récemment, il a par exemple refilé aux Maires? le contrôle des logements insalubres, comme s'ils avaient tous les moyens de vérifier techniquement une habitation. Il leur avait subrepticement « accordé le privilège » de vérifier le fonctionnement des systèmes d'assainissement non collectif (avec quel personnel et avec quels moyens ?). Le Receveur municipal ne va plus contrôler que quelques lignes de la comptabilité communale, faisant semblant de croire que le Maire peut vérifier lui-même de centaines ou des milliers de mandats?
Pour le reste, la réponse est toujours identique. La répression du tapage nocturne : voir le Maire ! La vitesse excessive sur les routes communales : voir le Maire ! Le stationnement abusif : voir le Maire ! L'accueil des gens du voyage : voir le Maire ! La fiscalité locale immanquablement augmentée : voir le Maire ! Les normes de potabilité de l'eau : voir le Maire ! L'instruction et le suivi des dossiers de RMI : voir le Maire ! Les targettes des WC des cabinets des écoles, décisifs pour la réussite scolaire : voir le Maire ! Les excréments de chiens sur les trottoirs : voir le Maire ! Le maintien du bureau de La Poste : voir le Maire ! L'accueil des moins de trois ans à la maternelle : voir le Maire !.

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NI EGALITE, NI LIBERTE.- L'argumentation ne varie pas d'une estrade à l'autre : les « grands » Maires veulent d'avantage de pouvoirs pour se constituer en potentats seigneuriaux. On les leur donne, d'autant plus volontiers que, dans le même temps, les Ministres déclarent, la main sur le c?ur, qu'ils ne font que respecter cette volonté de décentralisation, et allègent prestement leurs budgets catastrophiques. On finira par se poser la question de savoir d'ailleurs ce qu'ils financent, avec leur part du gâteau fiscal national, à part le strict fonctionnement de leurs Ministères et de l'appareil central de l'Etat. Le balkanisation de la France est en route, ce qui est bien différent de la décentralisation accompagnée d'une véritable péréquation des moyens financiers actuels. Or Droopy Chirac a exactement fait le contraire, en creusant le fossé en décidant brutalement de bouleverser la taxe professionnelle, qu'il avait (on ne le dit pas assez) lui-même? créée, ou en promettant l'exonération du Foncier non-bâti agricole (symbolique).
Dans les salles du Parc des expositions de la porte de Versailles à Paris, on sent, depuis hier, que seuls les convaincus, aveuglés par un esprit partisan, ne se posent pas de questions sur l'avenir. 2006 sera redoutable mais, selon le principe de l'onde de choc, 2007 devrait être redoutable. Il ne s'agira plus de vivre la fonction de Maire, mais plus prosaïquement de survivre dans une tâche n'ayant plus rien à voir avec le triptyque républicain. Il n'y a plus d'égalité dans l'exercice des responsabilités. Il n'y a plus aucune liberté, puisque les moyens financiers liés à leur exercice ne sont plus donnés. Il n'y a plus de fraternité, puisqu' aucune décision ne repose sur la solidarité?

 Mais dans le fond, c'est bien fait pour les maires concernés. Ils o
nt bien voulu assumer cette tâche. Alors qu'ils se débrouillent ! Et cette année, au Congrès, je sens qu'ils en ont véritablement assez !

Mais je déblogue…

 

 

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