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L’eau bénie pour les plantes de la piste

L’été ressemble étrangement à ce que n’est plus très souvent l’automne. Le ciel s’amuse à doucher les espoirs de celles et ceux qui rêvaient de liberté ensoleillée. Il semble que le sort s’acharne sur les vacances. Les premières matinées d’août frisquettes découragent les adeptes du petit-déjeuner sportif avec un copieux bol d’air et quelques « tartines  beurrées » aux efforts solitaires ou en groupes. Les pédaleurs sur les dents et les promeneurs prenant leur pied sur la piste Lapébie entre le Point Relais Vélo de Créon et Le Génestat à quelques encablures du phare abbatial de l’Entre-Deux-Mers, étaient rares en ce dimanche de grisaille.

La nature ne s’en plaignait guère et semblait heureuse de pourvoir s’ébrouer dans les rayons d’un soleil intermittent du spectacle estival. Elle séchait des larmes de bonheur car dans le fond la pluie devient en cette période, de l’eau bénite pour la croissance des plantes épargnées par les faucheuses automatisées dispensatrices de mort. Elles explosent, se gavent du précieux breuvages et verdissent de plaisir.

La traversée de ce qui fut la Forêt royale de Créon en une époque où pour faire feu de tout bois il fallait bénéficier de privilèges, ressemble à un long tunnel constitué par les frondaisons s’inclinant sur le passage de gens plus ou moins pressés. Une voûte romane des frondaisons forme une cathédrale naturelle qui s’ouvre devant le fidèle de la piste avec de temps à autres des piliers altiers s’élançant pour trouver le chemin vers les cieux. Impossible de ne pas se sentir en communion sereine avec ce cadre paisible au vert tendre d’intensité variable.

Un patchwork constitué par le soleil qui s’insinue dans les feuillages se constitue au gré des passages nuageux sur le ruban noir de la piste. Mouvant selon les caprices du vent, plus ou moins éclatant selon les inclinaisons de l’astre solaire le spectacle rendrait jaloux n’importe quel metteur en lumière d’un monument. Les quelques cyclistes dominicaux file vers La Sauve sans se rendre compte qu’ils traversent un spectacle sans cesse renouvelé. Leur obsession de lutter contre la montre qu’il devrait abandonner durant l’été,  ne les conduit pas à s’extasier sur ce type d’événement naturel.

Les plantes s’en donnent à chœur-joie. Elles s’éclatent, respirent la bonne santé. Elles semblent s’esbaudir de ces averses leur offrant un bain de jouvence. Tout pousse partout. Sur les talus maçonnés il y a maintenant plus d’un siècle et demi, des coussins moelleux de mousses effacent la dureté des matériaux. Les fougères se dressent fièrement oubliant qu’elles devraient afficher en temps climatiques normaux leur rousseur misérable des périodes sécheresse. Dans les friches voisines le moutonnement des roncier annonce des récoltes de mûres prolifiques. La flore se met au vert et accueillerait volontiers en résidence les poètes décidés à lui écrire une ode.

L’été pluvieux rend la piste heureuse. Elle respire la vie. Elle se délecte de ces pieds de nez aux certitudes climatiques. Elle aime bien se parer des atours simples qui d’ordinaire souffrent de la disette d’été. Elle sait que ce bonheur ne saurait être qu’éphémère. Ce premier dimanche matin d’août, la descente de Créon vers La Sauve constitue une plongée lente, douce, lénifiante dans le lagon vert dans une forêt banale mais tellement précieuse.

Le rêve s’achève en arrivant sur la route départementale que les fous du volant dévalent à tombeau ouvert sans trop se soucier de ce sentier pour cyclistes ou piétons noyé ans la nature. Le voyage s’achève puisque revient alors l’obsession des « temps » sous toutes leurs formes dont on avait oublié l’impact sur le quotidien. Un rapace survole le carrefour, poussant des cris perçants brisant le silence, comme pour attirer l’attention sur le triste sort d’un hérisson n’ayant pas eu le temps de se rendre le l’autre coté pour vérifier que l’herbe était plus verte. Un signe de l’indifférence que nous témoignons à l’égard du patrimoine naturel dont nous dilapidons le contenu.

Le retour à la « surface » laisse toujours un goût d’inachevé. On se promet dès que l’on en aura l’opportunité de revenir mais ans certitude de retrouver les sensations du passage antérieur. La piste change chaque jour, s’adapte, s’enrichit ou s’appauvrit selon les vicissitudes climatiques. Chaque tronçon a ses spécificités pour celle ou celui qui a l’envie de les détecter et de se les approprier. Faites en l’expérience !

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Cet article a 8 commentaires

  1. J.J.

    « La flore se met au vert et accueillerait volontiers en résidence les poètes décidés à lui écrire une ode. »
    Peut être un sous préfet de passage, se rendant à quelque agreste festivité représenter la République, comme du temps d’Alphonse ?

    Mais au fait, les sous préfets contemporains savent -ils d’ailleurs encore ce qu’est une ode ?
    Ça ne doit pas faire parti du programme de l’ENA, et c’est d’ailleurs parfaitement non productif et inutile pour remplir un rapport pour Bercy.
    Et de surcroît, argument décisif, ça ne rapporte rien, ou pas grand chose !

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à J . J .
      Pour corriger ton triste constat : « les préfets d’aujourd’hui ignorent ce qu’est une ode…
      Voici un peu d’instruction qui ne peurra que leur faire du bien :  » Ode, poème lyrique d’inspiration élevée »…

      1. Laure Garralaga Lataste

        avec mes excuses… « qui ne pourra… » Trop vite tue le bien… » !

  2. Denise Greslard Nédélec

    A te lire, je ressens la fraicheur du talus et de l’air matinal; imaginant la futur récolte de mûres…… Merci pour ce moment de rêverie paisible.
    Bises amicales

  3. Grene christian

    Et dire qu’il m’a fallu presque un siècle, depuis « Les chemins de la liberté » (Stanley Kubrick) », pour me retrouver sur « Le chemin de l’école » (Pascal Plisson), partant du Kenya pour arriver en Inde en passant par les montagnes de l’Atlas au Maroc et les plaines de Patagonie en Argentine. Heureusement, sur ma route, en 1969, j’ai rencontré sur ma route Serge Gainsbourg et Jane Birkin pour m’accompagner jusqu’ à Katmandou (André Cayatte). Allez! j’arrête mon cinéma.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à Christian
      Merci d’accepter « mon grain de sel… » :
      Voici mon chemin de l’école emprunté à Jacques Prévert et que j’accepte de partager avec mes amies et amis…
      « En sortant de l’école
      Nous avons rencontré
      Un grand chemin de fer
      Qui nous a emmenés
      Tout autour de la terre
      Dans un wagon doré… »

  4. Grene christian

    Excusez la répétition, et retrouvons-nous « Sur la route » avec Jack Kerouac. Elle nous ramènera bien à Thèbes, chez Créon.

  5. Grene christian

    Merci, Laure, de me faire compagnie. Le vélo? Heureusement, c’est l’anagramme de Love.
    A propos d’anagramme, connaissez-vous « Les éditions Flammarions »?

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