Lorsque j’évoque le racisme ordinaire qui se répand sur le comptoir des bistrots ou des bars, mes écrits ou mes paroles soulèvent la réprobation car il paraît que l’opinion dominante ne fait que dénoncer une situation angoissante. La terrible supercherie facile du « grand remplacement », l’association entre immigration et insécurité et la renaissance d’une forme de guerre de religion liée à la montée d’un extrémisme sectaire témoigne de la continuité des courants néfastes traversant les sociétés. Il n’y a aucune exagération à évoquer la pancarte apposée sur la porte d’un café visant à interdire l’entrée aux chiens et aux Italiens.
La fameuse dédiabolisation des arguments portés par les partis populistes et démagogiques a totalement aboli les limites de la raison. Tout est désormais permis. Ainsi se réclamant des propos du député girondin du RN, le siège de la mouvance dite d’ultra-droite lilloise projetait d’organiser une soirée intitulé « qu’ils retournent en Afrique ». Une phrase faisant directement référence à la déclaration polémique du député RN Grégoire de Fournas, datant du 3 novembre dernier à l’Assemblée nationale. Il avait d’ailleurs été sanctionné d’une exclusion de séance pour quinze jours et de la perte de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois, la plus lourde sanction disciplinaire possible. N’empêche que l’injonction a fait son chemin.
Ce lieu qui revendique le titre de « maison de l’identité » ne dissimule pas sa mission de propagande en faveur d’une idéologie xénophobe. Son gérant se réfugie derrière la liberté d’expression pour justifier son initiative. L’interdiction de la soirée décidée par le Préfet sur ordre du ministre de l’Intérieur et après une demande du maire de Lille ne changera pas la donne. Un recours en référé contre l’arrêté préfectoral a été introduit par le patron de ce local au prétexte que son initiative ne tombe pas sous les coup de la loi. Et il n’est absolument possible que la justice aille dans son sens puisque la phrase du député RN du médoc n’a pas été portée devant un tribunal mais a été réglé à l’interne au sein de l’Assemblée.
On a aucune trace de condamnation pour le propriétaire du café sur lequel se troyvait la fameuse pancarte hostile avec une assimilation entre les chiens et les Italiens. D’ailleurs bien d’autres établissements purent sans aucune sanction dans les années 1920-1930 se joindre à cette forme de racisme décomplexé. Il faut se souvenir que le massacre à coups de manche de pioche, d’outils tranchants, de pierres des ouvriers venus de l’autre côté des Alpes pour travailler aux Salins du Midi à Aigues-Mortes les 1- et 17 août 1893 a donné lieu à aucune condamnation pour les 16 massacreurs parfaitement identifiés (1). la justice n’a rien pu face à un jury charentais réputé populaire. Notre histoire d’avant 1939 est parsemée d’événements racistes banalisés par le contexte social ou sociétal.
Tous les peuples africains qui ont clamé leur souhait de voir les colonisateurs exploiteurs « retournent chez eux » ont été jugés comme rebelles et donc réprimés au nom du bienfait supposé apporté par notre civilisation dont on constate chaque jour l’intelligente évolution. Au 1° janvier 2022 ce sont officiellement 1 614 772 personnes qui travaillent ou vivent dans une autre pays que celui de leur nationalité. De plus en plus de jeunes partent vers le Québec où ils trouvent une autre culture, une autre approche de la vie puisque là-bas la quasi-totalité des habitants ont des liens plus ou moins anciens avec le monde de d’immigration.
Le vrai problème c’est que la soirée reposant sur « l’incitation à la haine raciale » était destinée à être fréquentée par les jeunes. Rares sont les études expliquant les raisons de l’adhésion d’une part grandissante de la jeunesse aux thèses racistes et xénophobes. L’indifférence qui progresse, le renoncement des adultes et l’imprégnation médiatique constituent les facteurs essentiels de cette mutation. Toutes les références à la mémoire tombent à l’eau. Les discours moralisateurs se perdent dans le fracas des réseaux médiatiques. Demain on ne jugera même plus le racisme ordinaire.
Entre la « plaisanterie » raciste de fin de repas et les crimes de masse relaté par l’Histoire il existe toute une gradation d’attitudes d’inégale gravité, mais contraires aux valeurs démocratiques et, s’agissant de la France, aux conceptions d’une République désireuse de favoriser en n principe la fraternité. L’affaire de cette citadelle de la haine banalisée ne préoccupera pas grand monde.
Avec le film « Tirailleurs » a rappelé que notre liberté a été payée au prix du sang de ces hommes africains ou maghrébins auxquels la France l’avait ravie. Plus d’un million de spectateurs sont allés le voir. Probablement pas ces obsédés suprémacistes qui brandissent le drapeau français comme gage de leur identité alors qu’il le souillent en oubliant le sens de ses couleurs.
(1) Le 30 décembre 1893, les jurés de la Cour d’Assises d’Angoulême, sujets aux préjugés xénophobes, prononcent l’acquittement général . Alors que la culpabilité des seize inculpés français a été clairement établie par la justice, le jury populaire a en effet cédé aux pressions nationalistes. Le maire d’Aigues-Mortes le nationaliste Marius Terras, dut cependant démissionner.
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Avec ces 2 députés frontières, la Gironde se déshonore… !
Mais qui peut m’expliquer ce dilemme… « Edwige Diaz, dont le grand-père était communiste, représente le camp opposé à celui de son aïeul »… !
« Edwige Diaz, dont le grand-père était communiste, représente le camp opposé à celui de son aïeul »… !
On peut aussi trouver l’inverse : j’ai été élevé dans un milieu « Sabre et Goupillon ». si je me suis vite débarrassé du goupillon, pour le sabre ça a été plus lent mais tout aussi radical.
Mon grand père (que je n’ai pas connu : grippe 1918) était un admirateur de Paul Déroulède qui avait une propriété en Charente. Dans la bibliothèque il y avait les « Poésies militaires »(faut le faire !) dédicacées à mon grand père, ainsi que la photo de l’auteur, alors en exil à Saint Sébastien après la tentative de coup d’état du général Boulanger.
Avec sur la photo Tatatsoin ! « Vive la République quand même, vive la France toujours . » Fermez le ban
« De plus en plus de jeunes partent vers le Québec où ils trouvent une autre culture, une autre approche de la vie puisque là-bas la quasi-totalité des habitants ont des liens plus ou moins anciens avec le monde de d’immigration. »
Il est souhaitable que perdure cet état d’esprit, mais il existe un réel danger : souvent les « anciens nouveaux arrivés », dans le but de paraître intégrés et ne voulant pas partager les avantages acquis, se montent pire que les « autochtones ».
« les jurés de la Cour d’Assises d’Angoulême, sujets aux préjugés xénophobes »…,
Hélas une tradition : des angoumoisins (en nombre suffisant hélas) élirent un maire qui avait tout pour plaire : ancien créateur et animateur d’un mouvement pétainiste pendant l’occupation, soutenu par les milieux dits « bien pensants », directeur d’un établissement confessionnel et soupçonné de comportements déplacés avec des jeunes gens, sans que jamais une enquête ait été diligentée, ivrogne, noceur et exhibitionniste notoire. Connu notoirement de surcroît pour se livrer à des activités qui a l’époque pouvaient mener directement en prison. Il s’illustra également pendant la période OAS. Et il chercha même des ennuis à des élèves de l’EN d’Angoulême, qui se réglèrent par un rapport au préfet, contresigné par le directeur en personne. Heureux souvenirs.
Il hérita d’un boulevard à son nom, récemment une partie de ce boulevard a été rebaptisé Simone Veil. Dommage que tout le boulevard n’ai pas subi le même sort.
Bonsoir,
En 1965, Panhard est racheté par Citroën. Le maoïste Robert Linhart est ouvrier volontaire dans l’usine d’Ivry, a notamment participé au montage de 2 CV. Il raconte dans un livre remarquable, l’Établi, le quotidien là-bas : «Le premier jour d’usine est terrifiant pour tout le monde, beaucoup m’en parleront ensuite, souvent avec angoisse. Quel esprit, quel corps peut accepter sans un mouvement de révolte de s’asservir à ce rythme anéantissant, contre nature, de la chaîne ? L’insulte et l’usure de la chaîne, tous l’éprouvent avec violence, l’ouvrier et le paysan, l’intellectuel et le manuel, l’immigré et le Français. Et il n’est pas rare de voir un nouvel embauché prendre son compte le soir même du premier jour, affolé par le bruit, les éclairs, le monstrueux étirement du temps, la dureté du travail indéfiniment répété, l’autoritarisme des chefs et la sécheresse des ordres, la morne atmosphère de prison qui glace l’atelier.»
Le racisme est bien présent dans l’usine comme le raconte l’auteur. Les travailleurs des anciennes colonies arrivés en France sont massivement embauchés par les constructeurs automobiles, créant selon l’écrivain une stratification par les origines : «Il y a six catégories d’ouvriers non qualifiés. De bas en haut : trois catégories de manœuvres (M.1, M.2, M.3) ; trois catégories d’ouvriers spécialisés (O.S.1, O.S.2, O.S.3). Quant à la répartition, elle se fait d’une façon tout à fait simple : elle est raciste. Les Noirs sont M.1, tout en bas de l’échelle. Les Arabes sont M.2 ou M.3. Les Espagnols, les Portugais et les autres immigrés européens sont en général O.S.1. Les Français sont d’office O.S.2. Et on devient O.S.3 à la tête du client, selon le bon vouloir des chefs.»
La vie dans les usines Panhard était très dure depuis les débuts. Le premier bâtiment de l’usine est construit en 1872 dans un quartier encore réputé pour ses champs viticoles jusqu’à la moitié du XIXe siècle. L’usine principale s’étendait de la rue Nationale (porte d’Ivry) à la rue Gandon, et du boulevard Masséna à l’église Saint-Hippolyte. Avant la Première Guerre mondiale, la marque Panhard était l’une des principales marques de voiture en France. Avec le conflit, les usines se tournent vers l’armement et en particulier la fabrication d’obus. De 865 salariés en octobre 1914, les effectifs passent à 6 800 à la fin de la guerre.
Un petit aperçu des conditions de travail dans les années 1930.
Les ouvriers, notamment dans la presse communiste, se plaignent régulièrement des faibles paies, considérées comme plus basses qu’ailleurs. Aussi des conditions de travail, comme le relève le Pan-Pan, journal communiste de l’usine, en 1929 : «Au bâtiment au rez-de-chaussée, il n’y a pas de lavabo. Les jeunes et les adultes sont obligés de transformer des gamelles sales et des pots de peinture pour pouvoir se laver les mains, et naturellement nous ne pouvons pas nous laver la figure. Aussi nous demandons à ce que soit posé immédiatement un lavabo et cinq minutes avant l’heure pour nous laver les mains, et du personnel en suffisance pour que soit nettoyé le vestiaire, sur lequel il y a un centimètre de poussière.»
Gloire à nos anciens qui ont créé les fortunes de leurs patrons avec leurs existences rendues misérables et ont lutté pour que le travail s’humanise.
Aux travailleurs venus de l’agriculture se sont mêlés au fil des ans les immigrés pour endiguer les revendications ouvrières.
Bonne soirée
Qu’est-ce qu’un blanc, sinon un africain qui partit migré (5 à 10 kilomètres par génération) pour réussir, et revenir sur sa terre d’origine pour exploiter les siens.
Puis-je vous conseiller l’écoute de ces 5 x 30mn entretiens sur France-Culture.
« Evelyne Heyer croise la génétique des populations à l’anthropo-génétique pour comprendre l’évolution de notre espèce à travers nos cellules : « on utilise la génétique comme outil pour comprendre l’Homme. » L’anthropologie génétique est une discipline récente qui est liée au formidable essor de la génétique depuis les années 2000. Elle se fonde sur un ensemble de matières (ethnologie, histoire, archéologie, linguistique…) et cherche à prouver que la culture peut influer sur la génétique. »
La première des 5 émissions https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/a-voix-nue/dans-mon-adn-je-mets-5564057