La part du feu… pour juguler l’incendie !

La part du feu… Un vieux principe utilisé par les gens acculés à une situation dramatique et qui savent que, pour préserver l’essentiel, il faut savoir sacrifier le subalterne. Le chef de l’État français est tellement mal en point dans absolument tous les domaines de la vie politique, qu’il vient de se comporter exactement comme le ferait un officier des sapeurs-pompiers face à un incendie susceptible de dévorer une forêt. Il a décidé de perdre une part de sa crédibilité, afin que le cœur du système ne soit pas atteint. Entre le permis d’extension de la villa de Joyandet, les cigares de Blanc et le sanctuaire des relations entre affairisme et gestion publique, on ne joue absolument pas dans la même catégorie. Mais en donnant en pâture aux médias deux victimes expiatoires consentantes, qui vont revenir à l’assemblée nationale par le biais de la réforme constitutionnelle antérieure, il espère éteindre l’incendie qui se rapproche de l’Élysée. C’est purement et simplement la méthode des exécutés pour l’exemple, afin de forcer les récalcitrants à monter au sommet de la tranchée.
Il est vrai que certains se sont vite mis aux abris, et ne participent plus du tout au combat qui fait rage. Le motodidacte Estrosi, empêtré dans ses logements, a pris le maquis. Rama Yade a été ligotée et bâillonnée, Fadéla Amara a regagné les caves des banlieues… Tout le monde se planque pour ne pas finir en cendres politiques avant que l’hiver soit venu. Vivement le 14 juillet et les congés payés. Ah ! Si sur le Tour de France un bon Français de souche pouvait s’emparer du maillot jaune (on va remettre Virenque sur sa mobylette de marque EPO) ou si l’on découvrait l’attirail « sanitaire » de Lance Amstrong, il serait possible de vivre en paix encore quelques semaines.
Mais il y a pourtant fort à parier que, bien qu’elle ait des liens privilégiés avec L’Oréal, Madame Woerth n’arrivera pas à maquiller toutes les cicatrices de ses diverses connivences. Toutes les promesses vont être faites en matière de pseudo intervention judiciaire, en sachant fort bien que l’ouverture d’un dossier mettrait à l’abri bien des documents compromettant. Le fameux secret de l’instruction serait alors une bénédiction. Il sera aussi possible de laisser passer l’orage, en ne répondant plus à rien… et en laissant les rares journalistes d’investigation s’épuiser dans la traque de preuves encore plus tangibles du mélimélo entre UMP, fisc, fric, et pouvoir actuel. Comme Madame Bettencourt doit avoir une vision extrêmement limitée de sa fortune, et une connaissance très lointaine de la manière dont elle est gérée, il sera facile de lui attribuer des décisions prises à l’insu de son plein gré…on trouvera bien, un jour ou l’autre, un expert psychiatre qui attestera que, dans le fond, elle est… irresponsable, et que rien ne peut être retenu contre elle. On enverra Claire Chazal faire un publi-reportage sur ses malheurs, et l’affaire sera morte… et enterrée, comme les pauvres fonctionnaires tombés dans l’attentat de Karachi.
Les réformes vont s’accélérer dans le domaine de la justice, avec la suppression du juge d’instruction et la main-mise directe sur la nomination des procureurs. Toute l’administration va serrer les boulons. L’UMP va taper dans les effectifs des secteurs de la fonction publique les plus susceptibles de mener la révolte. Ce qu’il reste d’indépendance de la télévision publique va être sapée, comme c’est désormais le cas sur France Inter. Le temps presse. Plus de quartier. Une course de vitesse est engagée. En allumant un contre feu en plaçant sur un bûcher purificateur deux vierges effarouchées par les conséquences d’un arrangement avec un permis de construire et une cave à cigares, l’Elysée tente de limiter les dégâts. Il faut convenir que quand on met dans des colonnes les chiffres liés à la gestion de la fortune de cette « mamie gâteau » (ou gâteuse ?) et les 12 000 euros partis en écran de fumée, la sanction exigée par ce parangon de la rigueur qu’est le Chef de l’État français paraît véritablement disproportionnée.
Au cours des années 1999-2002, L’Oréal avait donc dépensé 2 milliards dans ses usines et 2 milliards pour rémunérer ou conforter la position de ses deux actionnaires de référence. Entre 2006 et 2009, les chiffres soulignent que le souci primordial est patrimonial : 3 milliards pour l’outil industriel et logistique, 6 milliards pour les actionnaires ! Le parfum n’est plus le même, la perspective a changé. Madame Bettencourt s’est considérablement enrichie. Elle n’a donc fait l’objet d’aucun contrôle fiscal mais, pour sa défense, signalons que les contrôleurs sont de moins en moins nombreux (un fonctionnaire partant à la retraite sur deux est non-remplacé !). Elle a pourtant bénéficié du bouclier fiscal. Le fisc a remboursé 30 millions d’euros à la milliardaire Liliane Bettencourt en mars 2008 (soit près de 30 fois le montant des cigares de blanc), une opération qui nécessitait l’aval du ministre du Budget, Eric Woerth, affirme le site internet Mediapart citant une source fiscale. Interrogé par l’AFP, le ministère du Budget s’était bien évidemment refusé à tout commentaire « en vertu du secret professionnel en matière fiscale ». Les comptes en Suisse ne comptent que pour près de 80 millions d’euros, mais comme Eric Woerth, trésorier de l’UMP, possède une liste de 3000 tricheurs de ce genre, on peut penser qu’il n’avait pas eu, tout simplement le temps de prendre connaissance de tous les feuillets. Il n’en était qu’à la lettre « A » quand il a été muté !
La Tribune de Genève parle d’«un véritable montage financier d’évasion fiscale». Certains gestionnaires suisses voient dans les tourments d’Eric Woerth un juste retour de bâton, après la chasse à la fraude qu’il leur a fait subir voici un an. Selon le quotidien suisse, son épouse habitait quasiment à demeure à Genève.
Au début de l’année, le bouclier fiscal était durement critiqué: il protégeait les plus riches des efforts de rigueur imposés au plus grand nombre. Cette fois-ci, la proximité du clan Sarkozy avec les grandes fortunes, y compris pour son financement politique ajoute une nouvelle dimension à l’affaire : depuis 2007, c’est désormais une certitude, quelques centaines de grands donateurs de son «premier cercle» y participent. Les autres, les millions d ‘autres, goberont comme des couillons que le fait que deux sous fifres aient été priés de redevenir représentants du peuple, constitue une avancée démocratique.

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Cet article a 4 commentaires

  1. Annie PIETRI

    On ne peut que partager totalement ton indignation, Jean Marie….. Sarkozy et Fillon prennent décidément les citoyens français pour des « couillons »….Aussi critiquables et déplorables que soient les comportements de Joyandet et de Blanc, ils sont sans commune mesure avec ce qui est reproché à Eric Woerth, et entendre, comme cela a été le cas ce soir sur une chaîne de télé, que les français trouvent plus graves les errements des deux sous ministres que ceux de Monsieur Woerth….c’est vraiment les prendre pour des demeurés, sans la moindre intelligence ni la moindre jugeotte. Ils ne peuvent pas espérer que les deux « remerciements » de ce soir puissent servir de contrefeu à l’implication du ministre Woerth dans une affaire telle que celle qui lui est reprochée. Pour qui a lu Médiapart, et écouté les enregistrements clandestins, il ne peut y avoir aucun doute. Et c’est à nous, socialistes, qu’il appartient de le faire savoir, de l’expliquer à ceux qui seraient un peu dépassés par ces affaires financières, qui, effectivement, ne sont pas « lumineuses » pour tout le monde….Les preuves s’accumulent de la duplicité et de la corruption qui sévit à tous les étages de ce pouvoir, et nous ne pouvons pas ne pas réagir bruyamment….

  2. alain.e

    Je suis plus qu’ étonné par le peu de réactions des représentants politiques dit de gauche a toutes ces affaires.
    On entend que si les socialistes en faisaient trop , ils encourageraient les réactions populistes genre « tous pourris ».
    je crains que ce ne soit plus le carrièrisme que le populisme qui ne les laissent quasi muets.
    Heureusement qu’ il y a JMD.

  3. Michel d'Auvergne

    Bonjour à Jean-Marie et à tous,
    Il y a, au moins, soixante-dix pour cent de taxe sur la tabac, donc l’Etat a une lourde responsabilité pécuniaure dans les volutes bleutées (tiens, mais c’est couleur UMP!) issues des narines de Blanc, donc Bachelot, (encore elle) aurait dû logiquement démissionner comme ses petits camarades, sauf si ses subsides actuels servent au remboursement du fiasco (par pour tout le monde…) « grippaire » de l’hiver dernier.
    Il est certain qu’être politique, en France, après l’ére (on devrait écrire « erre » pour être exact.) Sarkozy, cela va être raide, tant ils ont discrédité la fonction, pourtant fondamentale en démocratie !
    Hongrois plus personne…

  4. J.J.

    Il paraît (monsieur Bussereau dixit) que c’est démagogique d’assimiler toutes ses affaires et d’évoquer de surcroît le « Sarkozy Number One » à 180 milllions.
    C’est du moins ce qu’il a répliqué à madame Royale, qui déclarait que les susdits millions, employés à remettre en état les digues auraient évité bien des malheurs.

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