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Pouvoir de vivre ou de survivre

Le débat sur le pouvoir d’achat va s’installer encore une dizaine de jours dans l’actualité sociale française. En fait cette notion n’a aucun sens tant il recouvre des réalités différentes. Il faut parler de « pouvoir de survivre » pour plusieurs millions de personnes, de « pouvoir de vivre » au mieux pour une large majorité et du « pouvoir de profiter » pour une minorité. Pourtant tous les discours actuels et futurs se transformeront en annonces de pourcentages d’augmentation qui ne serviront non pas à améliorer la situation des plus démuni(e)s mais à simplement leur permettre de ne pas totalement sombrer dans la pauvreté. Cherchez pas la fracture sociale est ici ! 

D’abord la référence essentielle reste la revalorisation du SMIC c’est à dire la rémunération d’un travail à temps complet pour obtenir le droit de consommer et d’acheter. C’est à dire que le système poursuit son erreur éternelle visant à donner d’une main ce qui est repris de l’autre par celles et ceux qui organisent le marché. Toute rémunération supplémentaire d’un salaire permet en effet pour l’État de récupérer des cotisations sociales supplémentaires et de la TVA. Elle génère évidemment des bénéfices supplémentaires pour les acteurs du système commercial ou productif puisque l’espoir reste de conduire les bénéficiaires de l’augmentation à davantage acheter. Il est certain que pour préserver le niveau de leurs profits ils oseront revoir les prix de manière progressive.

Au cours des années 2000, on a ensuite enregistré un net décrochage entre pouvoir d’achat perçu et pouvoir d’achat mesuré. Une des explications possibles de ce décalage serait liée au poids croissant des dépenses pré-engagées dans le budget des ménages. Elles ne cessent de croître. Pour simplifier cette notions ce sont tous les prélèvements effectués sur les ressources que l’on possède mensuellement et qui deviennent de plus en plus pesantes altérant de fait notre liberté de vie sauf si on se retire totalement du monde. Le pouvoir d’achat est une idée totalement abstraite puisqu’il devrait concerner la part restante lorsque toutes les contraintes sont assumées : remboursement de crédits ou loyer, énergie -chauffage et déplacement- eau, déplacements, impôts directes ou indirects, mutuelle, assurances, téléphone, demi-pension des enfants…

Depuis 2001, le poids des dépenses pré-engagées dans la dépense totale a augmenté de cinq points, passant de 27 % à 32 %. Ce poids s’est globalement alourdi de deux points entre les deux dernières enquêtes « Budget de famille » qui ont été exploitées ici (2011 et 2017), poursuivant la tendance constatée entre 2006 et 2011. le vrai problème c’est que bien évidemment ce phénomène pénalise encore plus est beaucoup plus lourd dans la dépense totale des ménages « pauvres » que dans celle des ménages aisés. L’écart s’est même largement creusé puisqu’il est passé de 6 à 13 points d’écart en 15 ans. Cette réalité structurelle le pouvoir tente de détruire par des primes saupoudrées sans expliquer que les retraites ne les prennent pas en compte.

Enfin cet étau des dépenses contraintes pèse sur le moral des personnes concernées qui savent qu’elles ne peuvent pas y échapper. Les locataires ou les accédants à la propriété souvent bloqués pour 25 ans minimum sont les plus sensibles à cette pesanteur sur leur niveau de vie des prélèvements pouvant vite devenir insupportable quand les autres charges obligatoires varient. La vie urbaine accentue vraiment ces situations critiques par le niveau des obligations sur la propriété ou le loyer. Des situations risquent bel et bien de devenir insupportables dans les prochains mois.

Alors dans un tel contexte parler d’augmentation du pouvoir d’achat constitue un abus de langage puisque cette notion ne concerne que la part du « revenu arbitrable », soit celui dont dispose le ménage après déduction des dépenses pré-engagées. Par exemple focaliser sur l’alimentation qui ne représente que 15 à 18 % du budget est beaucoup moins important que de se pencher sur l’énergie ! Les inégalités en termes de revenu arbitrable étaient déjà en 2017, près de deux fois plus fortes que les inégalités en niveaux de vie.

La société actuelle ne repose éternellement sur la croissance panacée à tous les maux dont souffre le monde. Consommez, consommez et nous nous occupons du reste. La crise sanitaire a été bienvenue car elle a permis et permet toujours de masquer le vrai débat. Aucune idée nouvelle à gauche sur ce sujet. Tout le monde entame le refrain du fric devant régler tous les soucis de ce monde et notamment l’inégalité, l’exclusion et la pauvreté. La juste rémunération du travail, la capacité à juguler les dégâts considérables de la non-maîtrise collective, publique des besoins essentiels (eau, chauffage, déplacements, éducation, santé…) ; l’instauration d’un revenu minimum de survie, le partage du travail  : autant de sujets masqués par des logorrhées sur l’immigration.

Sources INSEE

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Cet article a 3 commentaires

  1. Laure Garralaga Lataste

    Ce qu’il faut retenir de l’allégorie de la caverne:
    « c’est une métaphore du chemin qu’empruntent les hommes pour accéder à la connaissance, au monde des Idées. D’abord, ils sont prisonniers de leur ignorance, puis, même si le chemin est difficile et douloureux, grâce à l’apprentissage ils accèdent à la connaissance. »
    L’être humain aurait-il abandonné d’explorer ce chemin difficile et douloureux ? Aurait-il sombré dans le  » Tout!… tout de suite… ! »
    Si la réponse est OUI, c’est désespérant…

  2. Lecomte

    Belle analyse, réaliste et quelque part cela me chagrine encore plus de constater qu’aucune de ces idées ne circulent à gauche
    À quand la fin de l’infantilisme politique égocentrique?
    A quoi servent, par exemple, Poutou et Arthaud séparés et concurrents alors que leur idéaux méritent attention ?
    Le respect des idées est devenu une dispersion sinon une dilution des idées au profit de projets personnels ou de petits groupes de personnes au détriment d’un débat de fond pour œuvrer utilement pour le sens commun, et c’est pareil à droite!

    1. Bernie

      Il semblerait que les politiques engagés dans cette élection présidentielle ont donné des « pots de vin » aux chaînes Tv et aux dirigeants politiques et syndicaux pour agir individuellement.

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