Si les femmes et les hommes politiques veulent vraiment renouer avec les problèmes quotidiens de leur électorat il leur faut absolument se pencher sur le trajet « domicile-travail » pour bien entendu celles et ceux qui ont à l’accomplir quotidiennement. C’est devenu la préoccupation essentielle de bon nombre de nos compatriotes ayant fait le choix de construire, pour des raisons économiques, loin de leur lieu de boulot. Plus la distance augmente et s’éloigne des réseaux de transport collectif, plus les effets sont néfastes sur la vie personnelle des travailleurs. Sud Ouest a engagé une véritable enquête sur ce sujet et c’est un excellent réflexe journalistique car c’est le thème qui hante les Girondines et les Girondins « étalé » dans le plus vaste département de France.
Le trajet des Français pour aller travailler est en tout cas de plus en plus long et pénible dans tout le pays mais particulièrement en Gironde. Ces derniers mettent désormais -en moyenne- 50 minutes pour aller au travail et en revenir, soit 10 minutes de plus qu’il y a douze ans, selon une étude du ministère du Travail publiée hier. Si l’on considère qu’une personne effectue ce déplacement moyen environ 210 jours par an on arrive à ce que 350 heures soit quasiment 15 jours dans un mode de transport ou un autre ! Entre 1998 et 2010, la proportion de salariés mettant plus d’une heure et demie pour faire l’aller-retour domicile/travail est montée à 16% (+4), tandis que ceux mettant entre une heure et une heure et demie sont désormais près d’un sur cinq (19%,+3), précise cette étude.
Dans l’enquête de « Sud-Ouest » on titre sur « la galère quotidienne » que représente cette nécessité de quitter tous les matins généralement à la même heure pour arriver dans les délais impartis au bureau, à l’usine ou dans un service ou un autre. Et le soir sur le chemin du retour il y a l’angoisse de ne pas récupérer le gamin à l’heure dans les accueils publics ou chez la nounou pour ces femmes doublement pénalisées.
En effet les habitants de la région parisienne ont un temps de déplacement deux fois plus important que ceux des petits pôles urbains (68 minutes contre 35 minutes). Les femmes ont des temps de déplacement légèrement moins longs (46 minutes) que les hommes (52 minutes), mais un quart d’entre elles (24%) effectuent habituellement un détour sur leur trajet « pour déposer un enfant, aller le chercher, faire des courses », contre seulement 13% des hommes. Stress, angoisse, risques d’accidents, coûts réellement pénalisant surtout avec 2 véhicules : les effets induits de ce mode pèsent sur la vie familiale. En éloignant sa maison de 10 kilomètres et en construisant une nouvelle dotée d’absolument tous les critères d’économie d’énergie on ne réalise absolument aucune économie réelle et on accentue sa fatigue quotidienne.
En fait en choisissant un terrain à construire sur la base du prix au m² et pas de sa situation par rapport à un transport collectif fiable on s’enterre parfois financièrement par le seul déplacement domicile-travail. Comme 74% des personnes se rendent à leur travail en voiture et seulement 11% par les transports en commun, on en trouve que 7% se déplaçant à pied, 4% en moto, mobylette ou scooter, et malheureusement 3% à vélo. Il existe aussi une conjonction de plusieurs modes comme le TER, le vélo ou à pied comme il existe quand les parkings de dissuasion ne sont pas complets très vite l’automobile à laquelle succèdent le tram ou le vélo pour les plus audacieux.
Le vrai problème c’est qu’à cause de l’urbanisation étalée entre 1998 et 2010, le recours aux transports en commun a baissé (de 15% à 11%), de même que celui à la marche à pied (de 17% à 7%). Enfin, la fatigue liée aux déplacements, évoquée par seulement 15% des actifs, « apparaît directement liée » à leur durée, note l’étude, et c’est donc en région parisienne que les personnes se déclarent le plus souvent fatiguées par les trajets. Les aller-retour dans la journée sont logiquement d’autant moins nombreux que le temps de trajet est long. Si 29% des actifs font, outre leur aller-retour quotidien, un ou plusieurs trajets supplémentaires, surtout pour la pause déjeuner, seul un sur dix est concerné quand le temps de trajet est d’une heure et demie ou plus.
Beaucoup de Girondines et de Girondins contraints de fréquenter la fameuse rocade ont parfois cette durée de déplacement. Il n’est pas rare que l’on dépasse deux heures certains jours uniquement pour aller travailler. Selon l’heure à laquelle on embauche ou on débauche le temps peut en effet doubler pour un simple écart de 5 minutes. Des kilomètres de bouchons de transhumance quotidienne normale se transforment vite en cauchemars.
Créon, ville carrefour historique a vu en 10 ans la fréquentation de sa sortie vers le fond de l’Entre Deux Mers être multipliée par 2 soit plus de 16 900 véhicules jour et 23 000 personnes dans la ville sont montés sur un seul arrêt de car face à la la gendarmerie sur un an ! Une aire de covoiturage a été aménagée (4 à 6 voitures/jour) sans modifier considérablement les conséquences de constructions hors des grands axes à plus de 40 km du lieu de travail. Créon offre un coefficient de 1 en matière de gens travaillant sur zone et de gens partant le matin vers l’extérieur ce qui constitue une référence sur tout le territoire puisque plus de 1 000 emplois publics ou privés sont disponibles chaque jour sur Créon mais par exemple sur 185 personnels enseignants exerçant sur site créonnais seulement 8 % sont domiciliés sur leur commune d’exercice !
Le réseau TransGironde a pulvérisé ses prévisions de fréquentation mais il ne parviendra pas à résorber partout les effets néfastes de l’étalement « péri-périurbain » . Et son réseau en étoile vers l’agglomération nécessitera des adaptations comme le passage sur une voie réservée à certaines heures sur la rocade. On peut multiplier les pistes cyclables, élargir les chaussées, aménager les carrefours, dissuader par des taxes : l’imagination a besoin de retrouver sa place mais la citoyenneté aussi… Tout repose sur des choix d’urbanisation et des modes de vie qui ne se modifieront que sous la contrainte de la fin des énergies fossiles.
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Je trouve le titre mal choisi… les personnes de Gironde qui font des déplacements quotidiens travail/domicile et qui s’y fatiguent tout en y consacrant une part importante de leur budget ne sont pas comparables aux migrants réfugiés demandeurs d’asile fuyant la guerre et les horreurs et dont la situation est réellement tragique et appellent notre soutien.
Philippe Mora
Les mots sont importants.
Aux États-Unis, depuis Steinbeck, on les appelle les « commuters ».
En élargissant la valeur sémantique du mot « migrants », Jean-Marie démontre la
solidarité objective qui existe entre toutes les victimes du système capitaliste.
C’est ce « ventre encore fécond » qu’il s’agit de stériliser !
Nos vies valent mieux que leurs profits.
Je crois que si je ne devais dire qu’une phrase ce serait celle-ci, L’humain avant tout, avant toute considération de profit, de rentabilité, l’humain avant tout.
C’est au départ, toujours, un choix assumé, ce n’est pas toujours une « obligation » à cause des coûts, mais souvent un choix de vie, car la qualité de vie en milieu rural, est bien meilleure qu’en milieu urbain surtout pour y élever des enfants, ensuite, c’est vrais que les « plaisirs » y sont différents, les ballades dans les bois, les jeux de plein air, le vélo, les fêtes et réunions de village, les lotos, et les concours de belote….et puis le bus scolaire, le médecin qui prend son temps, vous connait et vous tutoie…..après, ça se « mérite » ont ne peux avoir le beurre et l’argent du beurre….alors oui les contraintes existes, mais ça vaut la peine…..
Un fait générateur à dissuader d’urgence : les délocalisations.
Et donc, en finir avec la « politique de l’offre » qui a démontré son incapacité à vivifier l’économie,
et re nationaliser les secteurs clés de l’économie : les services publics structurants de notre espace géographique … en commençant par le secteur financier.
Sur ces bases seulement pourra se développer une économie locale sociale et solidaire : le tissu associatif et coopératif.
Une politique « de gauche » ne peut faire l’économie de ces mesures (cf Tsipras …)
Remettre l’humain (donc son environnement) au centre des préoccupations passe d’abord
par la modification des rapports de production.