"Les spécialistes" : un feuilleton avec beaucoup de morts à la clé !

La semaine écoulée a mobilisé l’attention d’une France fonctionnant à l’émotion, et plus à la raison. Les plans de communication transforment l’actualité selon les volontés utilitaires de ceux qui les conçoivent. S’il n’est pas question une fraction de seconde de ne pas considérer comme dramatiques des événements exceptionnels par leur gravité, il faut bien avouer qu’une analyse globale, réelle, objective n’est pas pour demain. En attendant, chacun à sa manière se débrouille pour « utiliser » au maximum les préoccupations massives imposées par un système médiatique qui se délecte du sang, des larmes et des drames. Par exemple, en douce, Xavier Bertrand, sarkoziste viscéral, vient de faire publier au JO un décret et un arrêté instaurant l’option de coordination renforcée qui oblige les assureurs et mutuelles à rembourser aux patients des dépassements d’honoraires plafonnés à 50 % au-dessus du tarif Sécu en ce qui concerne trois spécialités : la chirurgie, l’anesthésie-réanimation et la gynécologie-obstétrique. Un cadeau exceptionnel fait à la clientèle médicale du pouvoir UMP : les spécialistes ! C’est une mesure inique en cette période de crise sociale et économique. Cette décision, prise en catimini, dans la tourmente émotionnelle, vient après le doublement de la taxe sur les contrats de santé solidaires et responsables des complémentaires santé. Elle devrait, selon la Mutualité française, entraîner une hausse des tarifs de 4,7% en moyenne en 2012 ! On voit mal les assureurs et mutualistes ne pas répercuter, une fois de plus, la nouvelle obligation de remboursement ! Ils deviennent les vaches à lait du monde médical le plus aisé, et le peuple va, une fois encore, enrichir les plus riches par des efforts supplémentaires. Il est vrai que son indifférence et surtout cette propension à se préoccuper du subalterne pour ne pas avoir à se révolter contre l’essentiel constitue le plus bel allié des gouvernants UMP! On assassine le système solidaire de couverture sociale par pur électoralisme !
Cette mesure n’aura absolument aucune influence sur les dépenses de santé actuelles, car les médecins pratiquant de gros honoraires en secteur 2, avec une bonne clientèle, n’ont aucun intérêt à passer dans le secteur optionnel. Quant à ceux qui dépassent, peu vont augmenter leurs prix puisque, in fine, le dépassement sera pris en charge par les mutuelles, contraintes par le décret « Bertrand ». Avec le nouveau système, dans les grandes villes et les régions où les dépassements d’honoraires sont élevés (Paris, Paca, Rhône-Alpes…), le plafond de 50% du tarif opposable sera trop bas pour attirer les candidats, et dans les zones où les tarifs du secteur 2 étaient peu élevés, les médecins seront tentés d’augmenter leurs prix jusqu’à 50%. En fait, le malade aura comme seul avantage d’être encore plus ponctionné à la base, et ensuite, au moment de sortir son chéquier pour la consultation ! Ce sera à prendre ou à laisser ! Le pire c’est que le ministre de la Santé ne compte pas s’arrêter là et pourrait faire publier, avant la présidentielle, un nouveau décret, qui obligerait cette fois les complémentaires à prendre en charge les dépassements plafonnés à 20% des autres spécialités. Tant qu’il y est, il attendra un événement dramatique pour refiler dans le J.O. un autre cadeau à une catégorie sociale majoritairement à droite pour d’évidentes raisons.
En fait, le résultat est clair et dramatique : une nouvelle catastrophe pour les Français qui ne disposent pas de complémentaire santé, que UFC Que Choisir chiffre de façon précise : « cela signifiera que les 4 millions de Français dépourvus de complémentaire devront assumer seuls le poids écrasant de ces nouveaux dérapages tarifaires ». Mais dans le fond, on sait bien que ceux-là, ou bien ils ne vont plus voter, ou bien ils ne se soignent plus, ce qui ne pénalisera guère le « président-candidat-sauveur ». La campagne ne mobilise guère sur les sujets essentiels du quotidien, car sa tonalité, imposée par des médias télévisés épouvantablement superficiels, tourne en permanence à la querelle de cour de maternelle. L’encadrement des dépassements d’honoraires ? Une utopie totale dans ce contexte du profit à tous les étages ! Comme l’hypothèse d’une négociation entre l’État, les mutuelles ou assurances et les « spécialistes » est inenvisageable ! Compte tenu de l’urgence dans laquelle cette mesure a été prise, le Ministre restera indifférent à ces propositions et il préfèrera sciemment sacrifier la santé d’au minimum 4 millions de français, afin d’obtenir le vote massif du corps médical pour le président candidat ! C’est ça la réalité de la semaine dernière. C’est ça la gouvernance sarkoziste. C’est ça que nous devrions collectivement condamner par un vote massif contre ce type de mesures politiciennes qui ruinent l’esprit républicain. La santé sacrifiée. L’éducation massacrée. La justice bafouée. La sécurité malmenée… Lentement, la France s’enfonce dans le marasme social, mais qui s’en soucie vraiment?

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Cet article a 6 commentaires

  1. Garnier

    Tout a fait pertinent (comme d’hab) La santé sacrifiée qui passe de la solidarité sociale au clientélisme des assureurs privés.
    Tout un débat que nous aurons l’occasion d’approfondir dans une conférence le 10 avril à 20h30 à Villenave de Rions (près de Cadillac) que j’aurai le plaisir d’animer avec Martine Faure. La santé dans tous ses états, redeviendra solidaire avec les propositions de François Hollande.

  2. Christian Coulais

    « Lentement, la France s’enfonce dans le marasme social, mais qui s’en soucie vraiment? »
    Les partis politiques de gauche…j’espère !

  3. PIETRI Annie

    Xavier Bertrand a exercé la profession d’agent général d’assurances à Saint Quentin, dans l’Aisne, depuis 1992. Il a poursuivi son activité après son élection comme député de la 12 ème circonscription de l’Aisne en 2002….( il a battu ma belle soeur, députée socialiste!), et ce jusqu’à ce qu’il devienne ministre. Cette activité professionnelle, et l’acharnement qu’il a toujours mis à détruire le système de protection sociale en général, et les mutuelles en particulier, n’est sans doute pas étranger aux décisions hâtives prises en catimini ces derniers jours….Mais personne ne fait jamais le lien entre ses centres d’intérêts privés et ses décisions en qualité de Ministre !

  4. Bonjour,
    extrait du Figaro.fr:
    « Paradoxe: le dispositif ne contente totalement ni les médecins, ni les assureurs complémentaires, ni les patients. Si elle salue une «réelle avancée», la CSMF, première organisation de médecins libéraux, regrette que «les praticiens de secteur 1 soient laissés de côté». Même tonalité du côté du syndicat Le Bloc, majoritaire parmi les spécialités chirurgicales. Les médecins de secteur 1 sont ceux qui n’ont pas le droit de pratiquer des dépassements. Ils doivent s’en tenir aux tarifs Sécu. Or l’Assurance-maladie elle-même reconnaît que ces tarifs, gelés depuis des années faute de moyens financiers, ne correspondent plus au coût de revient, ni au temps passé, ni au niveau d’expertise et de risque juridique des actes de chirurgie.

    La Mutualité française, de son côté, redoute des effets d’aubaine: de nombreux chirurgiens ou anesthésistes pratiquent déjà des dépassements «modérés». Ils pourraient les augmenter pour atteindre la barre des 50% au-delà du tarif Sécu et bénéficier en plus de l’allégement de leurs charges. À l’inverse, dans les zones où se concentrent les très gros dépassements (Paris, Lyon, Paca…), la Mutualité craint que la piste soit «peu attractive pour les praticiens» et donc inefficace. Quant aux patients sans couverture complémentaire (moins de 10% de la population), le problème restera inchangé pour eux. »
    Que vois-je ? Des critiques dans la « Pravda de l’UMP », tout fout le camp! En résumé, une intense odeur de clientélisme politique et un très gros relent de conflit d’intérêts pour l’ex assureur X.B. En effet, ce décret élargit le champ des mutuelles, ( associatives et PRIVÉES) argument commercial et justifie les hausses de tarif avec contrepartie fiscale… Il est vraiment très gentil ce monsieur X.B… Enfin pas pour les patients sans couverture complémentaire, salauds de pauvres!
    Bonne journée

  5. J.J.

    Les mutuelles ont le dos large, en fait beaucoup de ces organismes n’ont de mutuelle que le nom : la Mutuelle de Poitiers, celle du Mans (MMA), par exemple, sont en réalité des sociétés de type capitalistes qui sont uniquement des « assurances de santé complémentaire » comme beaucoup d’autres que l’on range dans la catégorie mutuelle.

    Se déclarer mutuelles est en fait une usurpation de titre qui affaiblit et dévergonde le sens du mot mutualité.
    Simple question de vocabulaire ?
    Sans doute, mais qui a son importance.

  6. @j.j
    c’est pourquoi j’avais fait le distinguo dans mon commentaire entre associatives ( vraies mutuelles) et privées ( à but lucratif).
    Cordialement

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