Le cheval, un bouc-émissaire un peu facile !

Les grands discours sur le développement durable enflamment les estrades ou les scènes des colloques et autres symposiums. Il faut bien avouer qu’il y a encore loin de la théorie à la pratique, tellement la complexité du système économique opposé à toute forme de contraintes pouvant altérer ses profits freine les décisions. Il en est une qui a beaucoup de mal à entrer dans les faits alors qu’elle conditionne bien des secteurs de la vie sociale : les circuits courts de distribution ! S’il fallait un événement qui prouve l’indispensable prise de conscience des consommateurs sur ce sujet, celui des lasagnes de Findus aiderait. Cette rocambolesque affaire de sauce bolognaise faite avec de la viande de cheval illustre à merveille l’absurdité d’une organisation internationale libérale dont le seul objectif reste la « marge » à réaliser sur des produits destinés au grand public. Rien d’autre ne compte, et pour y parvenir il est devenu indispensable de s’asseoir sur tous les principes clamés dans des instances déconnectées de la réalité.
La chaîne agro-alimentaire productrice des plats cuisinés est complexe. C’est ainsi que l’on découvre un circuit extraordinaire de la viande en cause dans ces fabrications industrialisées. En effet, on va vite apprendre que le « boeuf-cheval » vient de Roumanie où se situent l’abattoir et l’atelier de découpe. On connaît parfaitement la situation économique de ce pays entré dans l’Union européenne sans aucune véritable préparation, et dans lequel tous les corps d’État ont été détruits et déconsidérés. Plus de vrais contrôles, plus de sécurité sous toutes ses formes et une « jungle » reposant sur la nécessité absolue de s’en sortir par bien des subterfuges. La corruption y est répandue, et depuis 2006 des rapports européens alarmants (dont le dernier, il y a seulement une semaine) décrivent un contexte indigne de l’Union européenne. Les ministres accusés de corruption devraient démissionner et les parlementaires devraient cesser d’entraver les enquêtes pour corruption qui les concernent, souligne le rapport qui fait le point sur les progrès enregistrés dans le domaine judiciaire en Roumanie au cours de ces six derniers mois, mais il y a fort à craindre que les contrôles sanitaires ne constituent pas la priorité absolue de l’État roumain, ravi d’exporter ! Et comme partout dans l’UE on sabre dans les rangs des fonctionnaires, on ne peut plus compter sur une rigueur absolue dans les vérifications de la fameuse traçabilité !
Le « boeuf-cheval » était ensuite acheté par la société Spanghero, un importateur de viande basé dans le sud-ouest de la France, appartenant au groupe Poujol dont on connaît le passage effectué en Gironde, où elle avait racheté les boucheries Brunet dont les méthodes dans le domaine de la traçabilité étaient spéciales. Selon la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), chez qui on a supprimé des dizaines de postes de contrôleurs, l’entreprise a acquis la viande surgelée auprès d’un trader…chypriote (imposition quasiment nulle), qui avait lui-même sous-traité la commande à un trader situé aux… Pays-Bas. La société Spanghero a ensuite revendu la marchandise à Comigel, une société basée à Metz, spécialisée dans la fabrication de plats surgelés. Une fois la viande réceptionnée, les lasagnes, hachis et autres moussaka étaient préparés au… Luxembourg dans une filiale de Comigel et distribués dans 16 pays d’Europe, dont la France et la Grande-Bretagne. Partout dans ce cheminement, des obsessions : éviter les impôts, prendre du bénéfice maximum et éviter, par des zigzags, les vérifications possibles.
Maintenant, il va y avoir les enquêtes, les cris d’orfraie, les étonnements, les propos indignés, les plaintes alibis, mais comme tout le monde pratique ainsi on oubliera très vite les lasagnes, mon plat préféré quand mon père les confectionnait à la main.
Lentement, il va falloir imposer, au-delà de la « traçabilité », une autre vision des échanges commerciaux. A Créon, nous avons soutenu une AMAP qui fonctionne à plein régime, nous avons lancé une convention autour de l’origine des produits vendus sur les marchés du mercredi et du samedi, nous avons recentré le maximum d’achats communaux sur les structures de proximité (apéritif supprimé pour les manifestation et recours exclusif au vin produit sur la commune et dans les communes voisines, menus du restaurant surveillés…). C’est inévitable pour recréer la notion essentielle du développement durable : la proximité,  et plus encore la confiance ! Encore une fois, la seule mesure passe par une rééquilibrage social entre la consommation et la citoyenneté. Un vaste programme pour une Gauche lucide et généreuse.

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Cet article a 5 commentaires

  1. GUYON

    Gardons le souvenir de Walter et de ses frères sur le pré et,avec l’accent…Et puis,l’entreprise a été vendue,il y a quatre ans..Quoique,d’autres affaires!

  2. Dehlinger Jean François

    Curieusement on n’entend pas les chantres de la mondialisation, des marchés libres et non faussés, de la concurrence à tous crins ( de cheval) et des méthodes modernes de l’économie que ne peuvent comprendre une grande partie des français pas assez formés à cette sacro sainte économie de marché. Que cette affaire est bien venue pour étaler au grand jour les turpitudes de cette mafia des traders et des sociétés écran dont le seul but est de faire du fric sur le dos des consommateurs, des institutions et en espèrant qu’en plus il n’y ait pas de risque sanitaire.
    Moralité : boycottons tous ces produits et privilégions les circuits courts, le local , les préparations maison et la qualité qui, sur le vu de cette affaire, n’est pas si chère car elle ne fait pas courir ce type de risques. C’est aussi la défense des emplois dans nos campagnes et du maintien des productions agricoles et maraîchères dans nos régions et le bio peut aussi faire preuve de sa qualité et de la rigueur de ses contrôles.

  3. J.J.

    Les consommateurs de ce genre de produits ( plats cuisinés) portent aussi une responsabilité dans l’affaire. Je sais, les temps ont changé et je vais pour certains avoir l’air de dater de la marine à voile et de la lampe à huile, comme disait un célèbre général. Mais voilà ce qui arrive quand on confie aux autres le soin de réaliser ce que l’on pourrait faire soi même.

    Bien sûr, cela demande un peu de temps, de savoir faire et d’organisation, mais c’est aussi, sinon plus gratifiant, que de contempler les inepties récurrentes des programmes télé et les informations pipées que nous fournissent les médias.

    Autant certaines inventions me semblent des progrès majeurs, comme les machines à laver par exemple, autant la cuisine industrielle et surgelée me semble une régression sociale (coûteuse et peu sûre).

    L’humanité n’est pas morte de faim avant l’invention de la tambouille industrielle !

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  4. ALBOUY

    j’ai élévé 2 enfants, j’ai travaillé et ce n’était pas la semaine des 35 h ! , j’ai toujours cuisiné moi même, l’on va me taxer de ringuarde tant pis, j’achète certains produits en discount, en grande surface, je me fais plaisir de temps en temps au marché du coin avec des produits de qualité, ce midi mon mari et moi nous avons mangé 2 bifteks de cheval dans l’araignée, un délice ! avec une vraie purée, (pommes de terre d’un agriculteur du coin très goûteuses) . Je n’ai jamais eu un gros budget course puisque je n’ai jamais acheté de plats préparés, ni de surgelés. Voilà n’en déplaise aux écolos, aux végétariens, aux nutritionnistes etc …Voilà maintenant nous sommes des retraités en pleine santé, sans cholestérol, sans diabète …avec beaucoup d’activités. La cuisine est très conviviale, il faut retrouver le goût du bien manger, de manger de tout. Demain ça sera cassoulet, non mesdames la cuisine simple de tous les jours ça ne prend pas de temps, avec un peu de cerveau on arrive sans stress à concilier une vie de maman et d’épouse. Et mes enfants maintenant me direz vous ?, eh bien ils ont leur situation (ils ont travaillé dur à l’école) et vous ne leur ferez pas manger d’épinard surgelé entre autre …

    Allez une dernière : j’étais ce matin dans une file d’attente pour prendre du pain aux céréales et je dis à la personne à côté de moi : elles sont belles ces chouquettes, la dame me répond oui sans plus, alors gentiment je lui dis on peut les faire soi même aussi ! (vu le prix affiché ), elle me rétorque : je ne vais pas m’embêter à les faire . Je pense qu’elle s’était sûrement levée du mauvais pied ce matin ! Pourtant le marché était baigné de soleil.
    Mettez du coeur dans votre vie, quand je fais une brioche, je partage souvent autour de moi avec les voisins ou copines. Je me délecte de les voir sourire.

    Elle n’est pas belle la vie

    Je dédie ces mots à ma maman , à ma soeur , à son mari, à mon papa, à ma grand-mère qui était eux aussi des épicuriens, et qui m’on donné le sens de la vraie vie simple et harmonieuse.

    1. Jean-Marie Darmian

      Très beau. Merci pour ce témoignage !

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