Y-a-t-il de plus grands défenseurs de la mondialisation que les ultras-libéraux américains ou européens. Ceux qui veulent ouvrir toutes les frontières, offrir des marchés aux meilleurs entreprises, doper la concurrence ou délocaliser leurs usines pour leur permettre de baisser les coûts et donc renforcer les profits pour leurs actionnaires n’imaginent pas atteindre les limites de leurs principes. Ils sont en permanence à la recherche de solutions pour contourner les lois, peser sur les pouvoirs politiques et surtout imaginer les solutions les plus sophistiquées afin que leurs privilèges soient protégés. Les grandes entreprises ne sont jamais à une contradiction près pour atteindre cet objectif consistant à exploiter toujours plus les hommes et la planète sans jamais abandonner leur obsession des dividendes. Il arrive pourtant qu’ils soient contraints de demander que l’on fasse une entorse plus ou moins fine aux règles que l’on a condamnées antérieurement. Le protectionnisme devient par exemple un bouclier indispensable quand la loi du marché ne vous est pas favorable.
Par exemple il faut savoir que les États-Unis sont les plus gros importateurs d’acier au monde. Leurs principaux fournisseurs sont le Canada (16 %), le Brésil (13 %) et la Corée du Sud (10 %), loin devant l’Allemagne (3%) et la Chine qui comptent pour moins de 2 % des importations totales. Cette réalité ne plaît vraiment pas aux grands trust américains qui sont aussi malmenés dans le secteur de l’aluminium. Ils ont donc demandé à leur pote Donald Trump qui n’est pas à une guerre économique près de… dresser des barrières douanières pour largement museler les importations. Il a donc menace les partenaires commerciaux des Etats-Unis de « taxes réciproques » sur leurs ventes aux USA après avoir visé la veille celles d’acier et d’aluminium la veille.
« Quand un pays taxe nos produits disons à 50 % et que nous taxons à zéro le même produit qui entre dans notre pays, ce n’est ni équitable, ni intelligent », a affirmé le président américain dans un tweet. « Nous allons bientôt imposer des taxes réciproques pour que nous puissions imposer la même chose qu’ils nous imposent. Avec un déficit commercial de 800 milliards de dollars, nous n’avons pas le choix », a-t-il affirmé… Une vaste opération de guerre commerciale a débuté et elle risque d’entraîner les pays brimés dans la logique d’œil pour œil, dent pour dent. Au moment où les agriculteurs français s’inquiètent d’un envahissement des marchés de la viande par l’Amérique du sud et que l’on leur annonce qu’il n’y a aucune inquiétude à avoir car tout est prévu pour en contrôler la qualité cette annonce de Trump démontre qu’il se fout ouvertement des conventions ou accords internationaux. D’ailleurs ces mesures ont suscité l’irritation de la plupart des partenaires commerciaux des Etats-Unis à commencer par l’Union européenne qui entend réagir « fermement et proportionnellement » pour défendre ses intérêts (sic) qui ne sont que ceux des Allemands ! Les USA tremblent : l’UE prépare des contre-mesures visant des produits américains: Harley-Davidson, le whisky américain et les jeans Levi’s.
« Nous ne resterons pas les bras croisés lorsque l’industrie et les emplois européens seront menacés », a averti Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne. Terrible ! Il faudrait expliquer en corollaire que les entreprises que favorisent Trump sont aussi européennes et ont des filiales outre-Atlantique et qu’elles seront gagnantes. Il leur suffira de passer par des pays tiers amis de l’agité du bocal vide de la Maison Blanche pour contourner l’obstacle . l’Organisation mondiale du commerce (OMC) chargée d’arbitrer les conflits commerciaux, a montré les dents en se déclarant « clairement préoccupée » estimé également qu' »une guerre commerciale ne serait dans l’intérêt de personne ». Le célébrissime FMI s’alarme à son tour et on sait que c’est toujours saignant quand ça concerne les Etats-Unis. Ils sont terrorisés par ce type de remarque : « Les restrictions à l’importation annoncées par le président américain sont de nature à causer des dégâts non seulement hors des Etats-Unis mais encore à l’économie américaine elle-même, y compris à ses secteurs manufacturier et de la construction qui sont de gros utilisateurs d’aluminium et d’acier ». Bref Trump fera ce qu’il veut et il sait que personne n’entravera sa volonté de satisfaire son électorat par des tweets débridés et provocateurs.
Ce qui est bizarre c’est que quand, chez nous, certains combattent le CETA ou le TAFTA on les taxe de furieux adversaires de cette merveilleuse idée sociale qu’est le libre-échange ! Ils sont cloués au pilori d’une opinion publique persuadé qu’il n’y a point de salut ailleurs que dans le « toujours plus » et le « toujours moins cher ». Quand Trump déclare que les guerres économiques étaient « bonnes et faciles à gagner » il sait fort bien que les traîtres sont nombreux dans le camp d’en face et que les victoires sont beaucoup plus faciles à obtenir !
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Bonjour,
Si on importe plus que l’on exporte c’est que les usines ne fabriquent plus. En France les usines delocalisent leur production à l’international pour de multiples raisons qui sont les leurs.
Et nous Français que faisons nous ?
Un tsunami est passé et nous n’avons plus rien à exporter.
Bonjour,
Les US ont créé un arsenal de lois pour rester maîtres du jeu. Avant la saillie verbale de Trump, personne ne parle des Français qui vont avaler la brosse avec les bâtons dans les trous mis sur les ventes du rafale. Les négociations pour la vente de Rafale supplémentaires entre la France et l’Égypte sont freinées par Washington. Les États-Unis refusent en effet l’exportation d’un composant américain. La pièce en question ? Une petite puce électronique «made in USA» présentes dans les missiles de croisière Scalp, eux-mêmes fabriqués par l’entreprise européenne MBDA, filiale commune d’Aribus, de BAE Systems et de Leonardo. Washington, s’appuie sur une réglementation américaine – la norme Itar (International traffic in arms regulations) sur les ventes d’armes – pour bloquer l’exportation et, in fine, la vente des Rafales.
La politique juridique extérieure américaine se fait plus menaçante. Certains observateurs y voient l’incarnation d’un des piliers de la guerre économique dont Donald Trump ne fait aucun mystère. La norme Itar n’est en rien utilisée ici pour prévenir ou sanctionner une quelconque fraude, mais pour protéger un intérêt américain. Le caractère légal de l’opération est parfaitement respecté.
La question de l’extraterritorialité des lois américaines reste entière puisqu’à chaque manifestation, elle oblige le président français à devoir entamer des discussions qui confinent plus ou moins à devoir courber l’échine. Il faut reconnaître à cette mécanique une efficacité absolue puisqu’elle revient, sous le prétexte d’une régulation économique visant à prévenir les fraudes, à arbitrer le droit du commerce international avec comme seul prisme l’intérêt américain.
Plus fort encore le Foreign corrupt practices act, (FCPA), loi américaine sur la corruption étrangère, est une formidable machine à cash. Avant d’être une arme de déstabilisation des entreprises et par conséquent des États, Le nombre d’entreprises touchées et le volume des amendes infligées grâce au FCPA évoluent de manière exponentielle : en 2004, cette loi a rapporté 11 millions de dollars au trésor US, dix ans plus tard, ce sont plus de 1,5 milliard qui sont tombés dans les caisses de l’Etat américain.
C’est cette mécanique particulièrement perfide qui a permis la fumeuse affaire Alcatel/Lucent. La procédure a commencé en 2004, suite à des pots-de-vin versés par Alcatel à l’ancien Président du Costa Rica, Miguel Angel Rodriguez. A l’instar de Patrick Kron chez Alstom, Serge Tchuruk, à l’époque PDG d’Alcatel, n’a jamais été inquiété par la justice américaine mais s’est ensuite âprement battu pour que son groupe rachète l’américain Lucent, une entreprise sans intérêt ni financier ni stratégique, à des conditions déplorables pour Alcatel. Ce sera chose faite en 2006, Alcatel ne se remettra jamais de cet achat désastreux. Depuis cette date, Alcatel-Lucent a licencié plus de 25 000 personnes dans le monde. En 2013, le groupe devenu exsangue, n’ayant plus de trésorerie, a été obligé de gager plus de 20 000 brevets d’une valeur estimée à 5 milliards d’euros pour obtenir un prêt de 2 milliards d’euros auprès des banques ! Démembré, désarticulé, le grand Alcatel devenu Alcatel /Lucent après la procédure FCPA, n’est plus que l’ombre de lui-même. Perte d’emploi, perte de technologie, transfert des compétences et de savoir-faire à des concurrents. La fragilisation d’une économie nationale au profit d’entreprises américaines, donc de l’économie US est une des conséquences du FCPA. Mais ce n’est pas la seule… Le scandale Alstom, par exemple, qui est une VÉRITABLE TRAHISON au regard de la souveraineté nationale. Je pourrais citer pour l’Europe les affaires Siemens, Total ou encore BAE System. Et la liste s’allonge chaque jour Société Générale, Sanofi et Airbus est le prochain poids lourd qui s’apprête à tomber. Si BNP Paribas, le Crédit Agricole et la FIFA n’ont pas été cités, alors qu’ils ont été tous trois également passés au hachoir de la justice américaine, c’est qu’ils ont eu à faire à d’autres lois, appartenant à l’arsenal judiciaire américain lui permettant de faire plier, les entreprises et donc les Etats. Les deux banques ont été inculpées grâce à la loi sous les embargos, la Fifa a, elle, été inquiétée grâce à la loi Rico.
La souveraineté des nations est mise en cause directement ou indirectement par l’extraterritorialité des lois US, maintenant rejointe par la Chine. L’Empire du milieu a bien compris comment se défendre et a mis en place son propre système anti-corruption. La Chine se montre très en pointe dans la chasse aux pots de vins. Le groupe britannique GlaxoSmithKline vient d’en faire les frais. En septembre 2014, Pékin l’a condamné à une amende record de 378 millions d’euros !
La France et l’UE courent toutes nues et désarmées face à des killers armés comme des porte-avions et déterminés au massacre de nos industries.
Et ce n’est pas Jupitaire roi de la comm qui nous défendra.
Salutations républicaines
trés intéressant et trés instructif.Merci
@ JMD, Désolé d’avoir ainsi squatté votre blog en étant aussi long, mais le sujet de la dés-industrialisation de notre pays et donc du chômage me tient particulièrement à cœur.
Merci JF pour ces précisions.
« Les US ont créé un arsenal de lois pour rester maîtres du jeu… »
Question du naïf de service :
De quel droit les Etazunis s’arrogent-ils ces prérogatives, et pourquoi les laisse-t-on faire ?
Ça me choque profondément dans mon internationalo-patriotisme que l’on se laisse dicter la loi par une bande d’émigrés prétentieux et mal dégrossis.
Bon, encore un article qui ne va peut-être pas faire plaisir à tout le monde.
https://www.legrandsoir.info/poutine-vante-les-nouvelles-armes-invincibles-de-la-russie.html
Je trouve profondément navrant et ridicule de laisser faire le petit commerce qui achète à une grande surface et revend plus chère aux pauvres habitants des campagnes.
Pourquoi le petit commerçant français n’aurait il pas la possibilité de s’approvisionner pour sortir un coût equivalent à la grande surface ?
Très bonne question @ Bernadette, tout simplement parce que les petits commerçants « indépendants » ne sont pas sur un pied d’égalité avec la grande distribution. La grande distribution use et abuse des centrales d’achats. Les grandes surfaces ont acheté TOUTES les centrales d’achats et font pression sur les fournisseurs pour obtenir les meilleures marges. Les petits commerçants sont contraints d’acheter aux centrales d’achats qui imposent LEURS prix.
Les quatres premières centrales d’achat françaises concentrent 92,2% des ventes en valeur (et 88,5% en volumes) de produits de grande consommation et frais libres services selon un rapport de Kantar Worldpanel (janvier 2016).
Autrement dit, 9€ sur 10 dépensés dans les produits de consommation passent par les 4 plus grandes centrales d’achats Françaises.
C’est ça la concurrence libre et non faussée .
Y a t’il un processus pour sortir de cette injonction commerciale ?
Les prix à la consommation ont augmenté comme le carburant d’ailleurs. Le prix du litre du carbu aurait augmenté de 30 centimes /litre.
@ JJ la réponse à votre question est ici
https://www.les-crises.fr/extra-territorialite-du-droit-americain-lindispensable-etude-dherve-juvin/
et la conférence du 8/03/2016 en vidéo
https://youtu.be/8RdW5AXvaTc
par Hervé Juvin – Consultant et écrivain
Ancien étudiant de Science-Po, Hervé Juvin est président de l’Eurogroup Institute et intervient en conseil en organisation et management auprès de sociétés françaises et européennes.
Spécialiste du milieu bancaire et des marchés financiers, il est l’auteur de plus de 100 articles et 10 rapports publics sur ces sujets. Il contribue régulièrement aux colonnes du Monde, de l’AGEFI ou encore des Echos.
Concrètement, je constate que cette importante question était totalement absente de la campagne présidentielle. Quitte à passer pour un dangereux complotiste, je considère que La French-American Foundation – France a tout fait pour rendre possible l’entrisme de nos « amis » américains. Cette fondation est une organisation qui se consacre à « renforcer les liens entre la France et les États-Unis ».
Fondée en 1976, elle se donne pour objectif d’encourager un dialogue actif entre les deux pays. L’une de ses activités principales est l’organisation de séminaires pour des jeunes dirigeants (Young Leaders) français et américains issus de la politique, de la finance, de la presse « à fort potentiel de leadership et appelés à jouer un rôle important dans leur pays et dans les relations franco-américaines ». Ces séminaires sont un des instruments du Soft power américain.
La liste des Young leaders est disponible ici et c’est édifiant!!!
https://fr.wikipedia.org/wiki/French-American_Foundation
Mais bon! dans le monde merveilleux des affaires, tout le monde il est beau tout le monde il est gentil…