Tous les voyages offrent leurs grains d`aventure. Il serait illusoire de penser que notre époque moderne a détruit ce sel qui a donné un goût particulier aux déplacements hors de son périmètre quotidien d’activité. La dérégulation constante des moyens de conquérir de nouveaux mondes n’a pas arrangé ce principe clair pour tout voyageur : on sait parfois sûrement quand on part, mais il est de plus en plus difficile de savoir quand on rentre. En fait, les périodes haïes par les navigateurs du « pot au noir » existent plus que jamais, dans un monde que nous croyons sûr. Me voici donc en rade à Cacaras, perdu dans un océan de langues étrangères, et dans l’ignorance du retour des vents porteurs vers le bercail. Une aventure inédite, donnant un belle leçon de vie réelle, car elle démontre la fragilité absolue de ce MONDE prétendument globalisé. Même écrire un texte sur un clavier devient un exercice périlleux, puisque l’opération met à mal les habitudes…digitales.
Après une grimpette dans les Andes pour rejoindre d’une vallée à l’autre l’aéroport international de Medellin, il a fallu affronter l’épreuve de plus en plus humiliante du contrôle de sécurité. Et en Colombie, malgré l’annonce de la mort de l’emblématique Canom, leader des FARC, on ne plaisante pas avec les vérifications. Trois ou quatre viatiques sont indispensables. De jeunes amazones de treillis vêtues, au regard sombre, s’acharnent sur le passager, réputé clandestin ou porteur de la terreur intégriste. Le grand déballage total de la valise rangée avec tellement de difficultés constitue l’ultime épreuve de celui qui doit sortir muni de multiples tampons déposés avec une vigueur dénotant le besoin de pouvoir sommeillant dans tout fonctionnaire investi d’une mission salvatrice pour l’humanité. Le bruit mat du visa suit l’exposition à la foule craintive des chaussettes sales, des caleçons odorants et des médecines plus ou moins douces qui suivent le grand voyageur qui ne part plus avec des croix ou des vierges mais plus prosaïquement avec du Doliprane et de l’Imodium sensés être plus protecteurs des avanies du corps. La gardienne de la sécurité de tous, investie d’une mission divine évitant que l’enfer de l’attentat ne tombe sur le monde, scrute le moindre recoin avec zèle, sous le regard d’un chef, les bras croisés, qui lui, observe les réactions du suspect. L’alibi sécuritaire anti pirate, vieux comme le monde, permet d’angoisser le vieillard, comme le jeune insouciant, ou le travailleur heureux de retourner au pays. Le Touriste lui, bénéficie d’un sort particulier, car il est réputé innocent aux mains vides, tentant de dissimuler d’inutiles souvenirs, dont la vie s’achèvera dans une armoire ou sur une étagère…ouverte à la poussière de l’indifférence. A suivi, l’épreuve du portique. La plus redoutable car, quand elle tourne mal, on se sent aussi ridicule qu’un acrobate ayant manqué son saut, pourtant réputé peu périlleux. Haut les mains…le gendarme tient un voleur. s’approche de lui, le palpe avec plus ou moins de finesse, pour détecter ce qu’il ne détectera jamais. A Medellin l’exercie se répéte, afin que ne s’envole pas la poudre aux yeux des démons. C’est tellement un boulot de gagne petit que la police le sous évalue. Epreuve, épreuve après épreuve, on passe du statut de dangereux à celui de tricheur, pour terminer en banal passager, empêchant de conquérir, pour tous ces filtreurs de l’impossible, la fierté d’avoir intercepté un délinquant. Certes, de temps à autre, ils confisquent une bombe…de laque pour dame soucieuse de son image, ou un couteau suisse, fierté de son propriétaire. C’est un tel boulot de gagne petit que les fonctionnaires l’ont sous traité à des cerbères privés, partout en Colombie et ailleurs.
De l’autre côté, on se sent mieux, même s’il faut encore et encore présenter des cartons scrutés sur toutes les faces avec cette terrible sensation de n’être qu’un individu marginalisé par le système de la suspicion institutionnalisée. Rien à déclarer certes, mais pourtant beaucoup à dire.
L’avion attend sagement, sous un orage tropical à noyer un canard même à l’eau. Les Andes sont surprenantes et une poignée de voyageurs va rejoindre Caracas après avoir été ausculté sous toutes les coutures. Le Vénézuela de Chavez est au bout d’un voyage commencé dans la brume et terminé par une longue promenade le long des cotes atlantiques pour déboucher sur l vallée laquelle s’étire uné aroport convoité par toutes les compagnies pusique le kérosène y est bon marché… ce qui procure un statut « rentable » au lieu grouillant de toutes les nationalités arrivant de toutes les capitales d’amérique centrale et du sud. Aucun cerbère en vue. Seuls deux douaniers nonchalants regardent devant leur écran les bagages transformés en squelettes anonymes. Ouf! Enfin libre. En transit on échappe à cette outrance permanente que constitue la transformation de n’importe quel arrivant ou partant en objet à identifier.
Tout le monde est à l’embarquement après avoir bénéficié de contrôles poussés de la part d’une armée omniprésente. Fouilles et refouilles avec pour certains le transfert à l’hôpital voisin pour… scruter leur estomac ! Ils n’étaient donc pas présents quand la nouvelle est tombée : pompe hydrolique défaillante ! Finie la tranquilité : une annonce fait tout tomber et le « calvaire » reprend. Il faut répartir plus de 400 personnes vers des hôtels. Maîtriser les égos démesurés, les tricheurs « égoîmanes », les râleurs exécrables, les égarés dans ce monde complexe, les isolés du langage relève de l’impossible. Les naufrages font renaître les natures humaines profondes et les comportements les plus détestables. Pour ma part, un nouvel examen de passage : je suis devenu en une seconde un immigré clandestin au Vénézuéla pusique je n’ai pas de visa, ce sésame des voyageurs qui n’a jamais été réclamé aux explorateurs partis vers la conquête de leur avenir.
Escorté je file vers un bureau où il me faut tenter d’expliquer la situation. Une jeune femme finit par décocher le tampon qui me sauve de la prison pour m’expédier vers une longue quête d’une chambre dans la capitale la plus criminogène du continent. Je pourrai dormir (très peu) du sommeil de celui qui a franchi tous les contrôles. Enfin seulement durant quelques heures car dès le lendemain la machine à fabriquer du suspect se remettait en route. Arrivée plus de 4 heures avant un départ potentiel et toute la cohorte interminable des pressés de reprendre l’air franchissent barrages sur barrages avec sans cesse cette hantise d’être pris en défaut pour une pécadille.
Cette oppression morale gâche le plaisir de la découverte. Peu à peu la société se recroqueville, pressurée par le dogme du risque zéro, contrainte par les pouvoirs à se sentir coupable d’aller vers les autres. S’envoyer en l’air tient de la prouesse et le pseudo culte de la vitesse s’effondre face à ces interminables entraves à la liberté de circuler.
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Monsieur Darmian, merci !
Un peu d’air frais et littéraire, un belle plume, ou plus actuel, un beau clavier même QWERTY, ça nous redonne goût à la vie !
…
Vous voilà donc confronté aux sbires privés d’une administration ayant renoncé au plaisir savant du pouvoir absolu du petit chef.
En France, aujourd’hui, j’ai reçu chez moi un mec, faisant partie de la Féderation de Associations Laïques, très ancienne maison républicaine.
Il se trouve que le Conseil Général (de Corrèze, bonjour monsieur Hollande) a décidé de confier à la FAL la responsabilité de prendre en charge le jugement de qualité que doivent subir les artistes demandant une quelconque aide à activité.
Ce qui est mon cas.
Comme un artisan présente sa candidature aux collectivités pour tenter de décrocher un appel d’offre, ou un agriculteur se renseigne sur les avantages particuliers aux quels certaines entreprises ont droit, nous artistes avons besoin d’un accord et d’une certification pour engager les frais nécessaires à une exposition, par exemple.
De gros budgets, de très gros budget, circulent entre le Ministère de la Culture, les régions, les départements, les Directions des affaires Culturelles etc etc,et l’Europe.
J’ai donc eu vent d’une possibilité « d’aide exceptionnelle à exposition » accordée parfois par les Conseils Généraux, hors du cadre des jeunes diplômes des Beaux Arts, aide accordée aux artistes « certifiés ».
Certifiés donc par la FAL, mandatée par le Conseil Général.
Le mec arrive chez moi à 11 heures trente, mon domicile étant sur la route qui doit le mener plus tard dans l’après midi à un autre rendez-vous.
Mandaté par le Conseil Général, ce n’est pas n’importe qui.
Il est sensé m’expertiser, me calculer, me peser, enfin mon travail, et présenter mon dossier ensuite à la commission des administrations culturelles.
A midi trente, ma compagne ne peu décemment faire autrement que de l’inviter à manger, ce qu’il accepte de suite.
Puis, ce joyeux assimilé fonctionnaire passe deux heures de plus, bois quelques cafés, tout en démolissant petit à petit tout espoir de concrétisation de ma demande, jugeant du haut de son expérience toute nouvelle de « critique d’art assermenté » que ma peinture et ma sculpture, bien que coté et référencé depuis des années par les marchands d’art n’a que peu d’intérêt…
La-dessus, histoire de payer le repas sans doute, il me fait toutefois avant de partir, et au nom de la Fédération des Associations Laïques , mandatée et sponsorisée par le Conseil Général une proposition à la hauteur de mes trente années de peinture et sculpture:
Je n’ai plus de cartes de visites, pas de soucis il m’en feront une cinquantaine, gratuitement sur leur photocopieuse.
Merci monsieur l’assimilé fonctionnaire d’état, merci mon prince.
Là dessus, je suis allé relire le compte rendu des achats effectués par le Fond Régional d’Art Contemporain, et des dépenses faites par le Conseil Général pour l’achat de fauteuils confortables et…
Et j’ai lu votre texte, ce qui m’a sauvé d’une envie soudaine de passer de force tous les portiques …
Bienvenue dans le monde paranoïde des immigrés de tout poil, ou le moindre uniforme en vue annonce rarement une remise de médaille…
Par ailleurs, quel beau texte! J’espère que vous emploierez votre retraite à l’écriture…